Un nouvel élan avant le G20

Par Jean-Marie Bockel, président du mouvement Gauche moderne, membre de la majorité présidentielle. Ancien maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel est aussi secrétaire d'Etat à la justice.

Le 23 janvier 2010, la Gauche moderne affirmait dans une lettre ouverte à ses partenaires de la majorité, la nécessité de donner un nouvel élan à la majorité, pour réponde aux besoins de protection des couches populaires et des classes actives de la nation.

Depuis, la crise des dettes publiques européennes, commencée en février 2009, a connu une apogée inouïe, qui a conduit à l'adoption du plan de secours mis en place le 10 mai dernier.

Cette crise des dettes publiques s'inscrit en fait dans le prolongement d'une crise historique de l'endettement privé, qui a eu son épicentre aux Etats-Unis en 2008. Il en a résulté, non seulement une crise immobilière d'une prodigieuse ampleur inouïe, mais aussi une crise bancaire, suivie d'une crise industrielle majeure, avec la suppression de 10 millions d'emplois industriels en Europe, en Amérique du Nord et dans les pays asiatiques non émergents.

La récession que nous avons connue a dégradé les comptes des Etats, y compris de ceux qui pouvaient se prévaloir d'une santé en apparence robuste et affichait comme l'Irlande et l'Espagne, salués meilleurs élèves de la classe européenne, un fort excédent budgétaire.

L'Espagne fournit une illustration parfaite de ce lien pervers entre dette privée et dette publique : endettement des ménages comparable aux Etats-Unis, effondrement de l'économie locale qui a supprimé deux millions d'emplois, condamnant les ménages à l'insolvabilité, effondrement des recettes fiscales qui sape la crédibilité financière de l'Etat espagnol et de sa signature bancaire. Les banques privées espagnoles n'ont pas tardé à encaisser le plein effet du collapsus du secteur de la construction, soit quasiment la disparition d'un tiers du PIB espagnol.

Reconnaissons-le, des erreurs psychologiques considérables ont été commises dans la gestion de la crise. Pour la Grèce par exemple, n'eut-il pas été infiniment moins coûteux d'établir un plan de sauvetage dès le mois de février ? Au lieu de cela, l'indécision européenne concernant notre partenaire hellène a été interprétée par les marchés financiers comme une sorte de condamnation de ce pays à la faillite, ce qui a accéléré la crise, et mis en cause la stabilité et la cohérence de l'ensemble de la zone euro.

En Hongrie, c'est l'équipe gouvernementale nouvelle qui a créé le doute. Par des déclarations alarmistes inconsidérées, elle a jeté dans l'inquiétude les marchés internationaux et de ce fait joué contre les intérêts de son propre pays.

Disons-le, les 6 et 7 mai 2010, les marchés ont connu une quasi-débâcle, qui n'a pu être évitée que par la décision prise, non sans difficultés, par le Conseil des Ministres européens, le 9 et 10mai de mettre en ?uvre un plan d'urgence. Nous avons grâce à cette initiative, pu éviter le pire. Mais il ne s'agit là que d'un répit : la crise qui est en train de s'abattre sur l'Espagne appelle de notre part de nouvelles initiatives.

Il faut d'abord obtenir un changement de la donne européenne, inviter à une clarification de l'orientation gouvernementale et à une réforme d'ampleur de la gouvernance de la zone euro. Reconnaissons qu'avec son énergie et son pragmatisme, le président de la république joue un rôle majeur dans cette recomposition du pouvoir. Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins et la France qui présidera le prochain G20 est aux avant-postes. Les choix que nous prendrons peuvent aussi bien précipiter nos économies dans la spirale de la dépression que d'ouvrir le chemin à la restauration de la croissance.

Nous avons à l'évidence besoin d'une Europe plus coopérative, c'est-à-dire une Europe de projets, mais aussi d'une Europe où les Etats jouent davantage la carte de la croissance et de la solidarité européenne.

Il faut bien comprendre également que le véritable enjeu pour la stabilité économique et monétaire du monde est lié à la question du dollar. Sa position de semi-étalon paraît désormais hautement contestable. La question de la refonte du système monétaire international est désormais posée, avec l'idée émise par certains Etats émergents, de mettre en place comme instrument unique de réserve, un panier de devises internationales. C'est un des enjeux du prochain G20.

Je reste par ailleurs convaincu qu'il existe des alternatives raisonnables qui permettraient de corriger nos déficits publics tout en évitant le spectre d'une dépression.

Car il n'est pas trop tard pour convaincre les institutions européennes (Conseil, Commission, BCE) d'accepter que les pays réduisent plus lentement que prévu leurs déficits, en privilégiant un retour à 3% du PIB en 2016 et non en 2012-2013, comme il est actuellement annoncé. Seule une réduction plus progressive des déficits publics serait de nature à éviter le retour en récession. Joseph Stiglitz a ici raison de souligner que la sévérité des plans d'austérité risquerait d'entraîner une stagnation économique qui minorerait la baisse des déficits et entraînerait une explosion du rapport dette/PIB.

Parlons clair, je crains davantage le spectre de la déflation que celui de l'inflation.

Il faudrait une discussion franche à ce sujet avec nos amis allemands qui seraient d'ailleurs eux-mêmes perdants dans le cas d'une forte dépression en Europe. Mieux vaudrait comme l'a proposé Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, un taux d'inflation modéré, qu'un défaut de remboursement d'un état, qui pourrait conduire à l'éclatement de la zone euro. Au surplus, je ferai remarquer que l'euro stimule et protège davantage nos emplois et nos exportations quand il est faible que quand il est surévalué.

Telle est la démarche économique qui inspire la Gauche moderne, afin de proposer un axe juste à la majorité dont elle est solidaire, pour donner un nouvel élan à la France en Europe.

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