Le bonus des bonus

Par Eric Albert, correspondant de La Tribune à Londres.
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Combien a gagné Bob Diamond, le patron de Barclays, l'an dernier ? 7,8 millions d'euros ? 10,4 millions ? Ou 15,6 millions ? Les trois chiffres proviennent tous du rapport sur la rémunération de Barclays, selon les interprétations. Ils illustrent l'incroyable écran de fumée que la banque britannique utilise pour dissimuler le montant des bonus.

Bob Diamond touche un salaire de 290.000 euros et a reçu, au titre de l'exercice 2010, un bonus de 7,5 millions d'euros, composé essentiellement d'actions et en grande partie différé. Mais, à cette prime, s'ajoute une autre ligne : "long-term incentive award" ("récompense de long terme"). Cette dernière représente des stock-options qui ne pourront être touchées qu'au bout de trois ans, en fonction d'un certain nombre de critères de performance. En langage courant, c'est un bonus. Appelons-le donc "le bonus des bonus".

A combien pourrait s'élever cette récompense de long terme ? Selon le tableau du rapport sur la rémunération, il serait de 2,6 millions d'euros pour Bob Diamond. La somme totale qui lui est attribuée pour 2010 serait donc de 10,4 millions d'euros. Mais il faut lire un discret alinéa pour comprendre que la banque estime que Bob Diamond ne touchera que le tiers de la récompense de long terme. Pourquoi pas la moitié ? Ou les deux tiers ? Aucune explication n'est fournie. Mais la banque parie sur le fait que son patron n'atteindra pas les objectifs maximaux. S'il y arrivait cependant, la somme serait de 7,8 millions d'euros. Soit un grand total de 15,6 millions...

Les objectifs assignés sont-ils réellement impossibles à atteindre ? Rien n'est moins sûr. Le calcul du bonus des bonus est fondé sur le cours de Bourse d'aujourd'hui (environ 300 pence par action), ce qui est plutôt faible par rapport à ce qu'il était avant la crise (il a frôlé 800 pence au plus haut en 2007). Impossible donc de déterminer combien Bob Diamond empochera vraiment. Tout dépend des performances de la banque et de la date à laquelle il vendra ses stock-options.

Mais peut-être que Bob Diamond ne touchera véritablement qu'un tiers de sa récompense de long terme. A titre de comparaison, HSBC indique que ses dirigeants ont touché en moyenne 27% de leur récompense de long terme attribuée pour les années 2004 à 2007 (qui arrivaient à échéance trois ans plus tard, soit pour l'essentiel au coeur de la crise, ce qui suggère qu'il s'agit d'un strict minimum).

Pourtant, cette étrange façon de présenter les rémunérations variables autorise des arrangements surprenants. Ainsi, à Royal Bank of Scotland, Stephen Hester, son patron, a fait savoir haut et fort qu'il n'avait pas reçu de bonus en 2008 et 2009, avant "d'accepter" une prime pour 2010. Sauf que pendant le même temps, il a touché... une récompense de long terme. Pas de bonus donc, mais tout de même un total maximum de 25 millions d'actions, ce qui, au cours actuel, vaut environ 12,5 millions d'euros.

Mais à quoi pourrait donc correspondre ce bonus des bonus, qui semble se généraliser dans les autres banques ? Les banquiers jurent qu'ils ont besoin d'être bien payés parce qu'ils ont des compétences uniques, et les conseils d'administration sont convaincus que ces dirigeants pourraient passer à la concurrence s'ils s'estimaient lésés. Les faits ne le démontrent pourtant pas. Chez HSBC, il n'y a plus de récompense de long terme depuis 2008 et ses dirigeants n'ont pas menacé de démissionner. Même le président, Douglas Flint, qui n'a touché "que" 4,7 millions d'euros en 2010, semble vouloir conserver son fauteuil.

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