Qu'il semble loin le temps où les dirigeants de la SNCF, d'Air France et d'Aéroports de Paris discutaient de manière apaisée sur les coopérations entre l'avion et le train. Pourtant, c'était il y a quelques mois seulement, le 21 juin exactement, quand Jean-Pierre Farandou, le PDG de la société ferroviaire était venu au Paris Air Forum débattre avec Anne Rigail, directrice générale d'Air France, Augustin de Romanet, PDG d'ADP, et Florent Menegaux, PDG de Michelin, sur le thème : « comment réconcilier le train et l'avion ». Quelques jours plus tôt, dans la revue "T", de la La Tribune, il confiait d'ailleurs à ce sujet :
"La relation avec l'aérien sera toujours ambivalente. Nous sommes en 'coopétition'. Mais cette concurrence est un peu dépassée et il est préférable d'entrer dans une logique de complémentarité. La loi peut certes fixer le curseur de cette complémentarité, mais nous devons travailler avec les acteurs de l'aérien pour la développer."
Aujourd'hui, loin de ce discours bienveillant, Jean-Pierre Farandou a sorti l'artillerie lourde contre l'aviation, en appelant à taxer davantage son concurrent de l'aérien.
"Ce n'est pas le train qui est trop cher, c'est l'avion qui ne l'est pas assez", a-t-il expliqué devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, après avoir été interrogé sur la cherté des billets de train par rapport à la voie aérienne sur certaines destinations en France.
"Est-ce qu'on impute au billet d'avion le coût de son impact carbone ou pas?", a-t-il demandé, ajoutant:
"Moi je ne comprends pas pourquoi les compagnies aériennes sont exemptées de toute taxe sur le kérosène. Moi, je paie des taxes, sur mon énergie, sur mon gazole je paie des taxes..."
Cette déclaration va à coup sûr faire grincer les dents le monde du transport aérien, déjà agacé par certaines déclarations du PDG de la SNCF, notamment quand ce dernier a critiqué au début de la pandémie le mécanisme de renouvellement de l'air dans une cabine d'avion, pourtant considéré par les autorités comme étant très efficace.
Coûts de sûreté
Si Jean-Pierre Farandou a factuellement raison de rappeler l'absence de taxes sur le kérosène, il oublie que le transport aérien est l'un des secteurs les plus taxés, parfois davantage que les autres quand il est le seul à payer la taxe Chirac pour financer les programmes de santé dans certains pays en développement. Ou encore quand il doit payer des sommes colossales pour financer des mesures drastiques de sûreté, alors que le ferroviaire se voit demander des mesures beaucoup plus légères qui plus est financées en grande partie par le contribuable. Surtout, Jean-Pierre Farandou omet de mentionner qu'Air France ou Easyjet, compensent l'intégralité de leurs émissions carbone sur les vols intérieurs.
Le monde de l'aérien risque également de rappeler que le bilan carbone du train doit prendre en compte les émissions de CO2 liées à la construction des LGV et des travaux de régénération du réseau ferroviaire. Un calcul qui diminuerait l'écart entre les deux modes de transport régulièrement cité par la SNCF. Reprenant les chiffres de l'Ademe, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'avion émet 80% de CO2 de plus que le train. Ceci en raison de la part du nucléaire dans l'électricité tricolore.
Enfin, en expliquant que la SNCF n'est pas chère, Jean-Pierre Farandou va raviver le débat sur la structure de coûts élevés de la société ferroviaire et de sa productivité.
Le patron de la SNCF a par ailleurs regretté que le transport routier de longue distance européen soit exempté de toute taxe carbone. "Si j'avais un souhait à formuler, ce serait une réflexion sur un élargissement de la fiscalité carbone à l'ensemble de l'activité de transport", a-t-il résumé.
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Revoir aussi : #ParisAirForum 2021.
DEBAT - Comment réconcilier le train et l'avion ?
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