Qatar Airways veut profiter de la crise pour en sortir plus fort (interview de Thierry Antinori)

Après avoir rejoint en septembre dernier Qatar Airways en tant que "chief Strategy and Transformation Officer", Thierry Antinori, un ancien d'Air France, Lufthansa et Emirates explique à La Tribune la stratégie de la compagnie du Golfe pendant la crise. Celle-ci passe par le maintien d'une partie de ses vols.
Fabrice Gliszczynski

LA TRIBUNE - Avec l'effondrement de la demande à cause de la pandémie du Covid-19 et la décision de nombreux pays de fermer leurs frontières, la majorité des compagnies aériennes clouent la quasi-totalité de leurs avions au sol. Quelle est la stratégie de Qatar Airways?

THIERRY ANTINORI - Qatar Airways a réduit ses capacités en sièges-kilomètres offerts de 65% à 70%. Nous assurons aujourd'hui près de 150 vols par jour au lieu de 520 en temps normal vers 70 destinations. 70 avions volent, et 91 sont cloués au sol. Nous utilisons les opportunités qui sont données par les pays qui ne ferment pas leurs frontières ou leurs aéroports. Nous continuons à voler avec parfois des réductions de fréquences, parfois des avions plus petits dans le but de maintenir un réseau pour passagers qui veulent être rapatriés chez eux ou qui ont besoin de se déplacer. Même si la demande s'effondre, il y a quand même des personnes qui ont besoin de voyager. C'est la stratégie que nous avons décidée : réduire l'offre sensiblement, avoir des scénarios de baisse de capacités supplémentaires, mais garder nos avions en l'air pour rapatrier les voyageurs. Cette stratégie est possible grâce à la qualité de notre réseau mais aussi à la performance économique et la flexibilité de notre flotte qui est très moderne et peu consommatrice de carburant. Nous exploitons aujourd'hui des avions A350, des B787, des A330, des A321, A320 et A319 qui nous permettent de voler sur des destinations où il y a encore du trafic.

Quels sont les remplissages des avions?

Ils ne sont pas au même niveau qu'avant la crise mais ils sont meilleurs que ce que nous anticipions. Il y a en fait de forts déséquilibres. Avec les rapatriements notamment, les vols de Doha vers l'Europe sont pleins, mais les retours sont plus difficiles évidemment. Il y a beaucoup de trafic aujourd'hui avec les rapatriements. Nous avons mis en place des avions de taille plus importante vers l'Europe car il y a de la demande en Australie, ou d'autres pays asiatiques. En France par exemple, le Quai d'Orsay travaille avec Qatar Airways pour les rapatriements des Français aujourd'hui en Asie. Nous sommes en relation continue avec l'ambassade de France au Qatar et avec plusieurs autres en Asie. Nous opérons aujourd'hui un vol spécial de Cébu que nous ne desservons pas en temps normal pour rapatrier des touristes français. Entre Doha et Paris, nous assurons deux vols par jour. Et nous nous demandons si nous ne pouvons pas repasser à trois vols quotidiens pendant quelques jours. Qatar Airways a souvent gagné des prix pour la qualité de son service, il faut être aujourd'hui la compagnie dans laquelle les passagers ont le plus confiance ("the must trusted Airlines in the world"), et pour l'être, il faut assurer la continuité pour les passagers qui en ont besoin, pour la distribution, et avoir une politique de remboursement et de modification des billets permettant de réserver à nouveau leur vol sans perdre d'argent ou sans être assommé de frais importants.

Quid de l'ouverture de la ligne Doha-Lyon en juin?

Elle devrait être reportée.

Le maintien d'un certain niveau d'offre n'est-il pas consommateur de cash?

La performance de notre flotte et le faible prix du carburant actuel nous permettent d'éviter de brûler du cash. Nous couvrons nos coûts opérationnels directs. Par ailleurs, nous avons un gros programme de protection du cash. Nous regardons les sorties de cash que nous pouvons différer et nous renégocions certains contrats, comme des reports de livraisons d'avions.

Quelle est la prochaine étape?

Nous nous adaptons au durcissement des restrictions de voyage mis en place par les pays. Mais tant que nous pouvons voler, nous volons. Nous avons l'impression que les rapatriements vont durer encore un peu de temps. Néanmoins, à partir d'avril nos capacités seront probablement en baisse de 80% par rapport au programme de vols prévus avant la crise, voire plus. Nous prévoyons d'annuler 18 destinations supplémentaires. Et nous utiliserons uniquement des A350, des B787 et des avions de la famille A320 [les A380, A330 et B777 seront cloués au sol, Ndlr]. Nous pensons qu'il faut conserver un petit réseau car il y aura toujours des petites poches de trafic par-ci, par-là. Par ailleurs, si des compagnies clouent au sol leurs avions, il y aura la possibilité de récupérer un peu de trafic.

Emirates et Etihad vont arrêter leurs opérations. La flotte de très gros avions d'Emirates est aujourd'hui un handicap. Assiste-t-on à une redistribution des cartes dans le Golfe?

Sans doute.

Peut-on s'attendre à des acquisitions?

Il faut protéger le cash. Avec la continuité des opérations, c'est aujourd'hui la priorité. Il faut gérer la crise. Il y aura peut-être des opportunités après la crise. Il faudra voir le paysage du transport aérien à ce moment-là.

Quand et comment voyez-vous justement la reprise?

C'est très difficile à dire. Certains disent trois, six mois. Nous verrons. Je pense que quand le trafic va rebondir, il rebondira relativement vite car, après avoir été confinés chez eux pendant longtemps, les gens auront envie de voyager, et les entreprises auront besoin de voyager. Qatar Airways a mis en place ce système flexible pour ressortir plus fort de la crise. Si nous prenons une plus grosse part du gâteau pendant la crise, nous essaierons de la conserver après la crise, sachant que le marché sera différent avec des compagnies qui seront sans doute plus petites.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 3
à écrit le 25/03/2020 à 19:57
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blablabla : on voit qu'il viellit car plus jeune il disaitbmoins d'idioties .

à écrit le 25/03/2020 à 15:38
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C'est contraire à une éthique a minima au moment ou le problème est d'enterrer convenablement les morts.. La gestion de cette crise pendant et après doit être politique l'UE et à défaut la France... Et si une réflexion était menée sur le cout réel de...

à écrit le 25/03/2020 à 12:12
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La stratégie des avions faibles consommateurs de carburant quand le pétrole est en dessous de 30 dollars le baril semble moins pertinente. Quand au rapatriement de voyageurs a l'étranger il sera vite achevé. Ce Monsieur parait bien optimiste....

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