Rétablissons le "secret dépense" pour l'Élysée !

Par Luc Volatier qui est enseignant à l'IMD de Lausanne (école de management), ancien vice-président achats de Numico (Amsterdam), ancien directeur achats Asie de Danone (Singapour) et Jacques Marceau qui est président d'Aromates relations publiques, enseignant à l'IEP d'Aix-en-Provence.

Le rapport publié mi-juillet par la Cour des comptes sur les dépenses de l'Élysée est d'ores et déjà un des best-sellers de l'été. Nous y trouvons tous les ingrédients habituels des lectures estivales à succès : l'argent, le pouvoir, le goût du secret et, bien sûr, les people.

Les contribuables de tout bord y savourent la volonté de transparence du président. Accepter de soumettre ses dépenses, pour la première fois dans l'histoire de la République, à un tel contrôle est un exercice qui mérite d'être salué.

Comme l'a judicieusement rappelé la Cour des comptes, pas très à l'aise dans ce nouvel exercice, "il ne s'agit pas d'évaluer l'opportunité des dépenses, mais la qualité de la gestion de l'argent public". Dans un contexte où les ménages tout autant que les entreprises scrutent minutieusement leurs dépenses et le moyen de les réduire, le timing de la publication d'un tel diagnostic ne pouvait être meilleur.

Certes, le budget annuel de l'Élysée ne constitue pas un enjeu financier majeur puisqu'il représente moins de 2 euros par an pour chaque Français, mais il est évidemment hautement symbolique.

Dans ses préconisations pour améliorer la gestion des fonds publics et réduire les coûts, la Cour des comptes recommande "la mise en concurrence systématique avec la consultation d'au moins trois fournisseurs ou prestataires" précisant que "même si le fournisseur historique était finalement retenu, ce serait probablement au meilleur prix". On a ici l'impression de lire le manuel du parfait acheteur.

Le rapport épingle l'existence de pratiques qui font qu'en 2008 des paiements étaient faits « au simple vu des factures » et donc de l'existence "de nombreux bons de commande de régularisation". Là aussi le parallèle avec le monde de l'entreprise est flagrant. Quelle direction financière ne tente pas encore aujourd'hui d'éradiquer ces pratiques d'un autre âge ?

La mise en place et le respect de procédures visent à une amélioration de la performance qui va bien évidemment au-delà de la simple recherche d'un prix bas. Dans une période où la frugalité et le lean management sont devenus des préoccupations majeures des entreprises, il est donc rassurant de voir combien l'approche de l'État s'aligne sur celle du privé.

Cependant, il convient de souligner qu'un État n'est pas une entreprise et que l'exercice de la transparence n'est pas sans risque.

Alors qu'il est aujourd'hui de bon ton d'être présent sur Facebook ou autres réseaux sociaux, la nuance entre transparence et déballage se doit ici d'être soulignée. En effet, la présidence de la République n'est pas obligée de se déshabiller, ou de se faire déshabiller devant tous les Français, même par la très honorable Cour des comptes, tout comme le palais présidentiel n'a pas vocation à être transformé en plateau de tournage d'une série de télé-réalité.

Qui peut juger du bien-fondé d'une dépense de plusieurs centaines de milliers d'euros en fleurs, en fromages, en viandes, ou en transferts en hélicoptère ? Mme Michu et M. Tout-le-Monde ont-ils vraiment besoin de connaître le montant de la note de pressing du président ? Cet inventaire va-t-il apporter un quelconque bénéfice à nos institutions, à notre pays, aux Français ?

De toute évidence, non !

Il existe, faut-il le rappeler, des élus et des institutions dont la mission, dans une démocratie mature et organisée, est de représenter les citoyens, de les protéger et de défendre leurs intérêts. C'est précisément ce que fait très bien, en l'espèce, la Cour des comptes.

Court-circuiter ces représentants de la nation présente le risque de jeter à la vindicte populaire nos plus prestigieuses institutions, et la présidence de la République en fait partie, ainsi que les symboles de notre nation. La réduction des déficits publics et la modernisation de notre État passent par la mise en ?uvre d'un véritable management et d'une réelle maîtrise de la dépense publique. C'est un fait. Cependant, il ne faudrait pas oublier que l'efficacité des actes s'accommode en général très mal de la médiatisation qui en est faite.

C'est pourquoi, il est urgent de ne pas céder à la tentation populiste et de rétablir le « secret dépense » pour la présidence de la République !
 

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Commentaires 9
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Extra ! Un peu de pudeur quand même.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Notre démocratie s'est toujours caractérisée par: abus de confiance car aucun gouvernement n'a appliqué son projet; abus de pouvoir car tous les gouvernements ont pris des décisions sans l'aval du Parlement; abus des Biens Nationaux, car nos élus et ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Fin de la monarchie? Des représentants qui votent des textes que le peuple a refusé par un vote. Faire passer des millions de français pour des délinquants pour le profit de quelques-uns. Des politiques de pères en fils (ou fille), le retour des rég...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Tant pis pour Mme Michu, mais l'exemple venant d'en haut, si la moindre mairie, ou conseil général voulait s'en donner la peine, la gestion des deniers publics, gagnés d'un trait de plume (crise ou pas crise), serait bien instructive, et les privilèg...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Excellent article. Les français ont pour beaucoup un tempérament de voyeurs parfaitement malsain et néfaste pour la démocratie. De plus, à plus de 90 % leurs compétences en économie et particulièrement en macro-économie sont singulièrement réduite e...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bravo. Continuez à écrire.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je suis d'accord que le palais présidentiel ne doit pas devenir une scène de télé-réalité mais tout de même... cela permet de voir si le chef d'état donne l'exemple. Je suis désolé mais cela me semble normal. Est-ce vous qui êtes en droit de juger...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Mais quel article de mauvaise foi ! Ridicule ... Comme vous le dites vous-même le but de la cours des comptes n'est pas d'évlauer la pertinence des dépenses !!! mais du respect de procédures, de règles et ... au risque de vous gêner ... du bon sens !...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Excellent article en effet!! Seulement comme à l'habitude nous aurons des anti et des pro "nouvelle présidence" pour débattre... De mon coté je trouve scandaleux le gâchis de nos élus et j'estime qu'ils doivent prendre exemple sur le modèle suédois.....

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