
« Cent pour cent de plastique recyclé d'ici au 1er janvier 2025 »: depuis l'adoption fin janvier de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, cette promesse de campagne d'Emmanuel Macron figure parmi les objectifs vers lesquels la France doit officiellement « tendre ». Une ambition partagée par un nombre croissant d'entreprises, qui rivalisent dans leurs engagements publics visant à recycler plus et mieux: Coca-Cola promet de recycler toutes ses bouteilles et canettes en 2030, Nestlé que tous ses emballages seront recyclables en 2025...
Les bénéfices environnementaux du recyclage par rapport à une utilisation linéaire des ressources ne font en effet pas de doute: « Recycler une tonne supplémentaire de plastiques, par exemple, réduit les émissions de CO2 de 1,1 à 3,0 tonnes par rapport à la production d'une même tonne de plastiques à partir de matières premières fossiles », écrit la fondation Ellen MacArthur dans un rapport de 2017, citant une étude du cabinet Deloitte datant de 2015. Mais les taux bas du recyclage du plastique illustrent les difficultés en cascade qu'il rencontre partout dans le monde.
Impossibilités techniques
Premier problème: il n'y a pas un seul plastique, mais des dizaines de résines différentes, souvent mélangées dans un seul produit et en évolution permanente. En l'état actuel des technologies qui consistent essentiellement dans la réduction mécanique des plastiques en granulés homogènes, toutes ces résines ne sont pas techniquement recyclables. Et lorsqu'elles le sont, leur recyclage n'est souvent pas économiquement viable. Les quantités de matériaux collectées sont insuffisantes pour soutenir la naissance de filières industrielles compétitives face à la production de plastiques vierges de valeur équivalente.
Les bouteilles en plastique deviennent ainsi plus facilement des tapis de voitures ou des valises que de nouvelles bouteilles. Les grandes marques peinent alors à trouver du plastique recyclé à intégrer à leurs emballages. Résultat: au niveau mondial, le plastique recyclé ne représente que 9% de tout celui qui arrive en fin de vie. En France, moins d'un quart des 3,7 millions de tonnes des déchets en plastique collectées en 2018 a été recyclé. 43% est valorisé énergétiquement et un tiers est mis en décharge, selon les derniers chiffres de l'association de producteur Plastics Europe. Sur les 2,2 millions de tonnes d'emballages en plastique mises sur le marché français en 2019, seulement 14,5% étaient d'origine recyclée, selon une enquête de l'association professionnelle des fabricants d'emballages Elipso.
Depuis quelque temps, les industriels investissent donc pour sortir de ce cercle vicieux. Nestlé a promis de consacrer, au cours des cinq prochaines années, 1,8 milliard d'euros au développement de la filière de plastiques recyclés aptes au conditionnement alimentaire. Le groupe entend notamment utiliser « sa taille pour créer une demande garantie »: 1,35 milliard d'euros seront ainsi dévolus à l'achat de 2 millions de tonnes de plastiques recyclés à un prix viable pour les fournisseurs. Proc - ter& Gamble compte pour sa part multiplier par plus de deux le volume de plastique recyclé utilisé en Europe, alors qu'en France Coca-Cola recycle déjà directement 48 000 tonnes de bouteilles en plastique par an dans une usine cogérée avec Plastipak.
Dans l'Hexagone d'ailleurs, recycleurs et industriels, soutenus par l'éco-organisme Citeo, s'associent et multiplient les projets visant à améliorer la recyclabilité des emballages, ainsi qu'à développer des nouvelles technologies de recyclage, notamment chimiques ou biochimiques. Les pouvoirs publics interviennent également afin d'orienter le marché. Dans sa stratégie sur les matières plastiques de 2018, l'Union européenne a fixé l'objectif d'utiliser chaque année dix millions de tonnes de plastique recyclé avant 2025, soit deux fois et demi plus de plastique qu'en 2016. Bruxelles invite les entreprises, autorités locales et nationales, organismes de normalisation et instituts de recherche à y contribuer. En juillet 2018, la France a poussé 55 entreprises et fédérations à s'engager à presque doubler les quantités de plastique recyclé incorporées dans leurs produits avant 2025.
Rejet du projet de consigne
Accroître l'incorporation de plastique recyclé est d'ailleurs la raison d'être du projet du gouvernement d'instaurer une consigne en vue du recyclage des bouteilles. La mesure, qui a monopolisé les discussions autour du projet de loi d'économie circulaire, a finalement été repoussée. Un point d'étape sera réalisé en 2023, le temps d'évaluer la capacité des collectivités locales à atteindre les objectifs européens, notamment grâce à l'extension de la collecte séparée, la « poubelle jaune », à tous les plastiques.
Certaines ONG ont néanmoins profité de ce débat pour souligner les effets pervers de politiques n'ayant pour seul but que d'accroître le recyclage, sans essayer de réduire la consommation de plastique. Elles finiraient par transférer la responsabilité du problème sur les seuls consommateurs, soulignent-elles. Décomplexées, les entreprises pourraient augmenter leur utilisation ou leur production de plastique, recyclé ou pas. Les industriels admettent d'ailleurs que la réduction des emballages mettrait en péril le recyclage, en « faisant disparaître la ressource ». C'est sur ce fondement qu'ils se sont opposés aux objectifs fixés par la loi sur l'économie circulaire de faire disparaître les emballages en plastique à usage unique en France d'ici à 2040, et de réduire de 50% avant 2030 la vente de bouteilles.
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