Un jour Free sans taxi

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La grève des taxis en janvier 2008 à Paris pour protester contre le projet de réforme de la profession par le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Copyright Reuters

Si vous cherchiez un taxi ce jeudi à Paris, vous avez dû être agacé, car ils étaient en grève. Mais pas non plus étonné car en trouver un un samedi soir relève, contrairement à New York ou à Londres, du jeu de hasard. Peut-être pourrions-nous résoudre ce problème en s'aidant de James Buchanan.

Mais qui connaît James Buchanan en France ? A part les économistes et quelques universitaires, personne. On parle de lui depuis mercredi, car cet Américain est passé de vie à trépas à l'âge honorable de 93 ans. Une longue vie bien remplie de chercheur dont les travaux en économie lui valurent en 1986 le prix Nobel.

Buchanan a acquis la célébrité grâce à sa « théorie des choix publics ». Cette dernière consiste, en schématisant à l'extrême, à appréhender l'organisation politique comme un marché. Ainsi, les électeurs se comportent comme des individus qui cherchent des faveurs et des privilèges dont les politiciens sont les potentiels fournisseurs. En conséquence, les leaders politiques sont davantage enclins à flatter l'électorat pour être élus au détriment de considérations relevant de leurs convictions propres. En cela, ils sont rationnels.

De fait, on peut étendre une telle analyse à l'ensemble de la sphère publique, et améliorer la compréhension des raisons qui conduisent à adopter telle politique publique plutôt que telle autre.

La théorie de Buchanan a fait scandale car elle réduit à néant toute idéalisation du monde politique, qui ne serait finalement composé de personnes n'agissant que pour leur propre intérêt et non comme des individus désintéressés soucieux du bien commun ou d'un hypothétique intérêt général.

Ces considérations ne sont pas nouvelles, dira-t-on, on les trouve dans des ?uvres classiques, comme « Le Prince » de Machiavel, qui raconte sans fard l'art subtil de dominer et diriger un peuple. Mais l'originalité de Buchanan aura été d'avoir eu recours à la théorie économique - en particulier celles de l'individualisme méthodologique et de l'action rationnelle - pour analyser le champ du politique, qui se présente toujours comme voulant oeuvrer pour le bien de tous par un engagement désintéressé.

Pour en revenir à nos taxis, c'est d'ailleurs ce qui s'est passé puisque les pouvoirs publics ont reculé jeudi soir pour éviter un blocage des entrées de Paris ? Au diable le client! Mais pourquoi est-ce si compliqué? Les taxis parisiens ont la particularité d'être une profession fermée, autrement dit, il faut que quelqu'un sorte (par exemple pour partir à la retraite) pour qu'un autre rentre. Conséquence, le ticket d'entrée (la licence) étant rare, il a un prix élevé.

Evidemment, chaque fois qu'une réforme pointe à l'horizon pour avoir une offre de taxis qui réponde à la demande, la profession fait bloc et grève, refusant de brader ses avantages et le contrôle de son activité. Mais, à plus ou moins longue échéance, elle va perdre. Déjà, les taxis doivent composer avec une concurrence illégale mais tolérée. Des solutions existent pour éviter de léser ceux qui ont payé au prix fort la licence, mais la condition est d'ouvrir la profession à la concurrence pour augmenter l'offre.

Evidemment, les taxis pourront toujours méditer l'exemple de Free qui il y a un an faisait une entrée tonitruante dans le club très fermé des opérateurs de téléphonie/internet/TV en proposant des formules dont les prix défiaient toute concurrence. Free ne s'est pas fait que des amis et l'année passée ne fut pas un long fleuve tranquille. Pourtant, outre qu'il a permis de relancer un secteur qui avait tendance à ronronner, personne ne songerait aujourd'hui à contester la place légitime prise par Free sur ce marché. Car il aura contribué largement à élargir le choix des consommateurs. A quand des Taxis-Free ?

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Commentaires 4
à écrit le 12/01/2013 à 5:54
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Le nombre limité de taxi profite surtout au groupe G7, qui appartient à une grande famille de rentiers de France. Un bon journaliste ferait un travail remarquable d'investigation en enquetant sur cette famille.

à écrit le 11/01/2013 à 9:53
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Parce qu on a payé pour ça

à écrit le 10/01/2013 à 21:30
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POURQUOI DONC TIENNENT ILS AU MONOPOLE /// ILS DOIVENT PARTAGER

le 11/01/2013 à 9:55
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