Le blues des "ni-ni"

Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Les classes moyennes n'ont plus les moyens. Elles nourrissent un sentiment confus de dégringolade sociale, si l'on en croit un rapport remis hier au gouvernement par le Conseil d'analyse stratégique. Nous vivons moins bien que nos parents et pour nos enfants, ce sera pire, telle est la complainte de ces "ni-ni", qui ne sont ni pauvres ni riches. Il y a là une nostalgie collective en partie irrationnelle.

Le niveau d'éducation français, même s'il ne progresse plus, reste très élevé. Nos indicateurs de santé figurent parmi les meilleurs au monde, le confort matériel a continué de progresser, l'espérance de vie aussi. Et ce déclassement social résulte aussi de choix qu'il nous faut assumer. Choix collectifs, comme l'augmentation du temps libre plutôt que celle des revenus, ou l'extension de la protection sociale, considérable depuis trente ans. Une bonne partie de la richesse produite en France semble avoir filé entre les lames du parquet alors que nous en profitons sous une forme non salariale, mais néanmoins coûteuse.

Choix individuels, ensuite. La croissance du nombre des divorces a ainsi été un facteur de déclassement important - un couple séparé entretient deux logements, de grande taille s'il a des enfants, ce qui est souvent le cas.

Cela n'explique pourtant pas tout. Dans la plupart des pays développés, les revenus salariaux stagnent depuis quinze ans, sauf ceux des catégories sociales les plus aisées - avec, en France, ceux des plus pauvres, qui bénéficient à plein de la protection sociale. Très probablement, cette stagnation des revenus s'explique par la mondialisation et l'envolée des échanges internationaux. Le libre-échange réduit les inégalités entre les pays, par exemple entre la Chine et les Etats-Unis, mais il accroît les disparités au sein de chacune des nations, à l'intérieur même de la Chine et des Etats-Unis, car ses bénéfices ne sont pas uniformes.

Cette double évolution est l'une des causes de la crise financière qui nous taraude aujourd'hui : faute de voir leurs revenus augmenter, les consommateurs du monde développé se sont endettés, particulièrement en Amérique : outre-Atlantique, le malaise des classes moyennes se prononce "subprimes". Une raison de plus pour y être attentif en France.

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Commentaires 4
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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quel modèle de société pour demain ? 1) la France accepte -t- elle la mondialisation comme une fatalité que vont supporter les seuls employés et ouvriers des industries et services concernés , avec le jeu des amortisseurs sociaux certes , ou bien...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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1. Le rapport du CAS renvoie implicitement à l'étude de Camille Peugny sur le déclassement: le changement ascendant de statut social en cours de carrière entre 1980 et 1985 était estimé à 9,7 % et la "mobilité descendante" à 3,2 %, les taux comparés ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La classe moyenne, colonne vertébrale du pays est devenue la vache à lait, et aucun parti pour la défendre, la gauche s'occupe des bas salaires, la droite des hauts revenus, alors l'économie s'effondre.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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et ça va forcément s'aggraver , selon nos critères actuels. le sacro-saint "pouvoir d'achat" qui est la base de calcul de notre niveau social correspond en fait au droit de chacun de consommer sa "part" de ressources de la planète. Si on considère q...

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