Climat : Pour l’ONU, les pétroliers ont menti et doivent être punis, le patron de TotalEnergies répond

Pour le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Gutteres, « certains pétroliers » ont caché pendant des années les informations dont ils disposaient sur le réchauffement climatique. La major américaine ExxonMobil est en effet citée dans une récente étude sur le sujet mais dément les accusations. Interrogé par BFM Business, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné a affirmé qu'il ne « savait rien du tout ». Pour Antonio Gutteres, la question de l'impact de l'industrie pétrolière sur la planète est aujourd'hui pressante pour tenir l'objectif d'une hausse des températures limitée à 1,5 degré d'ici à la fin du siècle.
Une étude parue la semaine dernière dans la revue Science révèle qu'ExxonMobil disposait dès les années 1980 de prédictions sur le réchauffement climatique d'une justesse remarquable, réalisées par ses propres scientifiques, et qui se sont révélées être précisément ce qui s'est produit plusieurs décennies plus tard.
Une étude parue la semaine dernière dans la revue Science révèle qu'ExxonMobil disposait dès les années 1980 de prédictions sur le réchauffement climatique d'une justesse remarquable, réalisées par ses propres scientifiques, et qui se sont révélées être précisément ce qui s'est produit plusieurs décennies plus tard. (Crédits : Reuters)

Une étude parue la semaine dernière dans la revue Science a mis le feu aux poudres. Elle y révèle que le groupe pétrolier américain ExxonMobil disposait dès les années 1980 de prédictions sur le réchauffement climatique d'une justesse remarquable, réalisées par ses propres scientifiques, et qui se sont révélées être précisément ce qui s'est produit plusieurs décennies plus tard. Or l'entreprise a pendant des années publiquement jeté le doute sur l'état des connaissances scientifiques en la matière, a également souligné cette publication. Un sujet que le secrétaire général de l'ONU a dénoncé ce mercredi 18 janvier à Davos, lors du Forum économique mondial.

« Certains producteurs d'énergies fossiles étaient parfaitement conscients dans les années 1970 que leur produit phare allait faire brûler la planète. Mais comme l'industrie du tabac, ils ont fait peu de cas de leur propre science. Certains géants pétroliers ont colporté le grand mensonge », a affirmé le dirigeant.

Selon Antonio Guterres, « les responsables doivent être poursuivis » comme les cigarettiers l'ont été. Une référence aux 246 milliards de dollars que les géants du tabac aux États-Unis avaient accepté de payer en 1998 à 46 États sur une période de 25 ans afin de couvrir les coûts engagés pour soigner d'anciens fumeurs.

Après la parution dans la revue Science, un porte-parole d'ExxonMobil a déclaré à l'AFP que « cette question » avait « fait plusieurs fois surface ces dernières années », ajoutant qu' « à chaque fois, notre réponse est la même : ceux qui évoquent ce qu' "Exxon savait" ont faux dans leurs conclusions ».

Lire aussi : ExxonMobil conteste devant la justice la taxation de ses « surprofits » en Europe

TotalEnergies nie avoir été au courant

Interrogé sur le sujet par la chaîne française BFM Business à Davos, le patron du géant français des hydrocarbures TotalEnergies a affirmé que son groupe ne « savait rien du tout ».

« J'ai participé à la première conférence de Paris (sur le climat) quand je travaillais pour l'État français, ça date de 1995. A Rio (en 1992, ndlr) la question a été mise sur la table. Dire que nous savions... Nous, on ne savait rien du tout, on lisait les papiers, moi je n'ai pas des scientifiques du climat chez TotalEnergies », a déclaré Patrick Pouyanné. Et d'ajouter : « On veut réécrire une histoire qui me paraît pour le moins étrange », évoquant un « faux débat ».

Le dirigeant français a néanmoins reconnu que la « collectivité internationale a mis du temps à prendre conscience et à écouter les scientifiques. (...) On a tous eu tort ». Mais interroge tout de même : « Pourquoi désigner les compagnies pétrolières ? Qui tire de l'argent du pétrole et du gaz aujourd'hui ? Il y a plein de compagnies, des compagnies qui fabriquent des voitures - les voitures fonctionnent à l'essence, que je sache - les avions, les compagnies aériennes... », a-t-il pointé, estimant que l'industrie pétrolière avait tendance à « servir de bouc-émissaire (...) à tous les maux du monde ».

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Remettre en question le modèle actuel du pétrole

« Il faut que le pétrole reste en terre », a lancé la militante équatorienne d'Amazonie de 20 ans, Helena Gualinga, dans un entretien avec l'AFP. Aux côtés de la Suédoise Greta Thunberg et d'autres jeunes militants, elle est l'un des nouveaux visages de la mobilisation contre le changement climatique. Mais ce n'est pas la direction que prend l'industrie pétrolière, se désole Antonio Guterres : « Aujourd'hui, les producteurs de combustibles fossiles et ceux qui les soutiennent continuent de se battre pour accroître la production, tout en sachant pertinemment que leur modèle économique est incompatible avec la survie de l'humanité ».

La question de l'impact de l'industrie pétrolière sur la planète se fait d'autant plus pressante aujourd'hui que « chaque semaine amène son lot d'histoires horrifiantes », s'est inquiété le secrétaire général de l'ONU, qui parle de « flirt avec le désastre climatique ». La semaine dernière l'Organisation météorologique mondiale (OMM) a par exemple confirmé que les huit dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Les températures annuelles mondiales y ont été d'au moins 1 degré au-dessus des niveaux préindustriels (1850-1900), c'est-à-dire avant que l'humanité n'introduise des quantités massives de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

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L'objectif de 1,5 degré de réchauffement climatique en péril

Plus largement, le secrétaire général de l'ONU a fustigé les engagements climatiques « douteux » ou « obscurs » de nombreuses entreprises sur un objectif de zéro émission de carbone. Cela « induit en erreur les consommateurs, les investisseurs et les régulateurs avec de faux récits », a-t-il affirmé, jugeant que cela ouvre la porte au « greenwashing ».

« Nos engagements climatiques nécessitent l'engagement complet du secteur privé », a-t-il insisté, estimant que « la bataille pour tenir l'objectif de 1,5 degré (de réchauffement climatique) sera gagnée ou perdue au cours de cette décennie ».

L'OMM a de son côté averti la semaine dernière que « la probabilité de - temporairement - franchir la limite de 1,5°C augmente avec le temps ». La première année dépassant cette barre sera « probablement au début des années 2030 », a estimé Gavin Schmidt, climatologue à la Nasa. Avant d'ajouter : « Il n'est jamais trop tard pour prendre de meilleures décisions. À n'importe quel moment à l'avenir, nous pouvons décider de faire quelque chose pour réduire les émissions, et la température ». L'appel est lancé.

Lire aussi : En France, les émissions responsables du réchauffement climatique ne faiblissent pas

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Commentaires 8
à écrit le 19/01/2023 à 15:51
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Il ne faut pas s'étonner qu'en France les émissions de GES ne faiblissent pas puisque les politiques ont des stratégies inverses : interdiction du diesel, sabotage du nucléaire.

à écrit le 19/01/2023 à 12:48
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Comme nous consommons le pétrole 1 million de fois plus vite qu’il n’est créé. Et que les infrastructures ne se changent pas en moins de 40 ans. Faudrait peut être se préparer!!! L’AIE a déjà dit que le pic de pétrole conventionnel est passé en 2008,...

à écrit le 19/01/2023 à 12:47
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Comme nous consommons le pétrole 1 million de fois plus vite qu’il n’est créé. Et que les infrastructures ne se changent pas en moins de 40 ans. Faudrait peut être se préparer!!! L’AIE a déjà dit que le pic de pétrole conventionnel est passé en 2008,...

à écrit le 19/01/2023 à 10:38
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Les sociétés évoluées comme y disent regorgent de pétrole. Y'en a partout : les fringues, la bouffe, la chimie, les routes, les transports, l'habitat, les canalisations, nos armements etc... etc... Impossible de trouver des substituts à tout cela, su...

à écrit le 19/01/2023 à 9:43
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Quels hypocrites, ces membres de l'ONU. Comme si personne ne savait que brûler des hydrocarbures déclenchait le réchauffement. Comme si personne n'avait largement profité des bienfaits économiques d'une énergie pas chère. Genre, si les consom...

à écrit le 19/01/2023 à 9:28
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Le bal des hypocrites qui vont même jusqu'à oublier le rapport Meadows, à l'intention du Club de Rome en 1972, pour dédouaner les politiques de leurs responsabilités. Dennis Meadows est l’un des auteurs du fameux livre de 1972 " Les limites à la croi...

le 19/01/2023 à 10:33
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"Partant de l’idée de bon sens que la croissance indéfinie est impossible dans un monde fini" Pas si évident pour un Jancovici qui a besoin du théorème des accroissements finis pour s'en convaincre... j'vous jure des fois on se demande...

le 19/01/2023 à 15:59
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@Raymond Certains ont bien compris et en ont tiré des conclusions qui se traduisent par des politiques et des stratégies géopolitiques qui favorisent autocraties et dictatures au détriment des démocraties.

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