Télétravail : où en sont les négociations entre syndicats et patrons ? Les 8 points essentiels

Alors que l'Espagne (depuis juillet) ou le Portugal (dès 2015) ont mis en place une réglementation autour de la pratique du télétravail, la France patine dans ses négociations entre patronat et syndicats. Tour d'horizon des enjeux et points de friction.
Pour ce futur accord sur le télétravail, le patronat veut que le texte ne soit ni normatif, ni prescriptif, mais les syndicats menacent de ne pas signer un document non contraignant, s'apparentant à un guide de bonnes pratiques.
Pour ce futur accord sur le télétravail, le patronat veut que le texte ne soit "ni normatif", "ni prescriptif", mais les syndicats menacent de ne pas signer un document non contraignant, s'apparentant à "un guide de bonnes pratiques". (Crédits : Reuters)

[Article publié le 24.11.2020 à 13:00 mis à jour à 15:00]

Accidents de travail, modalités en temps de pandémie, éligibilité des postes, réversibilité, remboursement des frais...: le patronat a amendé le projet d'"Accord interprofessionnel pour une mise en œuvre réussie du télétravail", qui doit fixer une série de règles, au cœur d'une réunion ce lundi.

Lire aussi : Télétravail : le parcours tumultueux d'un accord national

1. Les syndicats veulent un texte contraignant, pas les patrons

Cette négociation doit en principe aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI), traditionnellement formalisé par une loi. Plusieurs années peuvent s'écouler: le précédent ANI de 2005 - que l'accord doit compléter -  a été transposé très partiellement dans une loi sept ans plus tard. Dans tous les cas, l'ANI s'impose à l'employeur membre d'un syndicat patronal signataire (Medef, CPME et l'U2P sont à la table de la négociation).

C'est un des principaux points de blocage: le patronat veut que ce texte ne soit "ni normatif", "ni prescriptif", mais les syndicats menacent de ne pas signer un document non contraignant, s'apparentant à "un guide de bonnes pratiques".

2. Accidents du travail: le patronat a retiré sa demande d'assouplissement

Contrairement à la première version, le patronat ne propose plus un assouplissement pour le télétravail de la législation sur les accidents du travail (actuellement imputables à l'employeur). C'était "une ligne rouge" pour les syndicats.

3. Télétravail en temps de crise: pour les syndicats, la décision incombe à l'État

Un chapitre est consacré au télétravail "en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure" (pandémie, catastrophes naturelles, destructions des locaux d'une entreprise), laissant toujours dans ces cas toute latitude à l'employeur de faire basculer ses salariés en télétravail.

Le syndicat FO juge "important" que cette décision relève des pouvoirs publics et non de l'employeur.

Mais ce chapitre ne propose plus de revenir sur les délais de consultation des instances représentatives du personnel, ce qui était également une "ligne rouge" pour les syndicats.

Des "ajustements" (non listés) sont toujours proposés pour les règles en matière d'hygiène et de sécurité, mais refusés par les syndicats.

La CFDT souhaite que cette partie soit "musclée", notamment avec des "points de repères sur la mise en place d'un plan de continuité de l'activité négocié ou concerté" ou des mesures de prévention pour les salariés qui peuvent "mal vivre" le télétravail.

4. Éligibilité des postes au télétravail: les patrons veulent être seuls décisionnaires

Autre "grosse pierre d'achoppement", qui n'a pas bougé: pour le patronat, ce sujet relève uniquement de la responsabilité de l'employeur, qui doit aborder ces questions, en lien avec les "missions essentielles" de l'entreprise.

Pour les syndicats, ce sujet doit relever du dialogue social en entreprise, figurer dans l'accord collectif sur le télétravail et dans l'accord national interprofessionnel (ANI).

5. Le "Double volontariat" est accepté mais, côté "réversibilité",  il y a encore du flou...

Le texte propose de remplacer les articles 2 (volontariat) et 3 (réversibilité) de l'ANI 2005, mais reprend la notion du double volontariat (salarié et employeur), point important pour les syndicats.

FO considère toutefois que la formulation sur la réversibilité ne garantit pas le retour du salarié sur son même poste, ce à quoi elle tient tout particulièrement.

La CGT estime que la formulation utilisée dans le nouveau texte entérine "l'absence d'avenant au contrat de travail qui précise les modalités de passage en télétravail".

Les syndicats veulent que le refus de télétravail par l'employeur soit fait par écrit.

6. Accords salariés-employeurs: écarter le risque de "télétravail gris"

Il est toujours proposé trois modalités pour la mise en place du télétravail, qui pourra passer soit par un accord collectif, soit une charte, soit un accord de gré à gré entre l'employeur et le salarié.

Les syndicats veulent que l'ANI définisse la négociation (en vue d'un accord collectif) en première intention car ils craignent la poursuite du développement du télétravail "gris", à travers les accords de gré à gré.

Si le nouveau texte continue d'indiquer que la formalisation doit se faire "par tout moyen", il souligne "l'utilité de recourir à un écrit, quel qu'il soit", allant dans le sens des syndicats.

7. Frais du salarié (loyer, eau, internet, ordi...): quelle indemnisation ?

Le document révise la formulation initiale, qui avait été jugée "floue et problématique" par les syndicats. Il est désormais écrit que les frais engagés par un salarié "doivent être supportés" (et non "ont vocation à") par l'employeur.

Ce "peut être" le sujet d'un dialogue social en entreprise. Les syndicats estiment qu'il doit "obligatoirement" l'être. La CGT réclame une indemnisation couvrant l'occupation d'une partie du logement, l'eau, l'électricité, l'abonnement internet, l'ordinateur, etc., et une participation aux frais de repas.

Une éventuelle allocation forfaitaire sera exonérée de cotisations, propose le texte.

8. Et autres sujets toujours pendants

  • Dialogue social: possibilité d'utilisation des visioconférences dans la consultation des instances représentatives. Les syndicats veulent les limiter aux situations de crise.
  • Droit à la déconnexion: le document rappelle qu'il doit faire l'objet d'un accord ou d'une charte, et que les managers doivent être formés, point positif pour les syndicats, qui souhaitent toutefois des obligations en termes de prévention et protection de la vie privée des salariés.
  • Égalité femmes-hommes: la CGT réclame un droit au télétravail pour les femmes enceintes, de même que des mesures contre les violences sexistes.
  • Handicap: le texte indique que le télétravail "peut être utilisé comme un outil de prévention de la désinsertion professionnelle pour les salariés en situation de handicap ou atteints d'une maladie chronique", mais selon la CGT n'apporte aucun droit nouveau.
  • Plus question d'assouplir la législation sur les accidents du travail (actuellement imputables à l'employeur), "ligne rouge" pour les syndicats, mais les syndicats estiment que dans sa formulation, le texte tente de "dédouaner" l'employeur, en indiquant qu'il "ne peut avoir la complète maîtrise du lieu dans lequel s'exerce le télétravail".

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