Sommés par Macron d'aider les TPE, des fournisseurs d'énergie craignent pour leur survie

La situation risque de devenir intenable, et pas seulement pour les boulangers, pris en tenaille par de faramineuses factures de gaz et d’électricité, alertent les fournisseurs d’énergie. Eux-mêmes pourraient filer tout droit vers la « faillite », notamment les plus petits d’entre eux, si le gouvernement leur imposait d’alléger les charges des petites entreprises, comme le leur a demandé Emmanuel Macron ce jeudi. Et pour cause, la plupart de ces fournisseurs ont acheté à l’avance les volumes d’énergie correspondant à la consommation de leurs clients, au moment où les prix atteignaient des sommets sur les marchés. Ils essuieraient donc d’immenses pertes s’ils devaient finalement les céder à des montants beaucoup plus bas, sous prétexte que les cours ont chuté depuis, assurent une partie d’entre eux à La Tribune.
Marine Godelier
(Crédits : POOL)

Une demande « totalement absurde », qui risque de « mener à des faillites », sinon à des « pertes monstrueuses ». Pour qualifier l'annonce d'Emmanuel Macron adressée ce jeudi aux fournisseurs d'énergie, ces derniers ne manquent pas de superlatifs. Et pour cause, il ne s'agirait rien de moins que de faire peser sur leurs épaules l'allègement des charges pour les toutes petites entreprises (TPE), menacées par des factures d'énergie impossibles à payer. Avec, comme conséquence pour les fournisseurs d'énergie, un risque financier majeur pour les moins solides d'entre eux, incapables d'assumer de tels coûts.

En effet, face à la détresse des boulangers notamment, Emmanuel Macron a ordonné publiquement aux fournisseurs d'énergie d'accepter les demandes de renégociation des « contrats excessifs » des petites entreprises, qui subissent des « hausses de prix prohibitives ». Et ce, sans leur imposer des frais de résiliation si celles-ci veulent souscrire, avant la fin du contrat, à un tarif plus avantageux chez un autre opérateur.

« Pour nos bouchers, nos artisans, pour l'ensemble de nos très petites entreprises, tous ceux qui ont négocié des contrats excessifs (...), ce qu'on va demander, dès maintenant, aux fournisseurs d'énergie, c'est de revenir vers chacun (d'eux) et de les renégocier », a-t-il déclaré lors de la traditionnelle cérémonie de la galette de l'Épiphanie, à l'Élysée.

« Tous ces contrats qui sont au-dessus des prix de référence donnés en fin d'année dernière par la Commission de régulation de l'énergie », c'est-à-dire autour de 280 euros du mégawattheure (MWh), « ils seront renégociés en janvier », a précisé le chef de l'Etat.

Achat de l'énergie au moment de la signature

Dans l'esprit du gouvernement, l'équation paraît simple : alors que, fin 2022, plusieurs entreprises ont dû se résoudre à signer des contrats d'énergie à des prix affolants pour 2023, lesdits contrats doivent désormais être revus. Et pour cause, les cours du gaz et de l'électricité ont, depuis, chuté sur les marchés européens. Aucune raison, donc, que les boulangers et autres artisans assument des charges impossibles, lesquelles risquent même de menacer leur activité. Ni d'ailleurs de leur imposer des frais de résiliation de plusieurs milliers d'euros, les empêchant de faire jouer la concurrence.

Mais pour les fournisseurs d'énergie, les termes sont tout autres.

« Cela revient à autoriser les clients, trois semaines après avoir fait leur plein d'essence pour un certain prix à la station-service, à demander rétroactivement que le montant soit réévalué en fonction de l'évolution du marché ! », glisse-t-on chez un grand énergéticien.

Or, si cela pose problème, c'est parce que les fournisseurs achètent en avance l'énergie dont aura besoin le client durant toute la durée de son offre, lors de la contractualisation, et non pas au moment où ceux-ci la consomment réellement.

Paradoxalement, c'est d'ailleurs le gouvernement lui-même qui incite les opérateurs à adopter cette stratégie de couverture au moment de la signature, quelle que soit la situation sur le marché, plutôt que de spéculer en fonction de l'évolution des cours. « On ne peut pas nous dire : couvrez-vous de manière responsable, même si cela coûte plus cher, et nous planter quand le marché se retourne », réagit un petit fournisseur ayant requis l'anonymat.

« Si j'ai signé pour un an avec un boulanger à 500 euros du MWh d'électricité, et qu'il s'en va car il a trouvé moins cher ailleurs, je devrai céder cette énergie pour un montant beaucoup moins élevé que ce qu'elle m'aura coûté au moment de la signature, quand les cours étaient hauts. Par exemple, si je la revends à 250 euros le MWh sur les marchés, je perdrai près de 15.000 euros sur un an, étant donné qu'un boulanger consomme environ 60 MWh par an. En comparaison, ma marge moyenne pour un boulanger n'est que de 500 euros par an quand tout se passe bien », détaille le cofondateur de l'entreprise de fourniture d'énergie ekWateur, Julien Tchernia.

Réunion imminente à Bercy

C'est d'ailleurs pour éviter cette situation que les frais de résiliation existent. De fait, il s'agit d'une compensation, qui revient généralement à faire payer la différence, pour toute l'énergie non consommée, entre le prix du MWh sur le marché au moment de la fin du contrat, et le prix auquel le client avait souscrit pour recevoir cette énergie.

« Sans cette garantie, comment ferait-on pour remplir nos obligations d'achat auprès de nos contreparties [notamment les producteurs d'énergie, Ndlr] ? Si nous leur avons acheté de l'électricité à 800 euros du MWh afin de fournir un client professionnel, et que ce dernier veut renégocier à 400 euros parce que le marché a baissé, ça rend le modèle intenable », fait valoir un fournisseur alternatif de taille modeste.

« Peut-être que les géants, comme EDF, Engie ou TotalEnergies pourront assumer ces pertes, mais pour les autres, ce sera impossible », insiste-t-il.

Reste à savoir quelles seront les suites concrètes de l'annonce d'Emmanuel Macron.

« Je ne vois pas comment, juridiquement, il pourrait s'immiscer dans les contrats et imposer ces renégociations », estime une partie prenante.

Si les fournisseurs n'obtempéraient pas, ce serait un « jeu sans fin », s'est contenté de souligner jeudi le chef de l'État. Une chose est sûre : le ministre de l'Économie recevra les opérateurs à Bercy dans les prochains jours, afin de clarifier la situation. Les échanges promettent d'être musclés.

Lire aussiAprès les boulangers, PME et restaurateurs veulent pouvoir résilier gratuitement leur contrat d'énergie

Marine Godelier

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Commentaires 24
à écrit le 06/01/2023 à 15:21
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Ces gens qui pleurnichent ne sont que des marchands. Ils peuvent disparaître, cela profitera aux consommateurs.

à écrit le 06/01/2023 à 14:30
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Il n'y a que très peu de producteur d'énergie, les autres sont des revendeurs uniquement. Quel montage bancal. Ces revendeurs ne créent même pas de valeur car ils la prennent aux autres...

à écrit le 06/01/2023 à 14:30
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Il n'y a que très peu de producteur d'énergie, les autres sont des revendeurs uniquement. Quel montage bancal. Ces revendeurs ne créent même pas de valeur car ils la prennent aux autres...

à écrit le 06/01/2023 à 10:14
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Ça continue après avoir fait peur aux citoyens avec des risques de coupures, leurs prévisions sont encore tombées à l'eau.C'est quoi leur boulot "prévoir"? . Mais non c'est de créér le manque ou la pénurie pour faire gagner encore plus d argent aux ...

le 06/01/2023 à 12:00
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Gabegie du libéralisme européen - pays bas/ Allemagne/ pays scandinaves, gabegie de politiques français depuis 40 ans toutes étiquettes confondues qu’un ont eu aucune vision stratégique .. Macron ne fait que récupérer le sujet … par contre il sera re...

le 06/01/2023 à 12:01
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Gabegie du libéralisme européen - pays bas/ Allemagne/ pays scandinaves, gabegie de politiques français depuis 40 ans toutes étiquettes confondues qui n’ ont eu aucune vision stratégique ..et un double discours Europe/ population .. Macron ne fait qu...

à écrit le 06/01/2023 à 10:14
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Le pompier pyromane a encore cédé, cédé aux sirènes de davos et des néo conservateurs qui ont enquillé la guerre contre la Russie et font flamber les coûts de l' énergie. Qu' attend-il, pour sortir de l' UE et voire sortir du ...

à écrit le 06/01/2023 à 10:13
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Ça continue après avoir fait peur aux citoyens avec des risques de coupures, leurs prévisions sont encore tombées à l'eau.C'est quoi leur boulot "prévoir"? . Mais non c'est de créér le manque ou la pénurie pour faire gagner encore plus d argent aux ...

à écrit le 06/01/2023 à 9:57
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Bref on colmate les conséquences d'une mauvaise politique avec de l'argent de poche.. Pour mémoire la charge quotidienne de notre dette est de 144 millions je précise par jour... Il devient urgent de renverser la table et de reconstruire...

à écrit le 06/01/2023 à 9:17
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On veut toujours croire que ce ne sont que des "erreurs" de jugement, mais.. en fait, non ! On paye des McKinsey and Co pour cela !

le 06/01/2023 à 9:58
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autre fois pays souverain sur son energie electrique torpiller par ces dirigeants politique de droite et de gauche. pour faire plaisir a allemagne ainsi que le sabordage de ces entreprises et personne n'est remis en cause c'est bien cela qui de...

à écrit le 06/01/2023 à 2:02
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Une conséquence des injonctions européennes à vouloir de la concurrence dans les fournisseurs d'électricité alors que le monopole d'EDF était une garantie de la maitrise des tarifs. Bref , on nous a menti.!!!!!!

à écrit le 05/01/2023 à 22:43
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Les totalitarismes vous promettent toujours de multiplier les pains, et finissent toujours par multiplier les titres honorifiques, tout en instaurant le rationnement. C' est ce qui se passe avec les fournisseurs alternatifs d' électricité qu' ...

à écrit le 05/01/2023 à 21:46
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Macron ne sait guère à quel saint se vouer bien qu' abrité derrière un Mc Kinsey oeuvrant au great reset de schwab, F Asseleinau, le voilà qui dénonce «la conjuration des esprits tristes»,formule typiquement COMPLOTISTE : une «...

à écrit le 05/01/2023 à 20:50
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Le modèle était intenable depuis le début. Le résultat était prévisible : Faillite. Les plus à blâmer sont finalement tous ceux qui sont tombes sous le charme des sirènes 🧜‍♀️ et contrats alléchants. Dix secondes de reflexion et il était évident que ...

le 06/01/2023 à 9:09
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" Les plus à blâmer sont finalement tous ceux qui sont tombes sous le charme des sirènes 🧜‍♀️ et contrats alléchants. " On peut évoquer le gaz en ce moment : Vous avez un abonnement de gaz au tarif réglementé à votre domicile ? Si c'est le cas, v...

à écrit le 05/01/2023 à 20:36
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Définition de la spéculation: "La plupart de ces fournisseurs ont acheté à l’avance les volumes d’énergie correspondant à la consommation de leurs clients, au moment où les prix atteignaient des sommets sur les marchés. Ils essuieraient donc d’immens...

à écrit le 05/01/2023 à 20:12
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Le discours français en réalité très "Commission Européenne" demandant de sortir au pus vite des tarifs réglementés proposés par les opérateurs historiques EDF et ENGIE parce que "la concurrence fera baisser les prix" confirme ce qu'il était : une a...

à écrit le 05/01/2023 à 20:11
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Le marché de l'énergie (électrique, gaz et pétrole) est un marché de dupes. Moins les producteurs d'énergie produisent, plus les prix sont élevés.

à écrit le 05/01/2023 à 19:50
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"Si nous leur avons acheté de l'électricité à 800 euros du MWh afin de fournir un client professionnel, et que ce dernier veut renégocier à 400 euros parce que le marché a baissé, ça rend le modèle intenable », Quand il on acheté l’électricité a 49...

le 05/01/2023 à 20:38
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Parfaitement exact, hamlin👍

à écrit le 05/01/2023 à 19:35
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On met quand en prison ceux qui ont permis à ces 'fournisseurs'/escrocs d'exister?

le 05/01/2023 à 22:06
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Ils n'iront pas en prison. Ils diront, pour se defendre, que ce n'est pas de leur faute mais celle de l'Europe.. En fait l'Europe c'est pour les faibles car construit par des faibles.

à écrit le 05/01/2023 à 19:28
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Voilà là l ' extraordinaire Young Leader Macron agissant là en véritable chef de guerre et qui rend les autres responsable de ses mauvais partenariats ukrainiens et de ses hallucinations économiques !

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