Il était temps. Douze ans après la date initialement prévue, la production d'électricité de l'EPR finlandais Olkiluoto-3, ce réacteur nucléaire de troisième génération construit par le consortium Areva-Siemens, a enfin début ce samedi.
« Aujourd'hui samedi 12 mars 2022 à 10H00 GMT, le réacteur a été connecté au réseau national à un niveau de 103 MW », a ainsi annoncé l'exploitant TVO dans un communiqué.
Avec une puissance installée de 1.650 mégawatts (MW), cet EPR devrait ainsi devenir l'un des plus puissants réacteurs d'Europe. Il n'atteindra cependant son fonctionnement normal qu'en juillet, et fournira alors à la Finlande pas moins de 14% de son électricité, en complétant la production nucléaire des deux autres centrales du pays déjà en service, à Olkiluoto et à Loviisa, sur la côte ouest du pays. Ces installations produisent déjà environ 30% de l'électricité nationale.
Partout, les EPR accusent du retard
Pour le chantier d'Olkiluoto-3, débuté en 2004, il a fallu s'armer de patience. Car en Finlande comme ailleurs, la construction des EPR a marqué par de nombreux glissements de calendrier et dérapages financiers. Le seul en construction dans l'Hexagone, à Flamanville (Manche), a d'ailleurs récemment vu son démarrage une nouvelle fois décalé à 2023, soit un retard de onze ans, avec un budget multiplié par presque quatre (de 3,3 à 12,7 milliards d'euros hors coûts de financement).
Quant à l'EPR d'Hinkley Point, dans le sud de l'Angleterre, le début de la production d'électricité a été repoussée à six mois, et est prévue à présent pour la mi-2026.
Enfin, à Taishan (Chine), l'un des seuls EPR mis en service dans le monde reste à l'arrêt depuis juillet, du fait d'un incident technique.
Tensions entre TVO, Areva et la Stuk
D'origine franco-allemande, ces réacteurs achetés en Europe après la catastrophe de Tchernobyl devaient pourtant devenir le fer de lance de la filière atomique, et re-dynamiser une filière en perte de vitesse. De fait, ceux-ci offrent une puissance plus importante et une meilleure sécurité que les installations de deuxième génération, qui constituent le parc actuel. Mais entre défauts de soudure, anomalies sur la composition de l'acier du couvercle et du fond de la cuve et problèmes de fournisseurs, l'image de l'EPR s'est peu à peu écornée.
Dans le cas d'Olkiluoto, ces déconvenues ont même entraîné de longues et vives tensions entre TVO, Areva et l'autorité finlandaise du nucléaire, la Stuk. TVO avait signé en mars 2019 un accord pour mettre fin au contentieux, prévoyant qu'une indemnisation de 450 millions d'euros lui soit versée. Le Covid-19 avait à son tour provoqué de nouveaux retards sur le chantier finlandais.
Un retour en grâce de l'atome civil
Il n'empêche que, si les problèmes de l'EPR puis la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, ont freiné les espoirs d'une « renaissance », l'énergie nucléaire, qui émet peu de CO2, voit ses perspectives s'améliorer de nouveau. Signe d'une conjoncture plus favorable, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a relevé cette année ses projections pour la première fois depuis Fukushima, prévoyant désormais un doublement de la puissance nucléaire installée d'ici à 2050 dans le scénario le plus favorable.
De son côté, Bruxelles a accordé à l'atome civil le « label vert », pour permettre à ses opérateurs de bénéficier de conditions de financement aussi favorables que ceux accordés pour développer les énergies renouvelables, même si les conditions sont nombreuses.
Enfin, en France, Emmanuel Macron a récemment annoncé son intention de construire pas moins de 14 EPR sur le sol national, dont huit posés en option sur le plus long terme, afin d'assurer le renouvellement du mix électrique d'ici à 2050. De quoi donner de la visibilité à la filière, qui attendait de longue date cette nouvelle impulsion.
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