L'itinéraire audacieux d'un « très grand banquier »

Comment Michel Pébereau est devenu le banquier le plus influent et le plus redouté de France.
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Michel Pébereau a poussé l'ironie, lui qui doit sa carrière de banquier à l'élection de François Mitterrand - qui l'a écarté de la direction du Trésor -, jusqu'à faire annoncer, dans le « Financial Times » de surcroît, son départ de la présidence de BNP Paribas le jour-même du trentième anniversaire du 10 mai 1981. Un clin d'oeil de la part de cet homme de droite, plutôt centriste, dont le mentor restera à jamais René Monory, dont il dirigea le cabinet dans le gouvernement Barre et avec qui il inventa les premières Sicav du même nom.

Trente ans plus tard, une autre image vient à l'esprit. Nous sommes en pleine crise financière, juste après la chute de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008. Un homme, assis de dos, fait face nuitamment, dans le bureau de la ministre à Bercy, aux principaux décideurs du pays : Christine Lagarde, François Pérol, alors secrétaire général adjoint de l'Élysée, et Xavier Musca, alors directeur du Trésor. Cet homme, photographié par « Paris Match », c'est Michel Pébereau, et tous le regardent d'une façon telle que l'on ne se demande pas qui est le véritable ministre des Finances...

Bien qu'on le lui ait proposé, Michel Pébereau n'a jamais cédé aux sirènes de la politique. Il a préféré consacrer sa carrière à un seul métier, la banque. Il la découvre au CCF - pardon, le Crédit Commercial de France comme il le disait alors ! - qu'il a présidé de 1982 à 1993 et mené à la privatisation en 1986. Un CCF qu'il saura écarter des errements de la spéculation immobilière dans laquelle sombreront ses concurrents, comme le Crédit Lyonnais, Indosuez ou Paribas et où il gagne ses galons de grand banquier.

Comptes redressés

Repéré par un homme de gauche, très proche de Mitterrand, René Thomas, le président de la Banque nationale de Paris, Pébereau prend sa suite en 1993, en pleine récession. Dès la première année, il redresse les comptes de la banque en serrant les frais généraux, interdisant de Concorde les stars de la banque d'affaires du groupe, raconte un ancien cadre. Il imprime un train d'enfer à « sa » banque, redevenue privée, la modernise et affirme ses grandes ambitions. 1995, c'est l'époque de la Très Grande Financière (TGF), tentative de fusionner BNP, UAP et Suez, qui échoue à cause de la résistance des deux « Gérard » (Worms et Mestrallet). Quatre ans plus tard, Michel Pébereau opère une manoeuvre de génie en lançant, en août 1999, une audacieuse double offre publique d'échange sur les titres de la Société Généralecute; Générale et de Paribas. Marc Viénot s'en sort, de peu, mais la banque de la rue d'Antin tombe dans l'escarcelle de la BNP. L'ère des fusions bancaires commence.

Coup de maître

L'homme au cigare qui prend pied à l'Orangerie au coeur de Paribas, révèle son tempérament de conquérant. À l'automne 2002, il tente un nouveau coup en devenant le premier actionnaire du Crédit Lyonnais, mais doit céder devant la détermination du Crédit Agricole... Il se tourne alors vers l'Europe et, après l'opération BNL en Italie, c'est avec la banque belge Fortis que Pébereau réussit son coup de maître : bâtir la première banque de la zone euro, avec l'espagnole Santander. À au moins deux reprises, notamment en 2008 avec l'affaire Kerviel, Pébereau manque de peu sa dernière cible, la Société Généralecute; Générale, qui reste indépendante, mais ne joue plus dans la même catégorie.

Devenue l'une des premières banques du monde, BNP Paribas est aussi l'une des plus profitables et des plus influentes. Dans les débats sur la réglementation bancaire post-crise, la parole de Michel Pébereau pèse lourd, notamment sur l'application des normes de fonds propres de Bâle III. Virulent critique des banques américaines et de leurs comportements spéculatifs, Michel Pébereau s'attache à préserver sa banque de ces dérives, en prônant un modèle de banque universel équilibré.

Tour à tour présenté en « Tonton flingueur », critiqué pour son appétit de pouvoir, craint pour sa puissance et ses réseaux d'influence, Michel Pébereau est adulé par ses troupes qui soulignent que, derrière la froideur apparente, il y a un homme simple, direct et prévenant, Moins séducteur qu'un Trichet, Pébereau est aussi un économiste impliqué dans la cité, professeur pendant trente ans à Sciences po, militant infatigable de la construction européenne. Son rapport sur la dette, remis juste avant l'élection de Nicolas Sarkozy, reste dans les mémoires, au moment où la France menace de sombrer sous le poids de ses déficits.

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