« Le PMU est une boîte tech » (Emmanuelle Malecaze-Doublet, directrice générale)

GRAND ENTRETIEN- Un an après sa nomination à la tête du PMU, Emmanuelle Malcaze-Doublet détaille à La Tribune sa feuille de route pour les prochaines années. Malgré le poids de l'inflation sur la pouvoir d'achat, elle entend augmenter d’un milliard d’euros la valeur des enjeux du PMU d’ici à 2025. Cette ambition passe par la modernisation de l’offre de paris en innovant dans les produits proposés mais aussi par un investissement important dans le réseau de distribution pour faire croître le nombre de points de vente et améliorer l'expérience client. A court terme, le PMU entend soutenir les nombreux points de vente qui ont été saccagés pendant les émeutes.
(Crédits : DR)

Tout d'abord, quel a été l'impact des violences urbaines sur vos points de vente alors que de très nombreux bars tabac ont été vandalisés la semaine dernière ? Avez-vous prévu des mesures de soutien pour aider à réparer les dégâts ?

L'impact de ces violentes nuits que nous avons connues en France ces derniers jours est important. Ce sont plus de 240 points de vente et plus de 1000 équipements PMU (caisses, bornes, tablettes...) qui ont été saccagés, pillés ou même, pour certains, totalement détruits.  Nos équipes sur le terrain sont à leur côté pour les accompagner dans ce moment particulièrement difficile, comme nous l'avons toujours fait. Le dernier appui en date ce fut pendant le Covid, longue période pendant laquelle nous avons apporté un soutien reconnu et apprécié par nos commerçants. Nous répondrons à nouveau présents. Nos 13.500 points de vente sont au cœur de la vie quotidienne des Français, dans les centres-villes, dans les quartiers et dans les villages. Ce sont parfois les derniers lieux de convivialité. Nous avons de fortes ambitions pour ce réseau. Nous devons être là dans ces moments difficiles.

Concrètement que faites-vous ?

La réflexion sur la meilleure manière de les accompagner est en cours. Elle va dépendre dans sa forme de l'état des lieux de l'impact pour répondre au mieux à leurs besoins.

Comment se portait le PMU avant ces événements ?

Après la crise sanitaire, nous avons renoué avec la croissance en 2022 et en 2023. Sur les 5 premiers mois de l'année, le PMU progresse de +3,5% par rapport à l'année 2022 et + 7,5% par rapport à 2019. Nous avons rattrapé et dépassé notre niveau d'activité d'avant-crise. Nous sommes un jeu utile pour le lien social. Notre réseau de proximité anime les territoires et apporte de la convivialité. Nous sommes aussi utiles pour la filière hippique à qui le PMU reverse l'ensemble de notre résultat, environ 800 millions d'euros. Ce sont 60.000 emplois qui sont financés par le PMU, toute la filière cheval qui en bénéficie.

Y avait-il eu beaucoup de fermetures de PMU pendant la crise sanitaire ?

Nous avons été impactés par la crise. Il y a eu des fermetures, notamment depuis le début d'année quand certains établissements ont commencé à rembourser leur PGE. Mais, dans le même temps, nous avons ouvert 700 nouveaux points de vente cette année à fin mai Nous visons 1.000 ouvertures par an, partout en France, aussi bien en zone rurale qu'urbaine. Ces ouvertures démontrent qu'il y a un vrai attrait pour le PMU. Donc oui, il y a des fermetures, nous avons été impactés, particulièrement en début de l'année, mais cela se réduit mois après mois. Et le fait d'ouvrir beaucoup de points de vente est la preuve, qu'après la crise, les gens ont besoin de partage, de convivialité, de jeux. C'est pour cela que nous arrivons à en ouvrir autant.

Le contexte d'inflation et de baisse de pouvoir d'achat a-t-il un impact ?

Le contexte est difficile et les gens doivent arbitrer leurs dépenses. Pour autant, le besoin de convivialité après le Covid a entraîné une hausse de l'activité. Le ticket moyen est autour de 10-13 euros et il ne baisse pas.

Quels sont vos objectifs de résultats pour 2023 ?

Nous visons un bénéfice net autour de 830 millions d'euros, contre 827 millions l'an dernier qui constituait un niveau historique.

Quelle a été la contribution des baisses de coût dans ce résultat ?

Nous avons mené une restructuration pendant la crise sanitaire qui nous a permis de baisser nos coûts de 100 millions d'euros sur une base de 400 millions.

Les saccages de la semaine dernière remettent-ils en question ces objectifs ? Quel est l'impact financier ?

Cela aura évidemment un impact. Il est trop tôt pour le quantifier.

Quelle est votre feuille de route pour 2025 ?

Le PMU a enregistré 10 milliards d'euros de mises l'an dernier dont 9 milliards sur le sport hippique. L'objectif est d'augmenter la valeur de nos enjeux d'un milliard d'euros d'ici à 2025. Pour y parvenir, nous avons mis en place un plan ambitieux pour recruter plus d'un million de nouveaux clients. Comment ? Tout d'abord en poursuivant la modernisation de notre offre de paris. Je rappelle que nous sommes sur un marché d'offre. Nous travaillons donc sur de nouveaux produits à proposer au sein du monde hippique. Mais nous voulons également passer du pari au jeu. Dans les deux cas, il nous faut innover pour pousser de nouvelles offres. Ensuite, en investissant massivement dans notre réseau de distribution, avec l'ambition d'augmenter le nombre de points de vente pour le porter à environ 15.000 d'ici à 2025, mais aussi d'améliorer l'expérience de nos PMU avec des bornes de jeu plus modernes. Au total, nous allons injecter 40 à 50 millions d'euros pour les équipements de prises de paris de nos points de vente. Nous avons déjà commencé à investir dans un nouveau « merchandising » et dans des outils pour permettre à nos points de vente de piloter leur activité au quotidien. Dans un PMU, le client reste sur place. Il est captif. Il y a des courses toutes les 17 minutes et entre-temps, il consomme, boit un café, échange des pronostics avec les autres turfistes...Il nous faut animer le quotidien des joueurs par des contenus. Cette consommation peut représenter pour un commerçant 30% de chiffre d'affaires en plus grâce au PMU. On reverse 150 millions d'euros de commissions aux points de vente directement.

Comment moderniser l'accueil dans les points de vente ?

En complément de tous les investissements que je viens de mentionner, nous allons aussi développer un réseau de points de vente premium, très qualitatif, pour les centres villes que nous dévoilerons à la rentrée. Les premiers vont ouvrir dans les grosses métropoles. Les tout premiers seront à Paris.

Vous voulez faire un PMU plus chic ?

Nos nouveaux lieux seront plus en phase avec les attentes d'une cible métropolitaine, mais ils seront ouverts à tous les clients. Le PMU est un jeu populaire, qui fait partie de la vie des Français, très grand public.

Le modèle actuel est-il donc arrivé à bout de souffle ?

Non, loin de là. Il y a encore des leviers de croissance en France et à l'international. Les chiffres le prouvent. Mais comme toute entreprise, il faut se renouveler pour faire face à la concurrence. Le PMU a besoin de faire ça. C'est ce que nous faisons sur nos offres, dans nos points de vente, ou encore sur le digital, un canal de vente qui a connu une forte croissance post covid (+25% en 2022 par rapport à 2019).

Quelle est la répartition des paris entre les bars PMU et internet ?

85% du chiffre se font dans les points de vente. Ce sont les mêmes joueurs mais avec des usages différents.

Quel regard portez-vous sur les nouveaux jeux NFT ?

L'émergence des NFT (jetons non-fongibles) est une opportunité. C'est un nouveau marché en forte croissance, plus international, avec des codes à part. Il ne faut pas le voir comme une cannibalisation des jeux classiques. Nous avons lancé un nouveau jeu, Stables, pour être pionnier sur le NFT et le web3. Attention, ce n'est pas du pari mais un jeu autour du sport hippique. Nous enregistrons d'excellents résultats. Nous avons 30.000 membres actifs sur le jeu.

Est-ce une nouvelle façon de jouer ?

Il n'y a pas de gains financiers. Ce n'est pas un jeu d'argent. Nous nous adressons à des clients différents. Nous visions vraiment une clientèle Web3, crypto, qui n'est pas notre clientèle actuelle. C'est pourquoi nous sommes favorables à une régulation de ce nouvel écosystème des jeux numériques. Tout simplement pour apporter des clarifications. Il y a un projet de loi porté par Bercy. Comme le marché des jeux d'argent est régulé, celui-là le sera aussi.

Le PMU est présent à l'international, combien de nouveaux voulez-vous conquérir à l'étranger ?

L'objectif de gagner 1 million de clients supplémentaires en trois ans concerne la France, mais, dans notre stratégie à 3 ans, l'international constitue un très fort levier de croissance. Nous visons une croissance à deux chiffres d'ici à 2025. Nous sommes présents dans 60 pays qui génèrent 2 milliards d'euros d'enjeux. Le PMU est le premier exportateur mondial de paris hippiques. Il y a beaucoup de courses et des courses de très grande qualité en France par rapport aux autres pays. Le modèle est simple dans les pays étrangers puisque nous nouons des partenariats avec des loteries ou des acteurs du jeu en échange de notre offre de courses, de notre technologie et de notre volume important de joueurs dans le monde. Quand vous allez prendre votre pari dans un PMU, vous allez jouer contre des joueurs de pays européens, africains ou asiatiques.

Vous évoquez la technologie. Quelle place prend-elle dans votre stratégie ?

Le PMU est une boîte tech. Nous faisons un milliard de transactions par an. Dans nos équipes, nous avons 400 personnes spécialisées sur des fonctions tech sur 1.100 salariés. Elles représentent ainsi la deuxième catégorie de profils après les commerciaux. Nous allons en recruter 100 personnes de plus pour nous développer dans le digital et pour transformer nos systèmes informatiques de pari. Pour atteindre nos objectifs 2025, le recrutement de profils tech est structurant. C'est ce qui permettra d'avoir des outils pour développer les paris et diversifier les jeux hippiques qui sont le nouveau nerf de la guerre. Et dans ces recrutements, il y a aussi des femmes. Nous avons un bon ratio hommes/femmes au PMU, mais dans les objectifs de recruter en tech on souhaite féminiser ces métiers au sein du PMU.

Subissez-vous des cyberattaques ?

Nous sommes très vigilants. Il y a des milliards d'euros qui transitent par nos systèmes. Il faut s'adapter constamment à la menace, se renouveler, d'où le besoin de profils tech.

Vous avez lancé de nouveaux produits ?

Nous avons lancé un nouveau jeu, le Big 5 en mai. L'idée était d'innover en faisant un pari vertical. Il s'agit d'une première que nous demandaient les clients fidèles. Jusqu'ici, les paris se faisaient sur une course donnée. Avec ce jeu, c'est différent. L'objectif est de trouver le cheval gagnant dans 5 courses sélectionnées par le PMU. Il nous faut innover pour conquérir de nouveaux clients, mais il ne faut pas oublier nos clients fidèles. Ce jeu rencontre un fort succès, car la promesse est de proposer des gains importants. Récemment, une parieuse a remporté 40.000 euros avec 1 euro de mise, en trouvant le gagnant des 5 courses. Un rapport de 1 pour 40.000 !

Quelle proportion des sommes engagées est reversée aux joueurs ?

Les joueurs gagnent 75%, nous gardons 25% qui sont ensuite redistribués sous forme de commissions aux points de vente, de taxes à l'Etat et à la fin, ce qu'il nous reste, c'est notre contribution nette, environ 800 millions d'euros, que nous reversons intégralement à la filière hippique.

Vous pourriez faire un produit pour des néophytes ?

Dans nos projets, nous allons lancer des offres qui touchent toutes les cibles. Il y a plusieurs pistes. Pour les joueurs experts mais aussi pour les occasionnels, nous lancerons à la fin de l'année une nouvelle formule de quinté, notre produit phare, et l'an prochain nous lancerons un produit pour des néophytes, plus accessible. Dans notre plan de croissance, nous visons toutes les cibles. Nous allons chercher de la croissance en poussant nos points de vente, mais aussi en ciblant nos turfistes les plus fidèles, les clients occasionnels et les néophytes. Ce qui est clé dans le pari hippique, c'est la notion de transmission. 75% de ceux qui font un premier pari ont été initiés par quelqu'un du cercle proche. Si vous n'avez jamais joué, il y a de forte chance que vous n'ayez pas dans votre famille ou dans votre cercle d'amis de personnes qui jouent, sans quoi vous auriez franchi le pas plus facilement.

Quel résultat prévoyez-vous en 2025 ?

Nous ne donnons pas d'objectifs chiffrés publics à long terme. Nous ne sommes pas une entreprise cotée. Nos objectifs de croissance chaque année d'ici à 2025 sont ambitieux, en particulier pour notre contribution nette à la filière.

La double tutelle sous laquelle est placée le PMU, celle du ministère des Finances et celle de l'Agriculture, n'est-elle pas compliquée ?

Ces ministères sont au conseil d'administration et il n'y a pas d'intérêts contraires. Ils sont alignés pour la croissance du PMU, au bénéfice de la filière hippique française.

Une entrée en Bourse comme la FDJ est-elle envisageable ?

Ce n'est pas d'actualité. Nous sommes une entreprise utile et engagée au service d'une filière, c'est pourquoi les situations ne sont pas comparables.

BIOGRAPHIE

Emmanuelle Malecaze-Doublet a rejoint le PMU en septembre 2018. Après avoir été directrice administrative et financière puis directrice marketing et client et directrice marketing, e-commerce et international du PMU, elle est nommée directrice générale en juillet 2022. Durant son parcours au PMU, Emmanuelle Malecaze-Doublet a eu pour mission de redonner de l'attractivité au PMU et aux paris hippiques. Elle a ainsi profondément modernisé l'image de marque et l'offre pour la rendre plus simple et plus ludique. Dans ce cadre, l'expérience client a été repensée pour être plus en phase avec leurs attentes et l'offre de paris simplifiée pour être plus lisible. Directrice générale, elle poursuit cette mission autour d'un plan stratégique triennal récemment présenté. Auparavant, Emmanuelle Malecaze-Doublet a passé 6 ans dans le cabinet de conseil McKinsey en France puis aux Etats-Unis. Emmanuelle Malecaze-Doublet est diplômée d'HEC Paris. Elle est maman de trois enfants

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Commentaire 1
à écrit le 07/07/2023 à 8:01
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Non mais c'est quand même moins une pompe à fric que la française des jeux.

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