Pour une conditionnalité de la rémunération des patrons

Par Maximilien Rouer, président de BeCitizen, auteur de "La Révolution de l'économie positive", éd. J.C. Lattès.

Le président américain Barack Obama plafonne la rémunération des dirigeants d'entreprises ayant reçu une aide de l'Etat et relance le débat en France. Pourquoi ceux qui ont cautionné les crédits "subprimes" ou les schémas "à la Ponzi" recevraient-ils des ponts d'or??

Si le plafonnement pur et simple est une réponse de crise, il ne peut être une solution pérenne. Un dirigeant prend des risques et attend une rémunération associée à ce risque. Limiter la rémunération revient à limiter sa motivation, et donc la création de valeur pour la société.

Surtout, alors que la crise financière, bien visible, fait s'insurger l'opinion publique et stigmatise le comportement des banquiers, il existe une crise bien plus globale et irréversible, dont les effets seront mesurés trop tard pour maintenir l'équilibre mondial?: la crise sociétale liée au comportement des entreprises qui détruisent l'environnement. En 2009, un bébé naît avec plus de 200 substances de synthèse dans les veines, les émissions de CO2 dépassent les 392 ppm (parties par million), les toxiques s'accumulent dans les océans. Une prise de conscience émergente rend invendables de plus en plus de produits, imposant un changement rapide aux entreprises afin d'intégrer l'environnement dans leur stratégie.

Un exemple. En 2009, PSA et Renault, à l'instar des Chrysler ou GM, perdent pied. Leur offre ne répond plus aux attentes. Dans le même temps, l'indien Tata sort la Nano, à 1.600 euros et 90 g de CO2/km, le chinois BYD lance le premier hybride rechargeable, qui émettrait 15 g de CO2/km en France. Les premières autos à faible consommation et faible prix sont issues de pays émergents, prenant de vitesse les inventeurs de l'automobile. Combien de leçons comme celle-ci va-t-il falloir??

Pour adapter les entreprises aux nouveaux enjeux, plutôt que de brider dans l'absolu la rémunération des patrons, pourquoi ne pas lier celle-ci à la prise en compte d'attentes sociétales majeures, comme le changement climatique, l'énergie, les ressources naturelles, la pollution et la biodiversité?? Cette conditionnalité permettrait de distinguer les patrons qui, par leur vision stratégique, contribueront encore à la croissance et l'emploi demain, c'est-à-dire quand le prix du baril aura à nouveau dépassé les 150 dollars, que la tonne de CO2 flirtera avec les 50 euros, la tonne de nickel avec les 50.000 dollars, etc. Ces conditions sur la rémunération des patrons auraient pour avantage de les motiver à mettre en perspective les demandes des actionnaires, encore trop peu éduqués sur ces enjeux.

En conséquence de cette conditionnalité, la composition des comités de rémunération serait revue, en les ouvrant à des parties prenantes représentatives des enjeux sociétaux. Des indicateurs de performance sur les principaux bilans environnementaux de l'entreprise permettraient l'évaluation du patron, et détermineraient sa rémunération.

Le temps où les entreprises détruisaient l'environnement et le climat est révolu. Aujourd'hui, si le laisser-faire l'emporte, il n'y aura aucun gagnant. Il faut en quelques années reparamétrer l'économie et la faire évoluer vers une économie positive, qui restaure l'environnement et le climat. Etant donné le rythme exponentiel des changements climatiques et de la destruction de la biodiversité, la civilisation n'a pas le temps de s'offrir le luxe d'une crise globale et massive, bien plus forte que celle que nous connaissons actuellement.

Malheureusement, les rapports tendanciels provoquent la léthargie et rendent la lecture de cette crise difficile. Les rapports du Giec (Groupement intergouvernemental d'étude sur le climat), de l'IEA (Agence internationale de l'énergie), du Conseil mondial de l'énergie ou d'autres ont un point commun?: aucun ne prend en compte de rupture, comme par exemple une récession économique de vingt ans, ou la libération des milliards de tonnes de gaz à effet de serre encore piégés dans le permafrost (ce qui aurait pour conséquence un emballement du réchauffement climatique, non modélisé).

La crise actuelle est une formidable opportunité de repenser le sens de la croissance, et ses fonctions essentielles. Le modèle est à réinventer. Pour cela, lions la rémunération des patrons à leur performance à la fois économique, comme l'évoquait Nicolas Sarkozy, mais aussi, et parce que cela sera de plus en plus lié, à leur performance environnementale et sociétale, sur des critères validés par un comité de rémunération multiparties prenantes. Dans ce cas, la mutation sera quasi instantanée. Pour le plus grand intérêt de tous.

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Commentaires 5
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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C'est bien joli de réduire la consommation et la pollution de la voiture, mais le mieux est de s'en passer : train, vélo, télétravail. Voila la solution.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il faut prendre en compte que la Terre est un ensemble fini et qu'il n'existe pas dans la nature de croissance exponentielle hormis la population humaine et les activités humaines. Ne pas s'adapter à l'ensemble fini en maintenant la population à un n...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Rémunérer par des primes de risque les patrons des grandes entreprises ? Quels risques ? Ceux des ouvriers et employés ? Lorsqu'ils quittent leurs fonctions (souvent avec des primes et après des primes de bienvenues) ils sont tout de suite recasés ai...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Un PDG ne supporte pas plus de risque qu'un quelconque salarié, il en supporterait même moins grâce aux Stocks option : ça monte, c'est Jackpot, ça baisse, je ne perds rien et je mets en place un nouveau plan pour profiter du rebond. Est-ce cela le r...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les grands patrons : « Cosi fan tutti » ? Le célèbre opéra de Mozart montre les hommes comme des menteurs innés et des êtres inconstants : « tous les mêmes ! ». On se demande si ce qualificatif ne peut s?appliquer aujourd?hui à nos grands patrons : ...

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