Tunnel sous la Manche : Getlink casse sa tirelire pour attirer des concurrents à Eurostar

L'entreprise qui exploite le tunnel sous la Manche, Getlink, a annoncé des aides de 50 millions d'euros pour faciliter l'arrivée de nouveaux opérateurs ferroviaires sur ses lignes.
Deux liaisons sont dans le viseur de l'entreprise, Londres-Cologne-Francfort et Londres-Genève.  L'entreprise ferroviaire espère capter 3 millions de voyageurs sur ces lignes dans les prochaines années.
Deux liaisons sont dans le viseur de l'entreprise, Londres-Cologne-Francfort et Londres-Genève. L'entreprise ferroviaire espère capter 3 millions de voyageurs sur ces lignes dans les prochaines années. (Crédits : Pascal Rossignol)

Cela ne fait aucun doute, la compagnie Getlink qui exploite le tunnel sous la Manche veut voir plus de trains passer sur ses voies. Les trajets entre Londres avec Paris, Amsterdam ou Bruxelles sont pour l'instant effectués uniquement par Eurostar, qui est en monopole depuis 30 ans. Actuellement, la compagnie ferroviaire franco-britannique transporte 10 millions de voyageurs par an, renouant avec ses niveaux pré-Covid.

Mais Getlink ne veut pas s'arrêter là. Le gestionnaire du tunnel souhaite attirer de nouveaux opérateurs ferroviaires pour doubler les liaisons directes vers le Royaume-Uni d'ici 10 ans. Concrètement, deux destinations sont dans le viseur de l'entreprise : une liaison Londres-Cologne-Francfort ainsi qu'une liaison Londres-Genève. Ces deux trajets représentent 6,5 millions de voyageurs en avion actuellement. L'entreprise espère capter la moitié de ce trafic dans les prochaines années.

Pour l'heure, deux opérateurs ont manifesté un intérêt pour les lignes déjà existantes : Evolyn, une startup pilotée par le transporteur britannique Mobico et dont la famille espagnole Cosmen est le principal actionnaire, ainsi que Heuro, une compagnie néerlandaise. Et Getlink a multiplié les annonces pour les attirer. L'entreprise a ainsi annoncé étendre son programme d'aide financière pour l'installation des opérateurs ferroviaires, baptisé Etica et lancé en 2018. Si Eurostar avait bénéficié de 9 millions d'euros pour déployer la ligne Londres-Amsterdam, les nouveaux entrants auront quant à eux une enveloppe de 50 millions d'euros à partir de 2025, date à laquelle Evolyn souhaite débuter son service.

Lire aussiGetlink (Eurotunnel) prêt à sortir le carnet de chèques pour aider l'arrivée d'un concurrent face à Eurostar

Simplification de l'accès au marché

En plus des incitations financières, Getlink a annoncé une réduction à 5 ans du temps nécessaire aux opérateurs pour lancer de nouvelles lignes. Pour celle entre Londres et Amsterdam, il avait fallu attendre 10 ans. Cet abaissement du « time to market » est lié à une simplification des systèmes à plusieurs niveaux.

D'abord, l'entreprise a identifié les destinations les plus rentables afin de convaincre les opérateurs de venir. Ensuite, elle a œuvré avec l'Europe pour une standardisation des normes du Tunnel ainsi qu'une intégration des normes avec les fabricants dans leurs offres de matériel roulant. « En clair, il n'y a plus besoin de prouver en cinq langues que le train est capable de freiner », résume Jean-Pierre Ramirez Schneider, le directeur du réseau Eurotunnel.

Getlink a également préparé les liaisons transmanche avec les gestionnaires de réseaux et de gares  Ainsi, les nouveaux opérateurs n'auront plus qu'à commander les trains pour lancer le trafic. Mais entre la commande et la livraison, il y a un délai incompressible de trois ans. Les premiers trajets vers l'Allemagne ou la Suisse n'arriveront donc pas avant 2026. D'autres liaisons vers la France, notamment reliant Londres à Marseille ou Bordeaux, sont à l'étude actuellement.

Toutefois, une simplification et des aides conséquentes pourraient ne pas suffire à donner naissance à ces lignes. En effet, le coût d'investissement initial pour l'achat de matériel roulant constitue l'un des freins majeurs à l'arrivée des nouveaux opérateurs.

Lire aussiLe transport d'électricité tire les résultats du tunnel sous la Manche (Getlink)

Le tunnel pourrait accueillir 1.000 trains par jour

Et Getlink n'a pas annoncé de création d'une « Rosco » (rolling stock company), une entreprise qui achète une flotte de trains et les loue aux opérateurs. C'était pourtant ce qu'envisageait Jacques Gounon, président du conseil d'administration du groupe franco-britannique en octobre dernier, pour faciliter un peu plus l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché.

Si de nouvelles entreprises se positionnent dans les prochaines années, cela permettrait également d'augmenter le flux dans le tunnel sous la Manche. Aujourd'hui, ce dernier est exploité en dessous de 50 % de ses capacités avec 400 trains qui traversent La Manche chaque jour (navettes, trains de marchandises, Eurostar), alors qu'il peut potentiellement en accueillir 1.000.

Sans compter l'arrivée avant 2030 de l'ERTMS, le système européen de gestion de trafic des trains sur le réseau, qui permettra d'augmenter la fréquence des trains, comme ce sera bientôt le cas sur la ligne à grande vitesse Paris-Lyon.

La multiplication des trains et des opérateurs peut rapporter gros à Getlink. Au premier semestre de 2023, le groupe avait enregistré des résultats financiers historiques avec 934 millions de chiffre d'affaires réalisé, en hausse de 64 % par rapport à l'année dernière sur la même période, et un résultat net de 159 millions d'euros.

Les contrôles aux frontières pour octobre 2024

Autre nouvelle confirmée : l'application du système Entry exit system (EES) de chaque côté de la Manche. L'objectif est de contrôler, par biométrie faciale et empreinte digitale chaque ressortissant non-européen, incluant les Britanniques. « Ces personnes représentent 70 % de nos passagers », souligne Yann Leriche, le directeur général de Getlink. L'entreprise s'est tournée vers lN Groupe pour les systèmes de contrôle et non Thales, pourtant initialement choisi par la France.

Concrètement, la société a investi 78 millions d'euros pour relever les empreintes des nouveaux entrants sur le territoire européen à l'entrée, mais également lors de leur retour en Angleterre. Les informations seront ensuite stockées dans un serveur européen centralisé pendant 3 ans. Toutes les autres voies d'entrée en Europe sont également soumises à ce système de contrôle, à partir du 6 octobre 2024. Ce système occasionnera « des trajets plus longs de 5 à 7 minutes » selon Yann Leriche.

Mais si la mise en place a été planifiée à l'automne afin d'éviter le pic d'affluence en été et lors des Jeux Olympiques, Getlink craint tout de même une saturation au départ. Le groupe réclame une mise en place progressive sur les 6 premiers mois afin de tester son dispositif.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 15/12/2023 à 8:39
Signaler
EUROSTAR seule compagnie ou pas à emprunter le lien fixe entre le continent et la GB ne changera rien au contexte actuel à savoir des coûts de péages ferroviaires exorbitants que ce soit pour circuler sur LGV mais également pour circuler par le tunne...

à écrit le 14/12/2023 à 23:34
Signaler
Bien c est sur depuis le Brexit qui veut aller en Gb? Hors de prix, passeport, perte de temps dans les douanes tatillonnes anglaise ça gounon oubli de le dire … bref quel intérêt de faire un Londres Francfort ou Genève en 6 heures Porte a port...

le 15/12/2023 à 7:54
Signaler
D'accord avec vous, le seul intérêt du train c'est de ne pas avoir à attendre des heures pour rien comme dans un aéroport mais avec l'Eurostar ça n'est pas le cas depuis le Brexit, c'est exactement comme dans un aéroport.

à écrit le 14/12/2023 à 23:34
Signaler
Bien c est sur depuis le Brexit qui veut aller en Gb? Hors de prix, passeport, perte de temps dans les douanes tatillonnes anglaise ça gounon oubli de le dire … bref quel intérêt de faire un Londres Francfort ou Genève en 6 heures Porte a port...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.