Sarkozy est-il devenu partageux ?

Par Valérie Segond-Brunschwig, éditorialiste à La Tribune.

En affirmant vouloir aborder la question du partage des profits selon "la règle des trois tiers", Nicolas Sarkozy, sous des airs de bon sens près de chez vous, a dégoupillé une grenade. Certes, au moment où l?hebdomadaire américain Newsweek affirme en couverture "Nous sommes tous socialistes !", on ne doute pas de l?impact sondagier du désormais célèbre "Sur 100 de bénéfices, il devrait y en avoir 33 aux salariés, 33 aux actionnaires, et 33 qui doivent être réinvestis dans l?entreprise." Seulement, le slogan présidentiel ne tarde pas à susciter un certain malaise.

D?abord, en lançant "la règle des trois tiers" comme base de négociation entre le gouvernement et les syndicats - sans que les entreprises aient leur mot à dire -, Nicolas Sarkozy accrédite insidieusement l?idée de Karl Marx selon laquelle le profit est le "travail impayé de l?ouvrier". Donc nécessairement scandaleux. Or, les profits étant la richesse résiduelle créée par l?entreprise quand elle a tout dépensé pour produire et se développer, c?est en toute logique qu?ils lui reviennent, ainsi qu?à ses actionnaires qui ont pris des risques.

En France, le pays où ont été créés l?intéressement et la participation des salariés aux bénéfices, il en va ainsi : l?économiste Jean-Christophe Caffet, chez Natixis, vient de calculer que, sur 200 milliards d?euros de profits dégagés par les entreprises non financières en France en 2008, environ 50% restent dans l?entreprise pour financer ses investissements présents et futurs, 40% reviennent aux actionnaires sous la forme de dividendes nets, et 10 % vont aux salariés à travers la participation et l?intéressement. Si le président de la république entend vraiment récompenser le travail, comme il le répète, il devrait poser non pas la question du partage du profit, qui est une fausse piste. Mais plutôt celle du partage de la valeur ajoutée de l?entreprise, répartie entre rémunération du travail et rémunération du capital.

Or, cette question-là pourrait être soulevée, et de façon tout à fait légitime : avec la rigueur salariale imposée en 1983, la rémunération du travail est passée de 69% à 61% de la valeur ajoutée des entreprises non financières entre 1982 et 1989. Et depuis vingt ans, elle n?est jamais repassée au-dessus de 60%. Mais voilà : le président ne veut en aucun cas aborder la question des salaires, devenue taboue entre toutes depuis que la concurrence des pays émergents ferme les usines en France.

En bon politique, il sait que, pour ne pas parler d?un sujet qui fâche, mieux vaut poser un faux problème, pour finir par proposer une fausse solution : le développement ou le déblocage anticipé de la participation, comme le fit il y a quatre ans Jean-Pierre Raffarin. A cette époque la mesure, bien sûr, fit "pschitt" ! Mais elle lui permit de passer à autre chose. Ce qui a pu passer pour une folle audace pourrait n?être qu?une grande habileté.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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ne pas partager les profits,c'est simple,salarie d'un grand groupe telecoms ,comment a t'on fait pour verse des dividendes aux actionnairees et ne rien verse au titre de la participation aux salaries francais ( la filliale est basee en france, mais l...

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