Tati : cinq choses à savoir sur un groupe en crise

Le tribunal de commerce de Bobigny doit arrêter sa décision de placer la célèbre chaîne de magasins en redressement judiciaire ce jeudi 4 mai. En proie à des difficultés depuis plusieurs années, le groupe subit une concurrence féroce dans le secteur de l'habillement. Les salariés, inquiets de leur sort, ont prévu de se rassembler devant le célèbre magasin dans le 18ème arrondissement, à Paris.
Grégoire Normand
Après plusieurs années de difficultés, la célèbre enseigne Tati pourrait être vendue à la découpe.

Le secteur du textile et de l'habillement sombre dans la crise. Quelques jours seulement après la liquidation judiciaire de l'enseigne de vêtements Mim et la suppression de 800 postes, le tribunal de commerce doit annoncer sa décision ce jeudi 4 mai sur la procédure de redressement judiciaire de la chaîne de magasins à très bas prix. Un rassemblement des salariés est prévu dans la matinée devant le célèbre magasin du quartier Barbès dans le 18ème arrondissement à Paris. Retour en cinq points sur les difficultés traversées par cette enseigne, qui a connu un succès pendant plusieurs décennies.

1- Une mise en vente après plusieurs années de difficultés

Au mois de février dernier, le groupe Eram a annoncé la mise en vente du premier discount textile en France. Un porte-parole du groupe  a ainsi expliqué à Reuters que "Eram souhaite céder Agora (filiale qui regroupe Tati, Giga Store ou Fabio Lucci, ndlr.) et a mandaté une banque d'affaires pour trouver un acquéreur".

Cette annonce fait suite à plusieurs années de difficultés rencontrées par le groupe Agora. Confronté à la forte concurrence de Kiabi, numéro un de l'habillement en France ainsi que des marques H&M, Zara et, plus récemment, des offres à très bas prix de l'irlandais Primark, Agora n'a pas réussi à tenir le rang sur le marché français du textile à très bas prix.

Par ailleurs, les comptes d'Agora, qui emploie 1.720 personnes et détient 140 magasins (dont 130 enseignes Tati) ont continué à se détériorer en 2016, accusant une perte de 60 millions d'euros sur un chiffre d'affaires de 345 millions d'euros. En 2015, le groupe avait enregistré une perte de 37 millions d'euros, sur un chiffre d'affaires de 356 millions d'euros. Au moment de la mise en vente, le propriétaire avait décidé d'effacer la dette de 250 millions d'euros du groupe pour faciliter la reprise du groupe.

2- Une nouvelle direction

Face à ces difficultés, la société Agora Distribution a nommé, début mars à sa direction, Michel Rességuier, ancien patron d'Altia, de Thomas Cook et des librairies Chapitre. Dans un communiqué, il est précisé que "monsieur Michel Resseguier prend la direction du groupe Agora avec, pour mission, de conduire le processus de recherche de repreneurs pour les enseignes Tati, Fabio Lucci, Gigastore et Degrif'Mania".

Un porte-parole du groupe a expliqué à l'AFP que M.Rességuier, 54 ans, remplace Emmanuel Deroude qui est resté 14 ans à la tête de Gigastore (de 2002 à 2009) puis d'Agora. Ce dernier a visiblement payé l'échec de la stratégie de développement de Tati, plutôt orientée sur la diversification et l'expansion à l'international.

Le nouveau patron est un habitué des situations de crise. Michel Rességuier s'est illustré en 2012 en prenant les commandes du voyagiste Thomas Cook France. Le groupe connaissait alors de grandes difficultés financières. Resté pendant un an à ce poste, il avait lancé un plan social entraînant la suppression de 170 emplois.

Il a, par la suite, rejoint les librairies Chapitre qui ont connu un dépôt de bilan fin 2013. Il a engagé une vente "magasin par magasin". Sur les 57 établissements concernés, 23 n'ont pas trouvé preneur. Ce qui a entraîné la suppression de 430 emplois.

Enfin, il a brièvement rejoint la direction d'Altia en juin 2014, ex-maison mère du fabricant de chariots de supermarché Caddie. Trois mois plus tard, il quitte le groupe après son placement en redressement judiciaire, évitant ainsi une liquidation pure et simple.

3- Sept repreneurs intéressés

A ce jour, sept offres de reprise partielle ont été présentées. Parmi elles, l'offre qui paraît comme la plus avancée est celle de Philippe Ginestet, le patron de l'enseigne GiFi. Sa société personnelle, GPG, a déposé une offre le 20 avril dernier pour reprendre Tati auprès de la banque d'Oddo mandatée par Eram. L'entrepreneur a précisé au Monde que dans son offre globale, il prévoit de reprendre 110 magasins et "1.200 des 1.290 collaborateurs". Dans son programme, il prévoit de garder "la totalité du personnel des 110 magasins concernés et 120 personnes contre 190 actuellement au siège".

Trois autres offres ont été exprimées d'après Libération. Il s'agit de la Foir'Fouille, présidée par Yves Rapoport, Stokomani dirigée par Delphine Mathez et Centrakor, fondée par Olivier Rondolotto. Les perspectives s'orientent donc vers une vente à la découpe pour les magasins Tati, ce qui provoque l'inquiétude des salariés.

4- Des salariés inquiets sur leur sort

Pour tenter de rassurer les salariés inquiets, Michel Rességuier a déclaré à l'AFP, le 2 mai dernier, qu'une seule offre sur les sept "est absolument globale", mais "cette offre-là pose des conditions qui ne sont pas recevables". M.Rességuier n'a pas apporté de noms sur la personne en question, laissant supposer que c'était l'offre de Philippe Ginestet.

A la sortie du tribunal de commerce de Bobigny mardi dernier, Hakima Djellouha, représentante CGT du groupe, a déclaré à l'agence de presse que les salariés "[veulent] se faire entendre pour sauvegarder". De son côté, le délégué de la CFDT, Tahar Benslimani a renchéri: "nous ce qu'on veut, c'est que cette enseigne, qui a 70 ans dure. Ça ne peut pas finir comme ça".

5- Une procédure accélérée

 A l'issue de l'audience, le président d'Agora a expliqué à l'AFP que "la grande majorité des offres dont nous disposons nécessite de passer par un redressement judiciaire que nous espérons rapide, de façon à ne pas abîmer l'activité. (...) Notre trésorerie ne nous permet pas de tenir des mois".

La direction d'Agora a proposé au tribunal de passer par une procédure dite de "prepack cession" (cession préétablie). Cette démarche permet d'accélérer le calendrier en arrivant devant la justice avec des projets de reprise à présenter.

Le président de l'enseigne a, cependant, été interpellé par un groupe de salariés qui lui ont demandé des garanties sur l'emploi et lui ont reproché de vouloir "aller trop vite" alors que Tati s'est déclaré vendredi dernier en cessation de paiement.

     Lire aussi : L'enseigne de mode Tati en cessation de paiement

Grégoire Normand

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Commentaires 5
à écrit le 05/05/2017 à 16:39
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Dans le temps du Papa, TATY etait le vrai discount, les prix TATY etaient imbatable partout. Je n ai jamais trouve de nos jours des prix aussi bas que ne l'etaient TATY, je parle des annees 75-85. PRIMARK est trop cher par rapport a TATY dans les a...

à écrit le 04/05/2017 à 15:38
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La concurrence par Internet est redoutable, quantité de commerces, d'enseignes vont disparaître dans le domaine de l'habillement. Des gens vont se retrouver au chômage. Que faire devant un phénomène irréversible, sinon indemniser, accompagner le mieu...

à écrit le 04/05/2017 à 11:37
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Encore une société emblématique de la vente bon marché qui va disparaître. Et pourtant, il y a 10 ou 15 ans, les fondateurs étaient fier d'ouvrir le premier Tati à New York et pensaient réaliser la même succes story au pays de l'oncle Sam. Hélas, ils...

le 05/05/2017 à 16:43
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Ca n explique pas pourquoi primark et pas TATY.

à écrit le 04/05/2017 à 8:50
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Small is beautiful, on vous dit.

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