Bénéfices records pour Getlink (Eurotunnel), avant une année 2024 moins flamboyante

Dans un contexte post-Brexit qui impacte toujours le trafic transmanche, Getlink a vu son activité et sa rentabilité portées par son activité de transporteur d'électricité. Au point de signer des résultats jamais atteints auparavant. Pourtant, cette manne pourrait bien se tarir quelque peu cette année après avoir bénéficié des tarifs élevés de l'énergie.
Léo Barnier
Avec 558 millions d'euros, la filiale de Getlink, Eleclink, a représenté près du tiers des revenus du groupe l'an dernier.
Avec 558 millions d'euros, la filiale de Getlink, Eleclink, a représenté près du tiers des revenus du groupe l'an dernier. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

A l'occasion de l'annonce des résultats annuels 2023 de Getlink (Eurotunnel), son directeur général Yann Leriche affiche une satisfaction certaine. « Nos résultats sont records », déclare-t-il ainsi sans ambages ce jeudi. Et pour cause, son groupe progresse fortement sur quasiment tous ses grands indicateurs de performances, dont un résultat net en hausse de 30 % à 326 millions d'euros. Et cela, il le doit en grande partie à la montée en puissance d'Eleclink, sa branche de transport d'électricité lancée en 2022. Portée par les prix de l'énergie, elle a offert un véritable relais de croissance face aux fluctuations de l'activité de transport de fret et de passagers. Pour autant, son importance devrait se réduire en 2024 avec la normalisation du marché de l'énergie.

Avec 558 millions d'euros, Eleclink a représenté près du tiers des revenus du groupe l'an dernier. Ce qui permet à Getlink d'afficher un chiffre d'affaires de plus 1,8 milliard d'euros, « jamais atteint par notre groupe auparavant » comme le souligne Yann Leriche, son directeur général. Il efface ainsi largement la marque, déjà record, établie en 2022. Et le dirigeant peut se montrer encore plus satisfait du niveau de rentabilité affiché par cette activité. Si Getlink affiche un Ebitda (bénéfices avant intérêts, impôts et dépréciation et amortissement) record de 979 millions d'euros (+11 % par rapport à 2022), c'est en grande partie grâce à Eleclink (à hauteur de 40 % précisément).

Les passagers et le fret sur des pentes inverses

Eurotunnel reste tout de même la part principale de l'activité de Getlink. Mais Yann Leriche reconnaît des « variations assez disparates » sur les différents segments de trafic qui transitent par le tunnel. A l'image de l'ensemble du monde de la logistique, le trafic de camions via les navettes « LeShuttle » est en recul assez marqué (-17 % par rapport à 2022). Yann Leriche y voit surtout la conséquence d'un mix énergétique défavorable, avec une électricité moins compétitive face au fioul lourd des navires, provoquant des écarts de prix en sa défaveur. Et il dénonce aussi le dumping social pratiqué par deux opérateurs de ferries - sans les citer - avec des salaires 60 % inférieurs aux minimas français et britanniques. Le patron de Getlink se félicite tout de même de rester leader, avec plus d'un tiers des parts de marché.

A l'inverse, le transport de passagers continue de progresser via les navettes (+6 %) comme par l'Eurostar (29 %). Le nombre de passagers sur LeShuttle est porté par la croissance des séjours longs, mais cela ne suffit pas à compenser la baisse des trajets courts (allers-retours dans la journée ou des retours le lendemain). Yann Leriche mentionne les difficultés persistantes pour franchir la frontière depuis le Brexit qui touchent ce trafic. La modification structurelle du trafic affaires, avec le recours accru à la visioconférence, peut aussi avoir eu un impact. De fait, le trafic global reste encore inférieur d'une quinzaine de pourcents à celui d'avant la crise.

Au plus bas jusqu'en 2021, l'Eurostar revient désormais sur des niveaux historiques. De quoi conforter l'opérateur ferroviaire dans son ambition de doubler le trafic d'ici 2030, pour atteindre les 30 millions de passagers. Et Yann Leriche assure du soutien de Getlink pour y arriver, sans pour autant renoncer à l'arrivée de nouveaux opérateurs ferroviaires concurrents.

2024, entre transition et normalisation

D'ici là, Yann Leriche s'attend d'abord à devoir composer avec « une année de transition » en 2024 pour Eurotunnel, avec notamment des évolutions du cadre réglementaire positives pour son activité. Il attend l'entrée en vigueur prochaine de mesures anti-dumping social, côté français comme britannique, pour les compagnies de ferries. Il estime également que la mise en place des quotas d'émissions carbone (ETS) pour le maritime va bénéficier à sa compétitivité face aux ferries.

Yann Leriche mentionne enfin l'entrée en service du système européen de contrôle électronique des entrées et des sorties (EES), estimant avoir bien anticipé les choses avec le ministère de l'Intérieur. Celui-ci donne pourtant des sueurs froides à tout le secteur des transports, à l'image d'Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP, qui anticipe un fort allongement des temps d'attente à la frontière dans ses aéroports.

Sur Eleclink, Yann Leriche admet qu'il y aura une normalisation après « deux années exceptionnelles » tirées par les prix de l'énergie. Pourtant, il estime que cela est une bonne nouvelle car il anticipe une rentabilité supérieure aux 80 millions d'euros d'Ebitda attendus lors de la conception du projet en 2018. Pour affirmer cela, il explique avoir déjà vendu plus de 70 % de sa capacité de transport d'électricité en 2024 pour quasiment 300 millions d'euros. Pour autant, cela confirme qu'Eleclink aura bien du mal à retrouver ses niveaux de 2023.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 29/02/2024 à 13:56
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Des camions, des containers et des trains pour transporter des électrons? Ils sont forts chez Getlink🤣

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