Les TPE bretonnes subissent une vague de défaillances, les PME ne sont pas à l'abri

L'alerte est-elle donnée sur les défaillances d'entreprise ? La PME industrielle bretonne en redressement judiciaire, Oh Ma Bûche !, a utilisé les réseaux sociaux pour faire connaître l’étendue de sa dette énergétique. Son appel à l’aide rappelle les difficultés rencontrées par les entreprises en période d’inflation, de baisse de la consommation et de taux d’intérêts élevés. En 2023, la Bretagne a enregistré plus de 2.000 défaillances. Et l'année 2024 risque d'être encore périlleuse.
Il y a trois semaines, le patron d'une petite PME bretonne de fabrication de briques de bois densifiées a lancé un appel à l'aide et une collecte pour financer ses arriérés astronomiques de facture EDF. L'entreprise a évité la coupure d'électricité mais pas le placement en redressement judiciaire. En Bretagne, les défaillances d'entreprises se multiplient.
Il y a trois semaines, le patron d'une petite PME bretonne de fabrication de briques de bois densifiées a lancé un appel à l'aide et une collecte pour financer ses arriérés astronomiques de facture EDF. L'entreprise a évité la coupure d'électricité mais pas le placement en redressement judiciaire. En Bretagne, les défaillances d'entreprises se multiplient. (Crédits : Oh ma Bûche!)

Il y a trois semaines, un petit patron breton remonté contre le « côté très inflexible d'EDF », Romain Le Goaster, a lancé un appel à l'aide via une vidéo postée sur les réseaux sociaux pour sauver sa PME industrielle, menacée de fermeture par un avis de coupure d'électricité. Plombée par un arriéré de facture de près de 120.000 euros, l'usine Bois et Bûches (marque Oh Ma Bûche !) installée à Lizio (Morbihan), est confrontée à l'explosion du prix de l'énergie, situation vécue par bon nombre d'entreprises.

Lire aussiDéfaillances d'entreprises : malgré un niveau au plus haut depuis neuf ans, la France pourrait éviter le « mur de faillites » en 2024

Selon le chef d'entreprise, qui a indiqué à La Tribune « négocier depuis des semaines avec EDF pour obtenir un échéancier, pour trouver des solutions », la facture de cette unité de fabrication de briques densifiées à partir de chêne, de hêtre et de feuillus, est passée de 4.000 euros à 15.000 euros soit 400% de hausse.

Si l'entreprise a évité la suspension de la fourniture d'électricité, ce n'est pas tant en raison des plus deux millions de vues générées par sa vidéo devenue virale. Mais parce que préalablement, le 24 avril dernier, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte, suivie le 7 mai d'un placement en redressement judiciaire.

Cagnotte Leetchi et commandes en direct

« Cela gèle toute action de coupure d'électricité », confirme un porte-parole d'EDF. Sans s'exprimer sur le fond de ce dossier, le fournisseur ajoute au passage entretenir une relation régulière avec ses clients entrepreneurs afin de « proposer une diversité de mesures et de contrats à étaler dans le temps et qui conviennent le plus à leur profil et à leur consommation ».

Sur le plan financier, c'est donc le soulagement et du temps de gagné. Romain Le Goaster et ses dix salariés (2 millions d'euros de chiffre d'affaires) ont même presque retrouvé le sourire : destinée à payer la dette énergétique avant le mois d'octobre, leur cagnotte Leetchi a déjà permis de récolter 35.175 euros auprès de 1.000 personnes sur une première collecte de 55.000 euros. Pour remercier ces soutiens ainsi que les particuliers ayant effectué des centaines de commandes directes de stères, l'équipe vient d'annoncer une journée portes ouvertes de son usine le 15 juin.

Au-delà de cette aventure médiatisée, toutes les entreprises n'ont toutefois pas recours aux réseaux sociaux pour combler leurs difficultés financières, et beaucoup ne s'en sortent pas.

Des défaillances en hausse de 34% l'an passé

« Prises entre la contraction de la consommation des ménages pour le commerce et des contrats de fourniture d'énergie signés lorsque le prix était au plus haut en 2022, nous constatons des difficultés de trésorerie pour des TPE. Sans nier la réalité des difficultés, cela reste, à l'échelle régionale, assez faible », tempère cependant François Bareau
directeur régional Relations institutionnelles, Études, Projets de la
CCI Bretagne. Portant sur le second semestre 2023, la précédente enquête de conjoncture de la CCI mesurait qu'en dépit d'une situation de quasi plein emploi, l'activité bretonne stagnait à un niveau faible.

Dans les tribunaux de commerce bretons, l'ambiance reste à la morosité avec des dossiers qui peuvent être liés à la problématique de l'énergie ou du Prêt garanti par l'État (PGE) contracté au moment de la crise sanitaire.

En janvier dernier, le Tribunal de commerce de Rennes a établi un bilan de l'année 2023 portant sur 552 entreprises en défaillance, ce qui représente une hausse de 38 % par rapport à 2022, contre 33% au niveau national. Principalement actives dans le commerce, la construction et le service aux entreprises, 354 ont été liquidées, soit 30% de plus que l'année précédente.

« Rien dans les perspectives sociales et économiques ne laisse penser que la pente puisse s'inverser à court terme », analysait alors son président, Clément Villeroy de Galhau. « 20 à 30 % des entreprises en mandat de prévention finiront statistiquement par basculer en procédure collective », avait-il mesuré.

Ce tableau local rennais corrobore une étude régionale du cabinet Altarès publiée en février. L'an passé, la Bretagne a enregistré 2.165 défaillances d'entreprises (+ 34%), retrouvant un niveau proche de celui de 2017.

5.800 emplois menacés en 2023

Les TPE comme Oh My Bûche ! sont particulièrement nombreuses (93% des défaillances), mais les belles belles PME régionales (145 procédures, +63%) sont aussi très exposées. Notamment en Ille-et-Vilaine (+46%) et en Finistère (+46%).

« Après une phase de rattrapage d'une partie des entreprises tenues à flot grâce aux mesures d'accompagnement mises en place depuis la crise du Covid, nous amorçons une nouvelle phase, plus structurelle, davantage liée aux insuffisances financières des entreprises », explique Thierry Million, le directeur d'études d'Altarès.

« Le fait que les PME et les ETI ne sont pas épargnées par une activité en berne, un niveau d'inflation élevé ou des taux d'intérêts toujours hauts, transfère potentiellement le risque vers leurs fournisseurs et sous-traitants. 5.800 emplois ont ainsi été menacés en 2023 », rappelle-t-il.

Et 2024 rime encore avec incertitude. La Banque de France a prévenu en février dernier qu'après une hausse record de 14,5 % en 2022, le chiffre d'affaires des entreprises industrielles (automobile, construction navale, électronique, agroalimentaire) avait continué à augmenter en 2023 en Bretagne, mais à un rythme moindre de 5,2 %.

Reprise des investissements en 2025 ?

Ce ralentissement de l'économie bretonne dans les trois grands secteurs que sont l'industrie, les services et la construction (955 entreprises, 130 720 emplois) va se poursuivre cette année.

« Les prévisions pour 2024 sont moins optimistes et tablent sur une augmentation de 1,6 % du chiffre d'affaires des industries mais une baisse de 0,5 % de l'emploi. Les contrats des intérimaires ne seront pas forcément reconduits », observait ainsi Hervé Mattei, directeur régional de la Banque de France lors que la publication de l'enquête annuelle de conjoncture.

Avec une baisse prévisionnelle de 2% de l'emploi, l'agroalimentaire pourrait être le secteur industriel le plus touché par la baisse d'activité cette année. Quant à l'effet « Jeux olympiques » dans le secteur de la construction, il devrait s'atténuer, en termes de chiffres d'affaires (-1,8%) mais aussi d'emploi (-0,4%).

L'étude anticipe également une baisse des investissements de 12,2 % dans l'industrie, de 24,6 % dans les services et de 5,7 % dans la construction. Avant une reprise en 2025 ?

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Commentaires 3
à écrit le 22/05/2024 à 15:14
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Faut il une Révolution dans le sang pour mettre devant la justice ceux qui ont délibérément fait exploser les prix de électricité, indexé sur le gaz, alors que la France avec 19 centrales nucléaires produit une des électricités les moins chère du mon...

à écrit le 22/05/2024 à 13:17
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C'est normal de couper l'électricité à une entreprise qui ne paye plus sa facture, si l'entreprise n'est plus rentable, elle doit fermer

à écrit le 22/05/2024 à 11:21
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bref, le prix de la stere de bois exploqe, et il en profite a la vente, mais par contre il a un pb avec EDF, car de ce cote la, c'est pas possible??? euh bon, je ne suis pas sur que ce soit le genre de boite qui soit le plus impacte!!!!!!

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