Zéro émission nette en 2050 : l'objectif très ambitieux de l'OACI (ONU) pour le transport aérien

Les représentants des 193 Etats réunis pour l'assemblée de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), une agence de l'ONU, sont tombés d'accord pour prendre les mesures nécessaires pour supprimer les émissions de carbone d'ici à 2050. 1.550 milliards de dollars d'investissements seront nécessaires, selon les compagnies aériennes.
Le transport aérien représente entre 2,5% et 3% des émissions mondiales de CO2
Le transport aérien représente entre 2,5% et 3% des émissions mondiales de CO2 (Crédits : PIERRE ALBOUY)

C'est peut-être un accord historique pour l'avenir de l'aviation qui a été voté à Montréal ce vendredi 07 octobre. Un accord qui donne l'espoir d'un transport aérien décarboné, seul moyen pour ce transport beaucoup plus difficile à décarboner que d'autres, d'éviter des mesures de restrictions. En effet, les représentants des 193 Etats réunis pour l'assemblée de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), une agence de l'ONU, sont tombés d'accord pour prendre les mesures nécessaires pour supprimer les émissions de carbone d'ici à 2050 et se placer dans les objectifs de l'Accord de Paris censé limiter le réchauffement climatique à +1,5°C par rapport au niveau préindustriel.

1.550 milliards de dollars d'investissements nécessaires

Un objectif hyper ambitieux qui doit nécessiter, selon les compagnies aériennes, 1.550 milliards de dollars d'investissements entre 2021 et 2050. Une somme colossale que ne pourront pas financer les compagnies aériennes seules.

Comme dans d'autres secteurs, les Etats seront obligés de mettre la main à la poche pour réaliser cette transition énergétique. L'OACI a d'ailleurs précisé qu'elle « continuait de plaider pour que les États fassent preuve de beaucoup plus d'ambition et d'investissement afin que l'aviation soit entièrement décarbonée d'ici à 2050 ou avant ». Les compagnies aériennes sont satisfaites. Craignant un échec, l'Association internationale du transport aérien (Iata), qui avait déjà entériné l'objectif de la neutralité l'an dernier, s'est dite « fortement encouragée » par le vote à l'OACI. Son directeur général, Willie Walsh, s'attend désormais à « des politiques publiques bien plus solides en faveur de la décarbonation, comme des incitations à augmenter la capacité de production des carburants d'aviation durables (SAF pour sustainable aviation fuels », SAF) », d'origine non fossile, principal levier pour réduire les émissions du secteur aérien selon les compagnies. Les carburants durables peuvent en effet réduire les émissions de CO2 de 80% par rapport au kérosène sur l'ensemble de leur cycle d'utilisation. Mais ils ne représentaient en 2019 que moins de 0,1% du carburant d'aviation consommé, faute de capacités de production. Élaborés à partir de biomasse, d'huiles usagées et même, à l'avenir, de capture de CO2 et d'hydrogène vert pour en faire des carburants de synthèse, ils ont l'avantage de pouvoir être utilisés directement dans les avions actuels. Airbus et Boeing se sont engagés à ce que leurs avions puissent voler avec 100% de SAF d'ici à 2030. Pour encourager leur production, Bruxelles planche sur des obligations graduelles d'incorporation de SAF dans le kérosène, les États-Unis sur des crédits d'impôts. Une hausse de la production permettrait par ailleurs de faire des économies d'échelle et de faire baisser les prix aujourd'hui deux à quatre fois plus chers que le kérosène.

 2,5% à 3% des émissions de CO2

La décarbonation est cruciale pour l'acceptabilité du secteur. Même s'il ne représente que de 2,5 à 3% des émissions mondiales de CO2, le transport aérien est souvent montré du doigt pour son rôle dans le réchauffement climatique. Bien qu'anémié par la pandémie, le trafic aérien mondial devrait, lui, atteindre 10 milliards de passagers en 2050, plus du double de son niveau de 2019. Soit autant d'émissions en plus si rien n'est fait.

Le ministre français chargé des Transports, Clément Beaune, s'est réjoui d'« une avancée majeure », estimant sur Twitter qu'« il n'y aura pas d'avenir pour l'avion sans décarbonation » et se disant « fier d'avoir porté ce combat avec mes homologues européens ». En revanche, l'accord est encore loin de satisfaire les ONG de défense de l'environnement, qui regrettent sa faiblesse et le fait qu'il ne soit pas juridiquement contraignant. « Ce n'est pas le moment de l'accord de Paris pour l'aviation », a toutefois déploré Jo Dardenne, de l'ONG Transport & Environment (T&E). « Ne prétendons pas qu'un objectif non contraignant permettra de ramener l'aviation à zéro », a-t-elle ajouté.

Le fait qu'il s'agisse d'un objectif de « zéro émission nette » implique par ailleurs qu'une partie des émissions sera compensée par des crédits carbone. Par ailleurs, l'impact des traînées de condensation laissées par les avions sur le réchauffement climatique ne fait en revanche l'objet d'aucun engagement de réduction à ce stade. Encore mal évalué, il semble « au moins aussi important » que les émissions de CO2, selon une étude de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).

De multiples moyens pour atteindre l'objectif

Les moyens pour y arriver sont multiples. Outre les carburants durables , le secteur mise sur les améliorations technologiques et d'infrastructures (nouveaux matériaux, moteurs plus frugaux, meilleure gestion du système de trafic aérien) pour faire une partie du chemin. Selon le secteur aéronautique européen (compagnies aériennes et industriels), l'ensemble de ces améliorations technologiques permettra de réaliser près de la moitié des gains attendus. L'Iata pense qu'elles n'aideront qu'à hauteur de 14% de l'effort nécessaire. Une partie (correspondant à 8% de l'effort selon les Européens, à 19% selon l'Iata) proviendra d'un système de capture de carbone et d'échanges de quotas d'émissions.

Par ailleurs, la propulsion électrique se cantonne pour l'heure aux petits avions et aux futurs taxis volants en milieu urbain. Le poids des batteries nécessaires pour stocker l'énergie la rend en effet inadaptée aux avions de ligne. Un axe de développement est la propulsion hybride électrique : pendant certaines phases de vol, comme le décollage, un moteur électrique fournit de l'énergie supplémentaire au moteur thermique. A plus long terme, les recherches portent sur la pile à combustible pour alimenter un moteur électrique en s'affranchissant des batteries : l'électricité serait produite à bord par la réaction chimique entre l'oxygène prélevé dans l'air et l'hydrogène liquide embarqué dans des réservoirs. Ces recherches diffèrent de celles portant sur l'avion à hydrogène, où celui-ci serait directement brûlé dans un moteur thermique.  Le projet porté par Airbus vise l'entrée en service à l'horizon 2035 d'un premier avion, probablement court-courrier de moins de 100 places dans un premier temps, selon son président Guillaume Faury. Mais l'hydrogène est presque quatre fois plus volumineux que le kérosène, ce qui rend impossible son utilisation pour des liaisons long-courriers, pour lesquelles les SAF resteront l'unique carburant

Ces améliorations prennent du temps à être mises en place quand il faut agir dès maintenant, insistent de nombreuses ONG qui appellent à limiter ou réduire les déplacements aériens.

Lire aussiSortir du kérosène : le défi colossal mais impératif de l'aviation

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2022 à 11:06
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Des objectifs irréalisables, mais je pense que plus personne n'est dupe

le 10/10/2022 à 9:40
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Surtout qu'en 2050 tout le monde aura oublié ces promesses.

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