ITP Interpipe : quand la « Rolls » du pipeline surfe sur le GNL et l’hydrogène pour grossir

La volonté de l’UE de s’affranchir du gaz russe devrait faire les affaires de la PME française ITP Interpipe, passée experte dans la fabrication de tubes à haute isolation thermique pour le transport du pétrole et du gaz. Son usine installée dans le port de Caen-Ouistreham va doubler de surface. Dans sa ligne de mire, les marchés du GNL et de l’hydrogène.
Un pipeline à double enveloppe en cours de finition dans l'usine de Ranville sur le port de Caen-Ouistreham
Un pipeline à double enveloppe en cours de finition dans l'usine de Ranville sur le port de Caen-Ouistreham (Crédits : ITP)

Le grand public n'en a jamais entendu parler, mais tous les ingénieurs travaillant dans le transport du pétrole et du gaz connaissent le nom de cette discrète PME française (50 salariés) fondée à Louveciennes en 1992. ITP Interpipe est au pipeline ce que la Roll's Royce est à l'automobile : le nec plus ultra. Passée experte dans l'acheminement de fluides à très haute température, elle opère dans ce que la profession appelle le pipe in pipe. Autrement dit : un tuyau renfermant un autre tube isolant à la manière d'un thermos. Coûteux, son procédé, protégé par plusieurs brevets, ne cible pas les longs linéaires de gazoducs ou d'oléoducs mais des marchés de niche dans des environnements terrestres ou sous-marins complexes. La réputation en acier trempé de cette pépite bleu, blanc, rouge (qui ne communique pas le montant exact de son chiffre d'affaires de plusieurs dizaines de millions d'euros) tient à la robustesse inégalée de ses canalisations à haute isolation thermique.

« Ce sont les seules à ne nécessiter aucune maintenance tout au long de leur vie », souligne Vincent Lefèvre, directeur de l'usine installée sur le port de Caen-Ouistreham depuis 2008.

Parmi ses lettres de noblesse, elle peut se vanter d'avoir conçu le pipeline sous-marin le plus chaud jamais installé pour acheminer du bitume en baie de Singapour.

GNL : "Un brusque coup d'accélérateur"

Mais ce sont surtout les promesses du marché des fluides glacials qui électrisent ses équipes aujourd'hui. En réponse au désinvestissement du secteur pétrolier commandé par la transition énergétique, l'entreprise a diversifié sa gamme de canalisations pour pouvoir transporter dans des conditions optimales des gaz liquéfiés à des températures très basses de l'ordre de moins 200° et notamment du GNL dont le marché est en expansion depuis quelques années. Un choix inspiré au vu de l'explosion des besoins d'acheminement de ce nouvel or bleu que les Européens s'arrachent dans l'espoir de s'affranchir de leur dépendance au gaz russe.

« Les projets de terminaux d'export depuis les pays producteurs et des terminaux d'import en Europe ont subi un brusque coup d'accélérateur », confirme son directeur général, Pierre Ollier.

Connue pour avoir construit en Inde le premier gazoduc de GNL entièrement enterré, la PME française devrait tirer son épingle du jeu. Elle vient d'emporter un contrat aux Etats-Unis pour transporter du gaz naturel liquéfié destiné à l'exportation depuis une raffinerie jusqu'à des terminaux portuaires et candidate pour un projet jumeau toujours aux USA. Elle convoite aussi plusieurs marchés sur le vieux continent ... où la demande se fait (très) pressante, constate Vincent Lefèvre. « En Italie par exemple, un appel d'offres qui sommeillait depuis dix ans, vient d'être réanimé pour une sortie espérée à un horizon de trois mois ».

Stimulée par ses perspectives engageantes, ITP Interpipe a prolongé de 15 ans son bail sur le port de Caen et acté un investissement de dix millions d'euros pour multiplier par deux la surface de ses bureaux et ateliers d'ici deux ans. L'entreprise s'apprête par ailleurs à recruter sur le site 150 collaborateurs en fabrication (manutentionnaires, usineurs et tout type de postes liés à la métallurgie) au dernier semestre 2022 pour honorer le gros contrat conclu outre Atlantique.

Cap sur la transition énergétique

Sur le volet recherche, la société concentre ses efforts sur les enjeux de la décarbonation. « ITP développe actuellement plusieurs technologies dans le cadre de la transition énergétique », précise Pierre Ollier. Dans les cartons notamment, des projets autour de la production d'électricité verte à partir de puits géothermiques avec des partenaires américains. Mais aussi la mise au point d'une nouvelle génération de tubes isolants à double enveloppe destinée au transport de carbone et d'hydrogène liquéfiés. Un choix guidé par la multiplication de projets autour du captage/stockage du CO2 industriel et des usages de l'H2.

Témoin de ce bouillonnement : l'usine normande a reçu il y a peu la visite de dirigeants d'Airbus et d'Aéroports de Paris. « Ils souhaitaient discuter de la faisabilité d'infrastructures de transport de l'hydrogène entre des sites de stockages et les pistes », explique Vincent Lefèvre. Autant dire, des endroits où l'on ne badine pas avec la sécurité.

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