La Chine sortira grand vainqueur de la crise mondiale

Par Federico Rampini, correspondant à Pékin du quotidien italien La Repubblica.


L?une des conséquences à long terme de la crise actuelle sera de favoriser la montée en puissance de la Chine. L?origine de cette crise étant financière, ce sont les pays où le capitalisme financier était le plus développé qui ont surtout pâti de l?effondrement des cours de Bourse et des pertes bancaires. Or, la Chine étant essentiellement une économie de production industrielle, le poids de la finance y reste marginal. N?étant pas autosuffisante pour son approvisionnement en pétrole, gaz naturel et autres matières premières, la République populaire peut bénéficier de la déflation mondiale.

Si, au premier semestre, la hausse des prix des ressources naturelles et des denrées agricoles était une préoccupation majeure pour les producteurs chinois, ce n?est plus le cas aujourd?hui. Avec la déflation, la réduction de l?endettement des banques, des entreprises et des ménages est une priorité. Pour les pays surendettés comme les Etats-Unis, l?ajustement est douloureux. Les plans de sauvetage des banques vont augmenter les déficits publics.

La Chine, elle, est moins fragilisée grâce à un taux d?épargne exceptionnellement élevé?: 40% de son PIB. Les excédents de son commerce extérieur lui ont permis d?accumuler près de 2.000 milliards de dollars de réserves monétaires officielles. Aucun autre pays au monde ne peut compter sur un arsenal pareil. Toutefois, les dirigeants chinois sont visiblement inquiets quant aux effets immédiats de la récession. La baisse de la consommation aux Etats-Unis, en Europe et au Japon pénalise les exportations "made in China". Des dizaines de milliers d?entreprises textiles du Guangdong ont déjà fait faillite.

La croissance reste soutenue mais elle ralentit?: après avoir atteint 11,9% d?augmentation du PIB en 2007, elle est descendue à 9% au dernier trimestre (sur base annuelle). Les dirigeants considèrent qu?une croissance de l?ordre de 7% par an serait l?équivalent d?une récession dans les pays plus développés, en termes de hausse du chômage. Le régime autoritaire de Pékin a construit une forme de consensus social fondé sur l?enrichissement rapide d?une vaste classe moyenne. Si la croissance ralentit brusquement, l?ordre et la stabilité sont menacés. Cette crainte du pouvoir se traduit par la dimension du plan de relance de la croissance annoncé récemment?: 586 milliards de dollars de nouvelles dépenses publiques, soit un effort de l?ordre de 16% du PIB sur deux ans.

Ni les Etats-Unis, ni l?Union européenne n?ont déployé pour l?instant une mobilisation comparable pour combattre la récession. Bien décidée à résister à la contagion de la crise internationale, la Chine ne semble pas en revanche pressée d?assumer de nouvelles responsabilités dans la gouvernance mondiale. Au sommet du G20 ce week-end à Washington, le président Hu Jintao s?est gardé de dresser un procès idéologique contre les excès de Wall Street. Il n?a pas non plus essayé d?organiser un "front commun" des pays émergents contre les Etats-Unis et l?Europe. Pourtant, il s?était vu offrir une occasion inespérée de soustraire à l?Amérique un allié stratégique?: le Pakistan.

Le gouvernement pakistanais, face à sa banqueroute, a demandé une aide bilatérale à la République populaire. Bien qu?ayant les moyens financiers d?organiser un sauvetage bilatéral, Pékin y a renoncé. Cette prudence est révélatrice. Les dirigeants chinois savent qu?ils ont peu d?expertise en finance internationale. Ils regrettent l?empressement avec lequel leur fonds souverain a secouru certaines banques occidentales en acquérant des participations actionnaires dont la valeur s?est effondrée par la suite. Pour autant, la Chine est bien décidée à accroître son poids dans la gouvernance de l?économie mondiale.

Si l?on redéfinit l?architecture des marchés financiers et du commerce, il faudra tenir compte de sa voix de plus en plus influente. Mais les dirigeants chinois veulent mesurer avec attention le rapport "coûts/bénéfices" qu?on leur propose. Ils soupçonnent l?Occident de s?intéresser surtout à leurs ressources financières, et ne veulent pas surpayer le ticket d?entrée dans un nouveau club des supergrands. On sent bien une volonté néo-impériale à Pékin, mais elle s?inscrit dans la durée, sachant que le temps joue en faveur de la Chine. Appliquant la leçon de modestie de Confucius, le pouvoir communiste a appris depuis l?époque de Deng Xiaoping à ne pas afficher ses ambitions.
 

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Premier article intelligent sur la crise depuis le début de celle-ci. Cela ressemble au régime nazi qui a attendu que Berlin tombe pour reconnaitre qu'il " ne gagnait plus" ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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svp, zip, stop au Péril jaune!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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oui, article tres clairvoyant. Zip par contre essayez de prendre de la hauteur

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