Il faut créer un ordre professionnel des agents immobiliers

Par Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du management des services immobiliers.
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Quarante ans après la loi qui a encadré leurs activités, dite loi Hoguet, agents immobiliers et administrateurs de biens ne jouissent toujours pas de l'estime publique. Et ce sont, sans nul doute, les syndics de copropriété qui sont les plus décriés, au point que le gouvernement et le Parlement ajustent sans cesse la réglementation les concernant. Dernier épisode : l'avant-projet de loi portant sur la création d'un "Conseil de l'entremise et de la gestion immobilières" qui mérite l'attention parce que, s'il présente une vertu certaine, il souffre d'un défaut majeur.

La vertu d'abord : le projet renforce, pour tous les professionnels des services immobiliers rendus aux particuliers, les obligations de formation et d'éthique. Il accroît les contrôles et institue un processus disciplinaire pour régler les litiges et sanctionner les manquements. En cela, le projet de loi fait oeuvre utile : il tend à mieux garantir l'orthodoxie des pratiques professionnelles et à rassurer le public. La volonté inspiratrice est conforme à celle du législateur de 1970, mais la ressemblance s'arrête là car il s'agit d'une véritable loi de police qui confie le contrôle de ces professions à un aréopage de représentants de l'État, magistrats, professeurs d'université... et consommateurs.

Voilà le défaut essentiel du projet, qui conduit cette intention louable à passer à côté de son objectif : les ménages, les individus, clients des agents immobiliers et des administrateurs de biens, ne concevront que défiance et mésestime envers des professionnels ainsi mis sous tutelle, parce que jugés incapables de se discipliner eux-mêmes.

L'objection touche à l'essentiel : tout système disciplinaire digne de ce nom ne peut être mis en oeuvre que par les pairs du professionnel déféré ou par l'autorité juridictionnelle compétente ; mais il n'est rien de tel qu'un comité dans lequel siégeront les représentants des clients des professionnels concernés : on imagine la situation du représentant de l'association locale des usagers, lui-même membre du conseil syndical d'une copropriété en difficulté avec son syndic, appelé à juger celui-ci...

Au demeurant, on peut craindre que le dispositif porté par le projet, qui instaure notamment des commissions régionales de contrôle et un code de déontologie surveillé par l'Etat, ne soit pas viable. L'Etat aura-t-il les moyens d'assumer cette nouvelle mission ? L'ampleur de la tâche et son coût s'avérera insupportable pour la collectivité. Si les professions d'agent immobilier et d'administrateur de biens, de syndic en particulier, n'ont pas le degré de fiabilité et de qualité suffisant, l'Etat n'en a-t-il pas sa part de responsabilité ? La délivrance des cartes par les préfectures, les inspections menées par les directions de la consommation, la vérification du respect des obligations légales par les parquets, tout cela est réalisé imparfaitement par un Etat qui a des missions heureusement plus pressantes, et des moyens désormais comptés. Il faut donc que les pouvoirs publics aillent plus loin et affichent une véritable ambition pour les professionnels : il est nécessaire d'instituer un Ordre professionnel des agents immobiliers et des administrateurs de biens. Structure à laquelle l'Etat déléguera le pouvoir d'organiser la profession sous son autorité, à l'instar des avocats, des notaires ou des experts-comptables.

L'enjeu, celui du logement des Français, le mérite amplement et le besoin d'une confiance que retrouverait un corps professionnel de qualité est évident. L'instauration d'un Ordre, quel qu'en soit le nom, confère la respectabilité aux professionnels concernés, alors que le système proposé par le projet ne va générer que suspicion en déresponsabilisant les professions. Et puis, quelle image pour les jeunes qui voudraient exercer ces métiers : seulement la promesse d'être livrés à un contrôle illégitime permanent ! On entend encore ici ou là suggérer que les Ordres sont ringards. N'en croyons pas un mot : la structure ordinale est toujours, dans nos sociétés complexes, le meilleur relais d'autorité et de discipline. L'Europe ne s'y est d'ailleurs pas trompée en incitant les États membres à favoriser les délégations de pouvoir sous contrôle et à faire porter par des Ordres professionnels l'élaboration de codes de bonne conduite.

Mais il appartient principalement aux professionnels de dire ce qu'ils veulent pour eux- mêmes : gageons qu'ils réclament l'honorabilité et non l'humiliation, un statut exigeant plutôt que des faux-semblants. Tous ceux qui travaillent bien au service de leurs clients appellent de leurs voeux la prise en main de leur destin, qui seule suscitera un nouveau souffle et un regard apaisé de la part des Français. A l'heure où le logement est l'une des préoccupations essentielles, le législateur doit prendre la mesure des attentes, en renvoyant la profession à ses responsabilités et en lui assignant le rôle de les assumer vis-à-vis du pays.

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Commentaires 2
à écrit le 21/06/2011 à 19:09
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A la lecture du livre blanc des Etats Généraux des professions immobilières publié récemment par les organisations professionnelles FNAIM et UNIS, censé faire remonter au pouvoirs publics les éléments permettant de sortir un projet de loi satisfaisan...

à écrit le 20/06/2011 à 12:55
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les contrôles ne devront en aucun cas être effectués que par des agents immobilier en activité afin d'éviter des règlements de copte entre concurrents. Un ancien magistrat en tant que président serait parfait

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