Parti socialiste : douloureuse mais indispensable mutation

Par Patrick Martin-Genier, maître de conférences à Sciences po Paris.
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Le Parti socialiste est aujourd'hui dans une phase très délicate de son évolution. Convaincu que son arrivée au pouvoir en 2012 est certaine, car ce serait inéluctablement son tour, il pourrait - sans même parler du tremblement de terre provoqué par l'"affaire DSK" qui bouleverse la donne au sein de ce parti politique et peut-être l'issue de l'élection présidentielle - ne pas repérer un certain nombre de dangers qui le guettent.

Parmi eux, et même si les questions économiques et sociales devraient être les questions essentielles du futur débat de l'élection présidentielle, figurent les thèmes de l'ordre et de l'immigration.

De la même façon que le ministre de la Défense Charles Hernu avait réussi, dans les deux premières années du septennat de François Mitterrand, à réconcilier le Parti socialiste avec l'armée, le premier geste du futur gouvernement socialiste devra être de réconcilier ses militants et sympathisants avec les notions d'ordre et de politique contrôlée de l'immigration, même s'il convient de ne pas faire d'amalgame entre les deux.

Récemment, Manuel Valls s'est ainsi opposé au maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui avait estimé choquants les contrôles effectués sur les immigrés tunisiens à Paris par les forces de l'ordre, alors que le député-maire de Créteil avait au contraire estimé normale cette opération.

En effet, le Parti socialiste devra être très clair sur ce point et il ne peut plus se permettre de ne tenir que des propos d'indignation sans apporter des réponses qui soient à la fois respectueuses de ses propres valeurs, mais qui prennent aussi en compte les vives préoccupations des électeurs.

Sur l'immigration par exemple, il pourrait prendre l'initiative de proposer que les immigrés en situation irrégulière, qui travaillent dans le secteur de la restauration depuis au moins cinq ans et payent leurs impôts, fassent l'objet d'une mesure de régularisation (il faut aujourd'hui au moins dix ans pour obtenir une régularisation si l'étranger prouve dix ans de présence habituelle en France et encore, cela est très difficile par le nombre impressionnant de pièces qu'il doit apporter à cette fin). Il pourrait en outre étendre la notion de "métiers sous tension" qui permettraient en outre une telle régularisation. Enfin, un effort sans précédent serait fait pour accompagner l'intégration des étrangers dans la société française sous la forme d'un plan national sur cinq ans.

En contrepartie, il devrait accepter le principe d'une immigration strictement contrôlée, y compris le cas échéant en mettant en oeuvre les stipulations du traité de Schengen qui permettent le rétablissement de certains contrôles aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles. Cela serait un signe fort à destination de l'électorat. De la même façon, s'agissant de l'ordre, il n'existe aucune raison que police et Parti socialiste fassent mauvais ménage. La police intervient souvent dans des conditions extrêmement difficiles et les conditions d'exercice de ses missions n'ont pas toujours été prises en compte comme cela aurait dû être le cas.

Tout en réactivant la police de proximité à vocation plus sociale que répressive, le premier gouvernement d'un quinquennat socialiste devra donc être inflexible pour que l'ordre républicain soit assuré ou rétabli, notamment dans les banlieues difficiles : aucun gouvernement ne peut ainsi accepter que les pompiers ou les policiers qui patrouillent soient l'objet de jets de pierres qui mettent en danger leur vie.

Le Parti socialiste devra en outre veiller à la crédibilité de son programme économique et par la suite à ses alliances. Il ne sera pas possible de se départir des exigences liées à la nécessaire réduction du déficit budgétaire et il devra le faire de façon à éviter plusieurs écueils. La barre "à gauche toute" ne sera pas possible. Si des mesures d'équité sociale devaient être prises, notamment sur le plan de la fiscalité, le Parti socialiste devra veiller à ne pas non plus surimposer les contribuables, notamment les couches dites moyennes (en dessous de 4.000 euros par mois par foyer fiscal) dont beaucoup votent pour lui. Il ne devra pas non plus généraliser une société d'assistance qui ne favoriserait pas le retour au travail dans un contexte où ni l'assurance chômage ni les départements qui croulent sous la charge des dépenses sociales ne pourront faire face financièrement. Dans cette mesure, le soutien massif apporté par les Français à la proposition de Laurent Wauquiez de faire travailler gracieusement les titulaires des minima sociaux pour des missions d'intérêt général et de service public doit faire réfléchir celles et ceux qui envisagent de gouverner en 2012.

S'agissant enfin de pratiques internes mettant en cause la probité de certains membres du Parti socialiste, si elles devaient être établies, la première secrétaire devra en tirer toutes les conséquences qui s'imposent au nom de l'éthique en politique. Entendre la vérité est parfois difficile, mais il s'agit là d'une condition sine qua non, non seulement d'une victoire (le "ras-le-bol" ne saurait à lui seul assurer la victoire au Parti socialiste), mais aussi pour éviter que ne s'instaure, seulement quelques mois après la victoire éventuelle d'un président ou d'une présidente socialiste, une désillusion qui compromettrait les réformes majeures du quinquennat.

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