La fin d'un monde

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Ce vendredi 21 décembre, c'est donc la fin du monde. Du moins si l'on en croit nombre de gourous « New Age » qui à partir de complexes calculs fondés sur le calendrier - ancien - des Mayas sont parvenus à cette funeste prédiction.

La cohorte des millénaristes en tous genres qui ont raté le nouveau millénaire et son apocalypse annoncée comme certaine y trouvent une bienheureuse séance de rattrapage. Sans compter les courants conspirationnistes qui pullulent sur internet et alimentent un irrationalisme qui ne nous aide malheureusement pas à mieux comprendre comment le monde fonctionne, notamment en temps de crise.

 En tous les cas, cette noire perspective n'a pas dissuadé les patrons de l'IntercontinentalExchange Inc.(ICE), une plate-forme de transactions électroniques de dérivés - autrement dit, une Bourse électronique - de lancer une nouvelle offre publique d'achat (OPA), après un premier échec en 2011, sur la Bourse américano-européenne Nyse Euronext. Leur proposition préapocalyptique : 8,8 milliards de dollars (en numéraire et en échange d'actions). Il faut bougrement avoir confiance dans l'avenir.

 Est-ce le retour des Opa, ces fusions-acquisitions qui illustrent le dynamisme d'une économie où les gros mangent les petits pour faire croître leurs parts de marché ? Pas si sûr, car même en l'absence d'apocalypse, la destinée de l'opération reste incertaine. Car si les directions des deux sociétés acceptent l'opération et que l'Opa est donc amicale, il reste à convaincre leurs actionnaires.

Cette opération illustre surtout le bouleversement radical qu'ont connu les activités boursières durant les trois dernières décennies : le remplacement de tout un métier - symbolisé par la corbeille - par des salles de marchés réduites à des opérateurs devant un écran. Un vieux monde est mort, un nouveau est né. Et l'on a assisté à une croissance vertigineuse et inédite des transactions de produits financiers de plus en plus sophistiqués. Internet a été le facteur de création de ce nouveau monde.

 Grâce au web, il est en effet désormais possible de passer un ordre par un simple clic qui l'exécute en quelques millièmes de secondes- le trading de haute fréquence en est un exemple - et de n'importe quel coin de la planète. La technologie a éliminé une partie des brokers, ces professionnels qui mettaient de l'huile dans les rouages à certains moments, et protégeaient leur métier plutôt que leurs clients à d'autres moments. On lira sur ce sujet le petit livre du grand sociologue Max Weber (1864-1920), intitulé sobrement « La Bourse », qui décrit ce monde si particulier du début du XXe siècle. Un monde qui aura peu évolué jusqu'aux années 1990, avant de disparaître.

Car les sociétés de Bourse sont des entreprises comme les autres. Elles affrontent une concurrence de plus en plus vive avec la montée en puissance d'autres places, asiatiques ou alternatives. Il s'agit pour elles d'être le plus compétitif possible pour convaincre les entreprises de venir se faire coter chez elles en leur offrant des conditions les plus attractives.

 Or dans cette compétition sans merci, l'ICE, créé il y a à peine 12 ans, fait figure de poisson redoutable. Cette plate-forme a fait fortune dans les dérivés de matières premières, grâce à l'explosion des prix des « commodities » alimentée par la demande des économies émergentes, Chine en tête. Face à elle, Nyse Euronext, qui agrège les vénérables marchés de New York, Paris, Lisbonne, Bruxelles et Amsterdam et de leurs activiés de dérivées londoniennes et hollandaises, semble ne pas avancer assez vite.

Qu'on en juge. Aujourd'hui, ICE compte quelque 1.000 employés, a réalisé un bénéfice net de 522 millions de dollars en 2011 pour un chiffre d'affaires de 1,3 milliard de dollars, soit une marge bénéficiaire de presque 40%. Ses revenus proviennent essentiellement des taxes prélevées sur les transactions et ses activités de compensation.

Une jeune société d'à peine plus de 10 ans qui s'apprête à absorber l'une des plus importantes Bourses du monde, c'est un monde qui change,. Et ce n'est pas fini. Sauf si...

 

 

 

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