Eloge du professeur

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C'est un des effets positifs de la crise qui secoue l'Europe, la cote du professeur est à la hausse. Longtemps décrié, ringardisé par la montée en puissance de la société du spectacle et du divertissement, le métier qui conjugue maîtrise des savoirs et sens du devoir pour éduquer est en train de prendre sa revanche. Si l'on en croit un sondage CSA, les Français sont même 78% à estimer que « le métier d'enseignant est un métier d'avenir », et même 81% à en avoir « une image positive ».

Certains grincheux y verront là une image idéalisée. A l'évidence, le statut de fonctionnaire qui garantit l'emploi à vie peut expliquer ce quasi plébiscite. Mais persiste aussi l'opinion générale que l'éducation est une chose trop sérieuse pour être faite légèrement et nécessite un engagement à long terme qu'il faut garantir. Après tout, hors les familles, l'école reste encore en majeure partie le lieu où l'on apprend cahin cahan... tout.

Quant aux gouvernements, ils devraient savoir que le professeur est un pilier de nos sociétés. Après tout, les rapports démontrant que la solidité future de l'économie d'un pays dépend de sa capacité à investir massivement aujourd'hui dans son système éducatif à la fois en termes humains et matériels sont légions.

Et puis le professeur peut même jouer un rôle majeur en dehors des amphithéâtres, comme l'a montré l'Italie. Quand le pays fut, il y a quelques mois, au bord de la mise sous tutelle tant était proche la banqueroute après la gestion erratique de Silvio Berlusconi, c'est bien un universitaire que l'on a appelé à la rescousse. Car Mario Monti, que l'on a dédaigneusement taxé de « technocrate », est d'abord et avant tout un brillant professeur d'économie.

L'ancien doyen de la prestigieuse université de Bocconi (Milan) où il avait étudié avant d'aller se spécialiser à Yale (Etats-Unis), a certes été aussi un commissaire européen de la Concurrence, souvent contesté mais en tout cas respecté, et « International advisor » pour la banque Goldman Sachs, mais fondamentalement son style en tant que Premier ministre italien fut celui d'un professeur.

Au final, à quelques jours de sa probable démission, il aura fait en matière de réformes en un an ce que des décennies de gouvernements italiens n'auront pas réussi. Si les Italiens trouvent de plus en plus amère la potion du « professore » - l'activité devrait se contracter de 2,3% cette année et la dette atteindre 126% du PIB ! -, il n'est pas sûr pour autant que les promesses de « Panem et circenses » (du pain et des jeux de cirque) du magnat des médias Silvio Berlusconi fassent aujourd'hui recette. L'Italie de 2012 n'est plus celle de 1994.

Et sans aller de l'autre côté des Alpes, la dernière fois que la France a dégagé un excédent primaire, c'était en 1979 et 1980. L'artisan de cette politique, un certain Raymond Barre, était un brillant professeur universitaire connu uniquement de ses pairs jusqu'à ce que le président de la république d'alors Valéry Giscard d'Estaing, le nomma Premier ministre. Il est vrai que la vérité sur les chiffres n'a jamais rendu populaire, et le "microscosme politique" vilipendié par le professeur Barre aura eu raison de sa carrière politique. "Il Professore" subira-t-il le même opprobre en se présentant aux élections comme il en a l'intention?

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