
LA TRIBUNE - Le groupe que vous présidez a signé un accord de coopération avec le groupe CMA CGM (lequel a fait une offre de rachat de La Tribune) en juin dernier, accord qui permet à vos filiales respectives, Geopost et Ceva Logistics d'apporter une réponse décarbonée en matière de logistique et de dernier kilomètre. Un accord qui concerne l'Europe, hors France. Quelle est la raison qui a fondé ce rapprochement ?
PHILIPPE WAHL - CMA CGM est un partenaire que nous pratiquons depuis plusieurs années. Rodolphe Saadé et moi-même avons participé, lors de Choose France, l'événement voulu par le président de la République pour célébrer l'attractivité de la France, à une table-ronde commune. Nous sommes tous les deux des logisticiens. CMA CGM s'est développée d'une manière absolument considérable, le groupe est devenu aujourd'hui le premier logisticien français, avec, comme nous, une présence partout dans le monde. Rodolphe Saadé et moi-même avons décidé de faire un accord entre deux géants français de la logistique dans le monde. Nous sommes le spécialiste du dernier kilomètre, et je dirais même, du dernier mètre. Donc nous proposons à CEVA Logistics et à CMA CGM, partout dans le monde où nous sommes dans le dernier kilomètre, la possibilité de proposer notre offre à leurs clients. Et lorsque nous sommes dans ces pays-là, nous faisons appel à CMA CGM pour sa spécificité en logistique industrielle et moyenne distance. C'est donc un accord gagnant-gagnant entre deux leaders français de la logistique. Cela fait beaucoup de sens parce que la concurrence est en dehors du pays, il est donc normal d'avoir comme partenaire, un leader français.
Ce rapprochement est-il le signe d'un phénomène de concentration du secteur de la logistique ?
Non car ce rapprochement n'est pas une concentration, ce n'est pas un accord financier, c'est un accord commercial et chacun joue son savoir-faire spécifique. CMA CGM c'est la logistique et le middle mile. Nous c'est la proximité et le last mile et c'est très complémentaire dans les grands marchés où nos concurrents sont tous étrangers et où il est important de s'épauler pour faire face.
Comment adresser concrètement ces enjeux de mobilité ? Si on sort du contexte logistique, le MaaS - mobility as a service - a du mal à trouver son modèle économique...
La logistique est une industrie qui s'est énormément développée avec la mondialisation. Le premier mètre c'est souvent ce que CMA CGM fait à l'autre bout du monde. Nous aussi nous sommes à l'autre bout du monde, mais La Poste est dans le dernier kilomètre et le dernier mètre. Avec la globalisation, avec la croissance économique, la logistique a pris un envol considérable. Le travail qui reste à faire, c'est la décarbonation. C'est-à-dire faire que ces immenses flux de marchandises et de services puissent circuler sans émettre un gramme de carbone. La Poste a entamé ce mouvement il y a longtemps, car nous avons toujours voulu être les leaders de la logistique décarbonée. C'est un combat mené depuis dix ans et qui reste à mener pour au moins encore dix années supplémentaires. Les groupes doivent s'engager dans ce sens-là. La Poste est l'entreprise la mieux notée dans le monde sur sa note extra-financière et cela montre que le bénéfice, c'est important, mais que d'être le groupe le mieux apprécié dans le monde entier sur notre engagement sociétal est très important.
Les ZFE ont du mal à s'imposer dans les villes. Était-ce trop tôt pour mettre en place ces zones à faible émission ou est-ce la méthode qui n'est pas adéquate ?
Pour moi, le sujet de la ZFE n'est pas une question qui fâche. Demain, il y aura des ZFE partout. La question est de savoir ce que l'on entend par demain ? Il était très utile que le gouvernement pose cet instrument géographique de la ZFE mais maintenant, si nous voulons que cela réussisse, il faut accompagner le mouvement. Nous, grand groupe, avons fait des investissements massifs dans les véhicules décarbonés. Cela nous a coûté très cher. Nous avons donc pris un risque économique pour être les leaders de la décarbonation. Nous avons aidé nos sous-traitants à faire de la décarbonation. Mais avant que des milliers de PME s'y mettent, il faudra du temps. Les ZFE sont un outil de demain et demain se prépare aujourd'hui. Finalement, ce sont des outils d'après-demain.
La Poste mène diverses expérimentations, parfois avec les métropoles, sur ces sujets de logistique de dernier kilomètre. Le groupe regarde aussi de très près ce que peuvent apporter les startups. Comment cela vous fait-il grandir, aller plus vite ?
Nous considérons que les startups sont nécessaires à la croissance de La Poste. Les startups - que les dirigeants soient jeunes ou pas - innovent, brisent des tabous et nous pensons que nous en avons besoin. Lors de la dernière édition de Vivatech, la moitié du stand était consacré aux innovations internes de La Poste, l'autre moitié étant consacrée aux startups, qui sont nos associées, et à qui nous offrons gratuitement une présence à Vivatech comme nous l'avons fait au CES Las Vegas. Nous avons besoin des petites pousses et pour elles, il est intéressant de s'appuyer sur une grande entreprise. Avec Michelin nous avons lancé un pneu qui ne crève pas, qui n'a plus de chambre à air. Nous sommes fiers d'accompagner Michelin dans une innovation mondiale. Deux entreprises françaises sont partenaires et font naître une innovation ensemble. Il y a douze ans, mon prédécesseur, Jean-Paul Bailly, a fait les premières commandes de voitures électriques à Renault. C'est un autre exemple de ce que peuvent faire ensemble de grands acteurs français, qui, en étant partenaires, développent le pays.
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