Un rapport pour sauver le transport aérien français, et maintenant ?

La remise à Manuel Valls par le député Bruno Le Roux d'un rapport sur les mesures à prendre pour améliorer la compétitivité du transport aérien français sera-t-il un énième rapport rangé dans un tiroir, ou va-t-il déboucher sur des actions du gouvernement? La crédibilité de ce rapport dépendra largement du passage ou pas des mesures les plus urgentes dans le projet de loi des finances 2015.
Fabrice Gliszczynski

Il flotte au sein des compagnies aériennes françaises comme un parfum d'optimisme après la remise, ce lundi, à Manuel Valls d'un rapport sur la compétitivité des compagnies françaises par Bruno Le Roux, le député de la Seine Saint-Denis et président du groupe socialiste à l'assemblée nationale. Un mélange de satisfaction d'avoir été enfin compris et d'espérance vers un environnement fiscal moins pénalisant pour le pavillon français que les dirigeants et salariés des compagnies aériennes françaises réclament depuis des années.

Une équation à 1 milliard d'euros

"Ce rapport montre que le transport aérien n'a pas un rendement de banquiers pour supporter des charges aussi importantes tant externes qu'internes", explique Philippe Dandrieux, président du Scara (Syndicat des compagnies aériennes autonomes) et président du directoire d'Air Corsica.

"Notre objectif n'est pas non seulement de survivre. Nous sommes dans une perspective de croissance avec des créations d'emplois à la clé. Nous voulons être mis au même niveau que nos concurrents, en particulier l'Allemagne qui, rappelons-le, n'est pas le moins-disant social", précise Alain Battisti, président de la Fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam) et Pdg de Chalair. Selon lui, l'État a les moyens de baisser les coûts du pavillon français de 1 milliard d'euros.

"Un secteur hautement stratégique"

Évoquant "le déclin du transport aérien français", -un secteur "hautement stratégique pour la France-, "sans qu'aucun retournement de tendance n'apparaisse", le rapport stipule "qu'une absence rapide d'intervention de l'État se traduira par une perte accrue de compétitivité du transport aérien français, voire une spirale dangereuse conduisant à une diminution drastique d'activité et son corollaire en termes de licenciements en masse" (...) et "que cette situation impose d'adopter sans plus attendre les mesures présentant les impacts les plus forts ou les plus rapides, y compris des mesures mettant le budget de l'Etat à contribution".

Un autre rapport alarmiste avait été publié il y a 16 mois

Au-delà des mots, ce rapport va-t-il déboucher sur des mesures concrètes où sera-t-il mis dans un tiroir ? Il y a 16 mois, un rapport intitulé "Les compagnies européennes sont-elles mortelles ?", rédigé par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective et remis lui aussi au premier ministre d'alors, avait certes fait grand bruit mais n'avait pas empêché l'exécutif d'augmenter dans la foulée la taxe de solidarité, dite Chirac, symbole pour les compagnies aériennes de cette taxation à outrance dont ils font l'objet.

Qu'en sera-t-il cette fois ? Le poids de Bruno Le Roux dans la majorité est tel que certaines mesures peuvent "passer" veulent espérer les compagnies aériennes. "Il n'a pu faire des recommandations sans les avoir bordées au préalable", assure un membre du groupe de travail.

Réponses rapides?

Les compagnies seront vite fixées en voyant si les mesures qualifiées "d'urgentes" dans le rapport figurent ou pas dans le projet de loi des finances 2015 ou dans le projet rectificatif de loi des finances. Il s'agit d'un point qui fait hurler les compagnies aériennes depuis des années : les 19% du produit de la taxe d'aviation civile dédiés au budget général depuis une dizaine d'années. L'équivalent de 80 millions d'euros.

"La première urgence apparaît donc de procéder à la suppression de cette situation dès le budget 2015", explique le rapport. "L'abandon de la quotité reversée au budget général constituera un geste fort et significatif du Gouvernement envers les transporteurs aériens. Il est indispensable", précise-t-il.

Cette mesure est cruciale. "Toute la crédibilité du rapport se joue là", estime un autre membre du groupe de travail. Histoire de créer une dynamique positive pour tenter de faire passer par la suite les autres mesures. Le gain généré par cette mesure pourrait permettre d'exonérer le trafic en correspondances de la taxe de la l'aviation civile comme le font les autres aéroports européens ou du Golfe.

Dernière mesure d'urgence pour Bruno Le Roux, l'État doit prendre à sa charge de manière exceptionnelle sur son budget, le coût matériel respectant les nouveaux standards définis par Bruxelles concernant l'emport de liquides et le contrôle des bagages en soute estimé à plusieurs centaines de millions d'euros à engager dès 2015.

Simplification

Il est clair que si ces mesures ne sont pas prises, il sera difficile d'enchaîner sur les autres, beaucoup plus compliquées à mettre en œuvre. C'est le cas de la suppression de la taxe Chirac mais surtout sur la simplification administrative et réglementaire qui handicape les transporteurs, ou encore la réforme du financement de la sûreté.

La simplification est un gros morceau. "A elle seule elle peut générer 400 à 500 millions d'euros", explique Alain Battisti. En parallèle, la Fnam espère que soit lancée les travaux pour la mise en place des FTL (fligth time limitations), ces règles européennes sur le temps de travail des navigants, adoptées par tous les autres pays de l'Union européenne. La France a demandé un délai de deux ans, jusqu'en février 2016. Aujourd'hui ces FTL sont incompatibles avec le code de l'aviation civile (CAC).

Concurrence des compagnies du Golfe

Quant aux autres mesures préconisées, elles semblent aléatoires. Le maintien du gel des droits de trafic pour les compagnies du Golfe le temps de laisser à Air France de se refaire une santé pourra-t-il résister si le Qatar achète le Rafale de Dassault Aviation ? La modération des redevances aéroportuaires (voire la baisse comme le suggère le rapport) et la fin de caisse unique d'Aéroports de Paris dans le prochain contrat de régulation économique (2016-2020) qui sera signé l'an prochain avec l'Etat, sont-elles compatibles avec une éventuelle privatisation d'ADP demain?

Enfin, les compagnies et leurs salariés doivent aussi continuer à faire des efforts. Les mesures de l'État seules ne résoudront pas leur problème. "Bruno Le Roux nous a dit : je bouge si vous bougez", explique Laurent Magnin, PDG d'XL Airways.

Fabrice Gliszczynski

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 07/11/2014 à 10:55
Signaler
Bonjour, Juste une petite précision: "Le gain généré par cette mesure pourrait permettre d'exonérer le trafic en correspondances de la taxe de la l'aviation civile comme le font les autres aéroports européens ou du Golfe." Il n'existe pas de taxe ...

à écrit le 06/11/2014 à 21:56
Signaler
Il serait juste de souligner que sans le préavis (levé la veille après avoir obtenu satisfaction) de ces irresponsables de pilotes du SNPL début mai, ce rapport n'existerait pas, car il faisait partie des revendications. Bref, ou quand un syndicat s...

à écrit le 06/11/2014 à 17:57
Signaler
Quel "gel" des droits de trafic vis à vis des compagnies du Golfe ? Les états se sont accordés (il y a... un paquet de décennies...) sur la "bi latéralité" des droits. Imagine t on un seul instant que les UAE autoriseraient les compagnies d'Europe oc...

à écrit le 06/11/2014 à 16:29
Signaler
Je pense qu'une différence existe dans le mode de financement des retraites entre les compagnies aériennes. Si on réduisait les cotisations affectant les salaires en les reportant hors de la valeur ajoutée, sur la consommation d'énergie par exemple, ...

à écrit le 06/11/2014 à 14:31
Signaler
Ni les états du golfe, ni la Chine, ni la Turquie, ni les USA n'aident leurs compagnies aériennes. Pourquoi la France le ferait-elle ? (ah, ?...ils les aident, ah bon ...)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.