Le juste prix de la santé

Par Agnès Verdier-Molinié, vice-présidente de l'Ifrap (Institut français pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), et Philippe François, responsable des études santé à l'Ifrap.
L'assurance-maladie revient sur le devant de la scène médiatique avec la présentation, aujourd'hui, du projet de budget de la Sécurité sociale. Partant d'un déficit de 4,1 milliards d'euros, le plan de Frédéric Van Roekeghem, directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie, agrémenté de la nouvelle « contribution » qui ponctionne les mutuelles à hauteur de 1 milliard d'euros, promet, à nouveau, de ramener le système à l'équilibre en trois ans. Baisse des droits des malades en affection de longue durée (ALD), transfert de charges aux complémentaires santé et 700 millions d'euros de ressources nouvelles sont annoncés pour colmater le système.
 
Le discours général, qui semble faire consensus, est que l'allongement de la durée de vie et la complexité des nouveaux traitements rendraient l'augmentation des dépenses de santé inéluctable. Pourtant, l'impact de ces deux évolutions mérite d'être examiné, alors que cinq nouveaux outils sont disponibles pour faire baisser le coût de certaines dépenses médicales.
 
L'espérance de vie des personnes de 65 ans progresse d'environ un mois pas an. C'est rapide, mais il faudra plus d'un siècle pour repousser de 85 à 95 ans l'âge moyen de leur décès. Par bonheur, « les gains d'espérance de vie sans incapacité sont supérieurs aux gains d'espérance de vie avec incapacité (COR 2001) ». Et s'il est vrai que la moitié des dépenses de santé de chacun est consacrée aux 36 derniers mois de vie, leur coût varie peu, que ce soit à 85 ou 95 ans.
 
La complexité croissante des nouveaux traitements n'est pas non plus un argument tout à fait convaincant. Des médicaments ont divisé par cinq le nombre d'opérations de l'estomac. L'opération de la cataracte ne dure plus que vingt minutes. Sous célioscopie, le chirurgien a besoin de microcaméra et d'ordinateurs, mais ses patients récupèrent mieux. Rester trois jours à l'hôpital au lieu de dix, et guérir en deux semaines au lieu de deux mois permettent des économies considérables. Si dans vingt ans, 70% des interventions se font en « hôpital de jour », la baisse des coûts « d'hôtellerie » sera considérable.
 
Côté outils, on peut espérer que la santé finira par tirer pleinement parti des nouvelles technologies. Le Royaume-Uni a lancé un programme national d'informatisation des prises de rendez-vous et de gestion des ressources disponibles. A Paris, en 2008, trouver une place pour un malade reste un coûteux casse-tête. Malgré ses retards, le dossier médical personnel finira par voir le jour et permettra une optimisation médicale des dépenses. Au Canada ou en Australie, des consultations médicales simples par Internet sont courantes.
 
Bientôt, ce sera la télésurveillance des malades à domicile. Des services d'analyses d'images médicales existent en Inde... pour expertiser des scanners pris aux États-Unis. Les images numérisées seront transmises directement au médecin traitant, les médecins radiologues se concentrant sur l'analyse des cas les plus complexes. Après les automates qui réalisent les analyses biologiques, des robots anesthésiques sont en cours d'expérimentation et d'autres conditionnent les doses journalières de médicaments pour chaque malade d'un hôpital.
 
Avec la définition précise des protocoles de soins, l'activité de nombreux professionnels de santé est devenue une industrie de pointe. La politique du « zéro défaut », qui a bouleversé l'industrie dans les années 80, se propage au système de santé. Quand il s'agit d'interventions fréquentes (800.000 naissances, 400.000 cataractes, 150.000 appendicectomies, 120.000 artères coronaires...), les normes issues des meilleures pratiques sont appliquées par des acteurs spécialisés. Dans tout le système de santé, l'industrialisation des phases techniques permettra de restaurer la personnalisation du contact avec les malades dans les phases de diagnostic et de suivi. En 2008, seul 1 milliard de personnes est soigné conformément à nos normes. Dans vingt ans, on peut espérer que 5 milliards le seront. Pour les produits médicaux, où la recherche constitue une part importante du coût, la multiplication par cinq de la taille du marché entraînera une forte baisse des prix.
 
En plus de ces facteurs positifs et certains, des progrès importants sont en cours dans les modes de vie (tabac, alcool, alimentation, pollution) et il n'est pas exclu que des traitements efficaces soient découverts pour des pathologies fréquentes?: certains cancers, diabète, Alzheimer...
 
En revanche, ce sont les coûts des personnels qui continueront à augmenter rapidement. L'organisation du travail, l'externalisation des tâches périphériques, les méthodes éprouvées de management doivent procurer des économies considérables. Mais les métiers mêmes des professions médicales devront être repensés. Le mode et le niveau de rémunération des médecins les ont conduits à prendre en charge des travaux administratifs ou médicaux qui ne correspondent pas à leurs qualifications. Un penchant particulier pour les « statuts » a gelé la définition des actes que les différentes professions médicales sont autorisées à réaliser. Des délégations de tâches à des personnels administratifs, techniques et médicaux enrichiront les professions existantes et permettront aux médecins de se concentrer sur leurs véritables responsabilités, tout en permettant de réduire les coûts.
 
Difficile de dire quel sera le résultat de la compétition entre « plus de besoins » et « plus d'efficacité ». Mais accepter aveuglément toute augmentation des dépenses médicales (annoncée jusqu'à 20% ou 30% du PIB) comme chercher toujours en urgence des coupes dans les dépenses revient strictement au même?: la résignation collective face au manque de productivité de nos hôpitaux, au désarroi de notre médecine libérale et à l'incohérence de notre système d'assurance-maladie. La seule solution, au-delà de la réforme de l'hôpital qui se profile et semble aller dans la bonne direction, sera d'introduire toujours plus de concurrence entre les caisses d'assurance et ce, au premier euro. Un peu de courage et on y est presque. 

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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COMPLEMENTAIRES SANTE 2008/9/12 Tatard François ( [email protected]) Lorsqu'on fait le bilan sur plusieurs années, pour comparer le montant cotisé avec les avantages acquis on s'aperçoit qu'on sera toujours perdant, car la fidélité ne trou...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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je pose quelques questions:qui,ne paient pas ses cotisations a la secu?.qui se sert de la secu?qui rends les gens malades?quel est le niveau social le plus touche par la maladie et les accidents du travail?je pense que si on voulait reellement amelio...

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