Les défis d'une croissance démographique dynamique

Par Jean Matouk, professeur des universités.

Alors que doit être résolue la question cruciale des retraites et qu'il est question d'une grande consultation économique nationale, il est utile de "revisiter" ce fondement profond de l'économie qu'est la démographie. Sur vingt-cinq ans (1982-2007), le taux de croissance naturel de notre population a été de l'ordre de 4 pour 1.000, plus du double du britannique, alors que l'Allemagne connaissait un recul de 1,2 pour 1.000. Notre taux brut de natalité a été supérieur de 40% à l'allemand et de 3% du britannique, tandis que notre taux de mortalité était inférieur de 30% à l'allemand (50% sur les dix dernières années) et de 12% au britannique. Notre taux d'immigration a été fortement inférieur aux deux autres. Mais notre population globale s'est quand même accrue deux fois plus vite.

Est-il bon d'avoir une démographie dynamique?? Oui, disent Alfred Sauvy et les natalistes modernes?: la jeunesse "exprime" un dynamisme de la demande et peuple les usines ou bureaux qui produisent l'offre correspondante. Malheureusement, en cas d'ouverture des frontières, usines et bureaux sont ailleurs et peuplés par d'autres. La jeunesse n'est alors utile que si elle devient une capacité de création de produits ou services exportables. Elle doit donc être de mieux en mieux formée pour cela. Seuls les actifs peuvent financer cette formation, en même temps que les retraites.

Et c'est là que le bât blesse. Les Français de 15 à 65 ans, en âge de travailler, sont aussi nombreux en proportion que les autres. Mais la population active tombe à 40,8% de la population totale, ou encore à 69% de la population des 15-65 ans, soit 5% à 8% de moins que nos deux voisins. C'est là notre handicap?! Détaillons?! Dans les 15-19 ans, notre taux d'activité est de moitié inférieur à celui des Allemands et le tiers de celui des Britanniques. Nos jeunes de 20-24 ans sont de 10% à 15% moins actifs. A l'autre extrémité de la vie active, notre taux d'activité de la tranche 54-65 ans est de 40% inférieur. Si bien que les 25-54 ans français, aussi actifs que leurs voisins, supportent une "charge démographique" bien plus élevée.

Elle se traduit sous trois formes?: l'assistance aux exclus de tous âges, la formation des mineurs, toutes deux financées par l'impôt, et les retraites, financées majoritairement par les cotisations à des régimes de répartition. S'y ajoutera demain la dépendance. Disons clairement que si l'éducation est à peu près satisfaisante pour 80% ou 90% des enfants, elle laisse de côté les autres, notamment ceux d'origine étrangère qui peuplent les "cités" difficiles. Seule solution?: augmenter la pression fiscale sur nos actifs pour préparer ces jeunes équitablement à l'emploi. Ce qu'on espère économiser sur l'éducation, même si nous y dépensons autant que nos voisins, sera dépensé, par ailleurs, en mesures de police, justice et assistance.

S'agissant des retraites, il est évident que l'activité professionnelle doit impérativement être prolongée jusqu'à 43 ou 44 annuités de cotisations afin d'alléger la charge pesant sur les actifs. Les récentes faillites et la chute de la Bourse ont ruiné pour longtemps l'image de la retraite par capitalisation et passer à la retraite par points est une "usine à gaz".

Mais pour dégager de la ressource fiscale, il faut des emplois. Notre croissance démographique plus élevée s'est traduite ces dernières années par une croissance annuelle de la population active deux fois plus rapide que celles d'Allemagne et de Grande-Bretagne. Face à cette population active, nos emplois ont augmenté aussi sensiblement plus vite que les leurs, mais insuffisamment pour résorber le chômage, notamment celui des jeunes.

Le dynamisme nécessaire de l'emploi ne peut être porté que par le secteur marchand, car nous avons déjà un taux d'emploi public élevé, ce qui nous sauve aujourd'hui, mais nous "plombe" en régime normal. Malheureusement, le secteur marchand ne génère pas assez d'emplois parce qu'il n'est pas compétitif. Nos entreprises ne prennent pas assez le risque de recherche, notre épargne ne s'investit pas dans la phase d'industrialisation des inventions. Les jeunes chercheurs, comme les autres actifs, ne trouvent donc pas assez d'emplois.

Alors, à quoi sert notre dynamisme démographique?? Il n'est plus un atout, mais une charge improductive. Un esprit chagrin suggérerait de baisser, pour un temps au moins, les allocations familiales, soit pour réduire le déficit de la Sécurité sociale, soit pour financer la dépendance, laissant décliner notre population. Une petite cure de sous-natalité serait-elle la solution?? Ou allons-nous, enfin, être capables de valoriser économiquement notre démographie en entrant vraiment en lice dans la mondialisation??

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