"Un investissement pour l'indépendance de la France" mais un investissement qui risque de coûter cher aux finances publiques. Selon l'AFP, Bruno Le Maire a indiqué, à la sortie du Conseil des ministres, que le gouvernement prévoit de mobiliser 12,7 milliards d'euros pour la renationalisation de l'énergéticien EDF ainsi que pour "d'éventuelles autres opérations qui pourront être nécessaires d'ici la fin de l'année". Ce montant est indiqué par le projet de loi de finances rectificative, présenté aujourd'hui.
Mercredi dernier, la Première ministre Elisabeth Borne a confirmé, devant le Parlement, "l'intention de l'Etat de détenir 100% du capital d'EDF". Une annonce qui a aussitôt provoqué une hausse de 15 % du cours de l'action de l'énergéticien. Deux voies sont possibles pour cette renationalisation : la loi, une option très peu probable, et une opération de marché, plus simple, et surtout plus rapide.
L'Etat devrait donc lancer une offre publique d'achat suivie d'un retrait obligatoire pour acquérir les quelque 16% du capital qu'il ne détient pas dans EDF.. Pour cela, il va mandater une, voire plusieurs, banques d'affaires qui réaliseront une due diligence afin de déterminer le prix de l'offre. Actuellement, EDF est valorisé 35 milliards d'euros en Bourse (contre 100 milliards en 2005 lors de son introduction en Bourse).
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L'objectif, lors de cette première étape, est de convaincre suffisamment d'actionnaires de vendre leurs titres pour détenir 90% du capital. A partir de ce seuil, l'actionnaire (l'État français en l'occurrence) a alors la possibilité de retirer la société de la Bourse, car les titres restants aux mains du public sont obligatoirement apportés à une offre publique de retrait obligatoire (OPRO), même si les actionnaires restants ne sont pas d'accord sur le prix proposé. A noter que c'est la loi Pacte, si chère au président Emmanuel Macron, qui a abaissé le seuil du retrait obligatoire de 95% à 90%.
Atteindre le seuil de 90%
Le défi pour l'Etat consiste donc à atteindre ce seuil de 90%. Son seul levier pour convaincre les actionnaires de vendre leurs actions est la prime qu'il peut offrir par rapport à son cours actuel (autour de 9 euros l'action ce jeudi 7 juillet, soit une hausse de 13 % par rapport à la veille). Les enjeux autour de cette prime ne sont pas négligeables. Si elle était jugée trop basse cela pourrait provoquer la grogne des petits actionnaires, dont certains ont acheté leurs actions au prix fort.
L'action valait 32 euros en 2005, lors de l'introduction en Bourse d'EDF. L'offre ne devrait pas être inférieure à 10 euros, qui est l'objectif moyen de cours à trois mois, selon le consensus. Ce qui porterait la facture pour l'État à 6 ou 7 milliards d'euros, en fonction de la prime offerte.
A titre de comparaison, même si cela concerne un autre secteur, le groupe bancaire BPCE a proposé l'an dernier, pour racheter la totalité de sa filiale cotée Natixis, une prime de 18 % par rapport au dernier cours de clôture ou de 43% par rapport au cours moyen des 60 derniers cours précédant l'annonce de l'offre d'achat suivie d'un retrait obligatoire. Une opération alors délicate à gérer pour le groupe mutualiste en termes d'image, malgré cette prime qui fixait le prix de l'action à 4 euros, contre 19,55 euros lors de son introduction en Bourse en 2006. Certains des clients de BPCE se sont estimés floués par une cette offre de retrait, d'autant que certains d'entre eux avaient été conseillés par... leur banque d'acheter ces titres.
Veiller aux petits actionnaires individuels
L'ouverture du capital d'EDF se voulait en 2005 un bel exemple "d'actionnariat populaire en France". C'est donc raté. Toutefois, il était bien précisé dans la loi permettant l'ouverture du capital d'EDF que l'État devait rester actionnaire à au moins 70%, dans un souci "d'intérêt général".
Aujourd'hui, EDF se refuse de préciser le poids des actionnaires individuels dans le flottant. Il doit être important tant que les investisseurs institutionnels ont pris soin de s'alléger, sinon de sortir, de cette entreprise qui ne cesse d'accumuler des contre performances financières et qui affiche un endettement colossal. "Une valeur à éviter de longue date", nous confie un gérant. Mais qui pourrait trouver cependant un nouvel attrait spéculatif. Du coup, le gouvernement n'a pas intérêt à laisser trop traîner l'affaire, au risque de voir le titre s'apprécier, et donc la facture finale, s'alourdir pour l'État. Aucun calendrier n'est cependant avancé par les pouvoirs publics.
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