La fidélité du client mise à rude épreuve

Par Stéphane Soumier, rédacteur en chef de BFM Business
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On ne connaît que le personnage public, et c'est d'ailleurs une réussite de communication assez unique : la façon dont Christophe de Margerie, PDG de Total, est devenu l'un des patrons dont la parole a le plus de poids, alors même que son entreprise reste au fond des classements en termes d'image. J'en tire la conclusion qu'on a besoin de voix statutaires capables de s'exprimer sur les fondamentaux de notre économie. J'ai l'impression que Christophe de Margerie a renoncé à défendre Total, mais qu'il s'exprime maintenant au nom d'un écosystème industriel qui doit se battre en permanence pour exister dans le débat public. Il en faudrait d'autres.

Mais là n'est pas le sujet. Ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est la façon dont il utilise cette puissance médiatique pour défendre ses stations-service. On a déjà raconté le soin qu'il a pris, personnellement, à surveiller certains éléments du design des stations. Il répète régulièrement que Total doit continuer coûte que coûte à distribuer son produit et à en être fier. Il a poussé Michelin à modifier un film publicitaire très efficace : on voyait un Bibendum pulvériser une pompe à essence rouge. Et ça, le patron de Total ne pouvait pas le tolérer.

Toutefois, le coûte que coût a une limite, et visiblement la concurrence de la grande distribution commence à devenir délicate à gérer. Il se pourrait qu'une réforme profonde soit annoncée pour la fin du mois.

À cette occasion, Total va finalement poser l'une des questions clés du moment : combien puis-je investir dans ma relation client ? Combien me rapporte-t-elle ? Les comportements des consommateurs ont été profondément modifiés par la crise, seront-ils encore sensibles aux efforts que l'on déploie pour eux ? Ce qui doit faire réfléchir, ce sont les données qui remontent des terrains labourés par le nouveau site Internet à la mode : Groupon. Je dis « labourés », mais c'est un abus de langage.

On me raconte plutôt un terrain dévasté sur lequel rien ne repousse. Je pense que vous connaissez le principe : les commerçants font de grosses remises ponctuelles, Groupon s'occupe de les diffuser vers une communauté colossale et le commerçant fait le pari de fidéliser ces consommateurs occasionnels. Sauf que ça ne marche pas.

Les clients se contentent de consommer ce qui est en promotion, rien d'autre. Et aucun d'entre eux ne revient ! Ça fait beaucoup, non ? Ça fait beaucoup pour perdre de l'argent. La race des chasseurs exclusifs de bonnes affaires a toujours existé, le problème c'est que la puissance d'Internet rend inépuisable la source des remises et que le facteur prix (on devrait dire « destruction du prix ») devient trop souvent le seul élément qui structure la relation client.

Mercedes n'a pas voulu rentrer dans le combat. Celle qui est cette année encore au sommet du Podium de la relation client n'a pas voulu abîmer l'image de la marque en se lançant dans une course aux rabais. Mais Mercedes perd des parts de marché : « Simple effet transitoire, me disait le DG en charge des services, Harry Salamon, les nouveaux produits arrivent et la relation client que nous avons su préserver agira comme un terreau sur ces graines, quand nos concurrents, eux, planteront dans le sable. » On dirait une maxime chinoise. Est-elle encore adaptée ? Toutes les entreprises du monde sont en train de se poser la question.

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