La restauration doit faire sa révolution culturelle

Par Georges Panayotis, président fondateur de MKG Group.

Après une si longue attente, l'application de la TVA réduite dans la restauration traditionnelle prend un rythme effréné. Dès le feu vert de Bruxelles obtenu, la réunion des Etats généraux de la restauration a permis aux organisations syndicales patronales de s'engager sur les contreparties de l'effort fiscal accordé par l'Etat. La revendication des professionnels pour la baisse de la TVA est un vieux dossier, sujet à de nombreuses déceptions. Il aurait pu traîner encore longtemps sans le contexte de crise actuelle et se prête à une double interprétation.

Pour les restaurateurs, elle apparaît surtout comme une mesure de justice fiscale et un ballon d'oxygène indispensable pour redonner un peu de souffle à des marges qui se sont régulièrement dégradées. Pour le gouvernement, qui a accepté de perdre 2 milliards d'euros de recettes fiscales, c'est une occasion de redistribuer du pouvoir d'achat au consommateur et de prendre des mesures en faveur de l'emploi des jeunes. Alors, malgré leur souhait de reconstituer en priorité une trésorerie mal en point, les professionnels ne peuvent pas ignorer cette volonté politique.

Il serait civilement irresponsable de ne pas traduire la baisse de TVA dans la note que va payer le consommateur. Signataires du Contrat d'avenir qui lie l'Etat à la profession, les organisations patronales s'en veulent les meilleurs ambassadeurs sur le terrain, malgré les réticences exprimées par des professionnels qui ont du supporter la hausse du coût des matières premières et des charges sociales et qui perdront le bénéfice des primes à l'emploi. Mais il faut bien reconnaître que la restauration traditionnelle est encore très mal outillée pour faire la démonstration de la dégradation de ses comptes d'exploitation.

La mission du groupe de travail sur le chiffrage du coût de la baisse de TVA et des engagements de la profession n'a pas été facilitée par le manque de données fiables sur l'activité des restaurants. Et pourtant, ce ne sont pas les modèles qui manquent. Cela fait des années que l'hôtellerie française s'est préoccupée de suivre précisément son activité en jouant la carte de la transparence. Ces chefs d'entreprise disposent d'outils stratégiques qui leur permettent de déterminer leur marge de man?uvre, d'un indicateur fiable du niveau d'activité de l'hôtellerie par niveau de catégories et par territoires. C'est encore ce qui manque cruellement à la restauration française qui en est réduite à se satisfaire d'estimations et de sondages d'opinion sur le moral des entrepreneurs.

Pourtant l'observation statistique peut s'appliquer sans obstacle technique à l'activité d'un établissement de restauration. Quand un hôtel déclare son taux d'occupation et le prix moyen des chambres vendues pour déterminer un indicateur de référence, le RevPAR (1), le parallèle s'établit naturellement avec le taux d'occupation d'une salle de restaurant en nombre de couverts servis par rapport à la capacité disponible et le ticket moyen facturé au client. Un indicateur de revenu par couvert disponible mesurerait efficacement le niveau d'activité d'un établissement. Mais l'engagement dans cette voie nouvelle implique une véritable révolution culturelle.

Il faut pouvoir vaincre des préjugés ancestraux pour entrer dans une vision moderne des métiers. En privilégiant la transparence par rapport à la méfiance, la profession y gagnerait en crédibilité pour défendre ses positions. Dans les prochains mois, les projecteurs vont être braqués sur ses pratiques.

L'administration a été claire, elle met la profession sous surveillance, prête à brandir une hausse du taux de TVA si les engagements ne sont pas visiblement tenus. Au lieu de devoir argumenter face aux observations de la Direction de la concurrence, elle aurait intérêt à afficher son propre baromètre.


(1) RevPAR, revenu par chambre disponible est l'indicateur d'activité de l'industrie hôtelière, combinaison du taux d'occupation et du prix moyen de la chambre. Ce prix moyen est obtenu en pondérant tous les tarifs accordés aux différents segments de clients sur la période (individuels, groupes, tarifs affaires négociés, ...)

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