
Dans le développement des énergies renouvelables, la France détient un record : celui du délai entre l'acceptation d'un projet éolien...et sa mise en œuvre effective. Pour les installations en mer, les résistances sont si fortes, et les recours administratifs si nombreux, que l'Hexagone ne compte d'ailleurs toujours aucun parc sur son territoire. Quant aux éoliennes terrestres, elles cristallisent à ce point les tensions que la candidate arrivée deuxième à l'élection présidentielle, Marine Le Pen, a largement fait campagne sur leur démantèlement.
De quoi menacer certains projets de groupes pétroliers et gaziers, bien obligés de diversifier leurs activités pour se défaire peu à peu des combustibles fossiles. Parmi lesquels Engie (ex-GDF-Suez), qui se rêve en « leader » du secteur des renouvelables. Et pour cause, alors que l'éolien en mer se taille une place de choix dans cette stratégie, Engie n'a eu d'autre choix que de retarder de 2021 à 2023 la construction de son projet français entre l'île d'Yeu et Noirmoutier, pour mieux prendre en compte les délais de recours en justice. Et continue de faire face à des oppositions, l'association locale « Sans offshore à l'horizon » ayant annoncé mi-avril son intention de saisir la Commission européenne.
Gages de rigueur et de transparence
Dans ces conditions, l'énergéticien, qui a été plusieurs fois mis en cause dans le passé sur ses méthodes d'implantation de projets renouvelables, a annoncé ce jeudi 5 mai la création d'un label « TED » (pour « transition énergétique durable ») censé « donner aux citoyens et aux territoires des gages de rigueur et de transparence » sur le développement de nouveaux projets, afin qu'ils puissent se les « approprier ». Co-conçu avec le Bureau Veritas, leader mondial des services d'audit et de certification, il englobera dès le mois de juin les activités solaires et éoliennes d'Engie en France, avant d'être étendu à la méthanisation durant 2022, assure le groupe. Des audits de suivi par Bureau Veritas seront ensuite prévus en 2023 et 2024.
« Il s'agit de construire les projets avec les collectivités d'implantation, tout en apportant de la confiance et en systématisant nos engagements dans la durée. Sur ce socle, nous allons construire des projets sur-mesure. En ajustant l'emplacement et la hauteur exacte des éoliennes dans un territoire donné, par exemple », a précisé jeudi sa directrice générale, Catherine MacGregor.
Neuf engagements systématisés
Concrètement, ce label comporte neuf engagements « qui vont au-delà des exigences réglementaires et qu'Engie s'engage à déployer systématiquement », fait valoir l'entreprise. Afin de renforcer l'implication des parties prenantes, il s'agira par exemple de déployer, pour chaque projet, un « dispositif sur mesure et évolutif d'interactions », ou encore de « fournir à la commune d'implantation une évaluation des impacts positifs ».
Au-delà des échanges avec les citoyens et les communes, Engie compte également donner des « garanties de la préservation de la nature » à proximité des infrastructures, en faisant réaliser une étude d'impact préalable, validée par un tiers indépendant. Mais également montrer qu'il contribue à la lutte contre le changement climatique, en communiquant sur les émissions évitées de chaque parc, et en certifiant « le recyclage ou le réemploi de toutes les turbines et panneaux solaires ». De quoi, espère le groupe, convaincre les opposants du bien-fondé de ces installations.
Un levier de croissance pour l'entreprise
Car Engie compte largement sur leur développement pour assurer sa croissance, alors que l'usage des combustibles fossiles devra diminuer pour préserver l'environnement. Fin avril, son président Jean-Pierre Clamadieu s'était ainsi déclaré « en ordre de marche et à l'offensive » pour « confirmer » la place du groupe « parmi les leaders européens » des renouvelables. Avec une ambition claire : « faire jeu égal » avec les champions du secteur, l'espagnol Iberdrola et l'italien Enel.
De fait, le groupe a tenu ses objectifs dans les renouvelables, avec 9 GW de capacités mises en service entre 2019 et 2021, dont 3 l'année dernière. Et entend désormais investir de 15 à 16 milliards d'euros dans le domaine d'ici à 2023, avant de passer à près de 50 GW en 2025 puis 80 GW en 2030 (contre 34 GW aujourd'hui). Alors que l'éolien en mer ne représente qu'1% de ces capacités installées, il met en avant un portefeuille de 11 GW, celui-ci devant être effectivement raccordé d'ici à 2030, via 12 parcs installés dans sept pays.
Reste que, pour l'heure, son nouveau label ne concerne que les projets dans l'Hexagone. Mais il deviendra « à terme la référence pour le développement et l'exploitation des installations renouvelables d'Engie dans le monde », assure Catherine Macgregor.
Sujets les + commentés