
C'est une coïncidence qui n'en est pas vraiment une. Alors que le gouvernement vient de présenter les détails de son plan « Industrie Verte » voté au Sénat et met 1 milliard d'euros sur la table pour accélérer la décarbonation des 50 sites les plus émetteurs de CO2, Emmanuel Macron fera-t-il un passage dans l'un d'entre eux, à Fos-sur-Mer mercredi, à l'occasion de son déplacement à Marseille ? Un séjour exceptionnellement long au cours duquel le chef de l'Etat fera pendant trois jours de la Cité phocéenne la capitale de la France et un laboratoire d'expérimentation de son volontarisme réformateur, raconte notre rédactrice en chef dans la région Sud, Laurence Bottero.
Ecoles, transports, entreprenariat, culture, le plan « Marseille en Grand », doté de son préfet dédié, concerne aussi au premier chef l'économie avec un grand plan d'investissement pour développer la zone du Grand Port Maritime de Marseille. Photovoltaïque, éolien, hydrogène... Les investissements industriels affluent dans le port de Fos-sur-mer avec plus de 11,5 milliards d'euros de projets qui auront un tiers de financements publics et donneront un nouveau souffle à ce site, à l'image de ce qui se fait dans un autre grand port du Nord de la France à Dunkerque. Les deux usines ArcelorMittal de Fos et de Dunkerque représentent à elles seules plus de 25% des émissions de gaz à effet de serre de l'industrie en France. Une avalanche de projets est en gestation dans la zone du Grand Port Maritime de Marseille qui est à l'aube d'une « troisième Renaissance industrielle ».
Coup de chance pour la rédaction de La Tribune, qui organise depuis un an une tournée en région autour de la réindustrialisation, nous serons présents mardi matin à Marseille pour un événement intitulé « Transformons la France ». Lorsque la date du 27 juin a été choisie, nous ne savions évidemment pas qu'elle coïnciderait avec la visite d'Emmanuel Macron ! Il faut sans doute aussi y voir le signe que le tempo accélère. Selon le plan du gouvernement, il faudra débloquer 50 milliards d'euros pour décarboner l'industrie française d'ici 2050, avec des financements publics et privés. Rien que pour les 50 sites les plus polluants, il faudra mobiliser 30 milliards d'euros. Un « pognon de dingue » donc, pour reprendre une formule fameuse du président Macron, mais pour une bonne cause : tenir la trajectoire de réduction des émissions de CO2 à laquelle s'est engagée la France lors de la conclusion de l'Accord de Paris sur le climat.
Reste à s'assurer que cet argent sera employé avec efficacité, interroge Marine Godelier. Alors que des ONG comme le Réseau Action Climat réclament une éco-conditionnalité des aides publiques, le gouvernement envisage des clauses de remboursement si les objectifs ne sont pas atteints. Des garanties climatiques en contrepartie des aides : ce serait la première fois que l'Etat imposerait une telle condition aux entreprises !
Si l'industrie verte avance, ce n'est pas sans inquiéter les entreprises, qui vont devoir assumer une bonne partie des coûts des transformations, sans trop savoir comment répercuter ces investissements sur les prix de vente. Pas sûr que Stellantis ou Renault acceptent de payer plus cher leur acier même décarboné. Le risque, pointé par le président de France Industrie, Alexandre Saubot, est que « la décarbonation rime avec désindustrialisation ». Surtout dans un contexte de poussée protectionniste aux Etats-Unis. Nous ne sommes encore qu'au début de cette révolution industrielle verte mais on en pressent les enjeux cruciaux pour l'avenir de nos emplois, car c'est aujourd'hui que les décisions d'investissement et de localisation se font. La bataille ne fait que commencer et c'est une course de vitesse dans laquelle les erreurs se paieront cher.
Philippe Mabille, Directeur de la rédaction
Twitter @phmabille
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