LA TRIBUNE DIMANCHE- Il y a un peu plus d'un an - en novembre 2022 -, vous étiez élu président du conseil de surveillance du grand port maritime de Marseille-Fos. Vous en êtes le VRP ?
CHRISTOPHE CASTANER- Nous sommes en train de vivre à Marseille-Fos une révolution, celle de la décarbonation et de la transformation en profondeur d'un port, qui doit passer du statut de port pétrolier à celui de port multi-énergie. L'un des premiers dossiers sur lesquels j'ai pesé, en faisant un peu le VRP, portait sur un sujet de reconquête industrielle, afin d'accueillir au mieux Carbon et le projet de fabriquer de nouveau en France et en Europe des panneaux photovoltaïques.
Carbon est l'un des nombreux projets d'industrie verte qui ont choisi de s'installer dans le périmètre du port. Les méga-usines vertes, c'est désormais la spécificité de Marseille-Fos ?
Nous allons en effet accueillir un nouveau projet, baptisé Deos : une plateforme ainsi que des zones de stockage qui serviront les besoins de déploiement de la filière de l'éolien offshore. Nous lançons la procédure de CNDP (Commission nationale du débat public) le 7 février. Il s'agit d'un méga-projet qui mobiliserait 550 millions d'euros d'investissement. Il porterait sur 75 hectares à terre, 45 hectares en mer et 1 000 mètres linéaires de quai. Les travaux débuteraient en 2026 pour une livraison en 2028. C'est un projet qui doit générer 1 500 emplois pour la construction des caissons et 200 emplois pour l'intégration des éoliennes, auxquels il faut ajouter les besoins en maintenance lourde pour une vingtaine d'éoliennes par an. Cela crée des activités dans la durée. C'est cela, gérer la transition majeure du pétrole vers les autres formes d'énergie.
Le président de la République a lancé le plan « Marseille en grand » et il souhaite un port en grand. Comment faire de Marseille-Fos un outil stratégique pour le pays ?
Cela fait quarante ans qu'il n'y a pas eu de nouveau projet industriel sur le territoire de Fos-sur-Mer. Pourquoi parlions-nous plus de Dunkerque et du Havre ? C'est parce qu'ils étaient en avance sur nous. Notre objectif est de contribuer à l'activité du port par de nouvelles formes d'industrialisation. Nous avions une manne pétrolière. Maintenant, nous avons Deos. Il faut avoir en tête que Deos, c'est, à terme, 500 000 tonnes de vracs supplémentaires qui arriveront dans le port ainsi que 15 000 tonnes d'acier.
Marseille en grand consiste à tester des initiatives dans la ville pour pouvoir les dupliquer ailleurs. Fallait-il que le président de la République donne en personne l'impulsion pour que cela fonctionne ?
L'image de Marseille, depuis une dizaine d'années - malgré la catastrophe de la rue d'Aubagne, ou les faits de délinquance que l'on connaît -, a changé. Il y a un phénomène d'installation de population nouvelle. Évidemment, l'engagement du président de la République pour Marseille est un engagement significatif, qu'on ne connaît dans aucune autre ville de France métropolitaine. La première phase de Marseille en grand a permis de répondre aux urgences, de lancer des politiques fortes pour les écoles et l'urbanisme. Maintenant, il faut construire le Marseille en grand de 2050, écologique et décarboné. C'est pour cela que nous devons élaborer de nouvelles solutions industrielles de production, et travailler à un projet de « port en grand » Méditerranée-Rhône-Saône avec la perspective de rejoindre le Rhin et de s'ouvrir sur l'Allemagne. La volonté du président aujourd'hui est aussi de préparer l'avenir au-delà de notre territoire.
Les questions de souveraineté sont sur le devant de la scène et, d'une certaine façon, la colère du monde agricole le démontre. C'est aussi le premier sujet de discorde auquel le nouveau Premier ministre est confronté...
Il existe une dérive dans notre société qui est de tout attendre du politique, de se considérer comme exempt de contrainte. Je soutiens les agriculteurs, y compris lorsqu'ils ont des revendications, mais les contrôles, c'est aussi la garantie de ce que nous avons dans l'assiette. Il faut donc faire cela de façon intelligente, oser poser les problèmes sur la table. Ce n'est pas moins de contraintes environnementales qu'il nous faut, mais un meilleur accompagnement environnemental.
Les nominations des secrétaires d'État tardent. Souhaiteriez-vous voir Sabrina Agresti-Roubache, qui a été ministre de la Ville mais surtout chargée de Marseille en grand, être confirmée dans cette fonction ?
Je ne sais pas si Sabrina Agresti-Roubache sera de nouveau chargée du plan Marseille en grand, mais je le souhaite.
Et j'ajoute qu'un secrétariat d'État ou un ministère délégué aux Transports est indispensable.
Vous avez fait partie d'une nouvelle génération de politiques. Gabriel Attal aussi...
L'âge ne fait pas la qualité, c'est une chance. Pour bien connaître Gabriel Attal, depuis ses premiers pas de député, je sais son talent. C'est moi qui l'ai nommé à son premier poste de responsabilité, porte-parole du parti [En marche, devenu Renaissance], dont j'avais la charge. Gabriel, c'est une bête de travail. Il a un talent fou. Il veut le mettre au service de la majorité présidentielle et c'est tant mieux.
Votre retour à Marseille nourrit des interrogations sur une possible envie de vous lancer à nouveau en politique, le regard tourné vers le fauteuil de maire de Marseille...
Le bonheur n'est pas que dans la politique.
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