Guerre des devises : l'Allemagne ne se sent pas concernée

Partisan d'une politique de monnaie forte, Berlin ne veut pas d'une guerre des devises qui nuirait à l'indépendance de la BCE et à son objectif de lutte contre l'inflation.
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La stratégie agressive du Japon a été vertement critiquée outre-Rhin, non seulement par le ministre des Finances Wolfgang Schäuble, mais aussi par Jens Weidmann, le président de la Bundesbank. Mais qu?on ne s?y trompe pas, les dirigeants allemands ne craignent guère, comme leurs homologues français, les effets négatifs d?un euro fort. Pour Gilles Moec, économiste à la Deutsche Bank, « les craintes allemandes concernent moins le niveau de l?euro qu?une politisation des taux change et un retard de la normalisation de la politique monétaire de la BCE ».Et pour cause. La république fédérale semble pratiquement immunisée contre la hausse de l?euro. Dans son étude, Gilles Moec estime à 1,74 dollar par euro le seuil à partir duquel les entrepreneurs allemands ressentent une dégradation de leur productivité. Un niveau qui n?a jamais encore été atteint par l?euro.
De fait, l?économiste estime que « le niveau du taux de change ne semble plus jouer de rôle significatif dans la perception de leur propre compétitivité par les exportateurs allemands ». Autrement dit, l?euro fort ne découragera pas les industriels allemands d?investir sur les marchés étrangers.
Cette insensibilité est devenue un pilier du modèle économique allemand : une étude de 2008 de l?office statistique du Bade-Wurtemberg remarquait ainsi que « le cours du mark n?a pas été dans le passé le déterminant le plus important pour les exportations » de ce Land, c?ur du Mittelstand exportateur.
Comment expliquer ce phénomène? D?abord par la capacité des exportateurs allemands à s?adapter aux variations de change par des gains de productivité. Ceci est rendu possible par la politique traditionnelle de « stabilité » de la Bundesbank, reprise par la BCE, qui limite l?inflation et favorise la modération salariale. Mais les réformes Schröder ont encore amplifié le phénomène en favorisant les emplois partiels et la souplesse des temps de travail. Les syndicats se sont, par ailleurs, toujours montrés soucieux de la compétitivité des entreprises à l?export. Deuxième pilier : la délocalisation accélérée de la sous-traitance dans les années 1990. L?euro fort permet alors de réduire considérablement les coûts de production. Enfin, dernier secret : la rigidité de la demande assure une insensibilité au prix. Les produits allemands bénéficient souvent de véritables monopoles de fait en raison des forts investissements des entreprises en R&D. Le patronat allemand se plaît pourtant régulièrement à agiter le risque de change sur leur compétitivité. Des craintes injustifiées sans doute, mais pas désintéressées, tant les syndicats sont de moins en moins enclins à accepter la modération salariale. Il faut donc trouver des leviers de pression.
La politique de relance du Premier ministre japonais Shinzo Abe a eu pour effet une forte baisse du yen face à l?euro.

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