PSA avec le rachat de Fiat-Chrysler dans l'automobile, le deal que « Renault n'aurait jamais dû rater » selon son ancien patron Carlos Ghosn ; LVMH avec celui de Tiffany dans le luxe, qui a fait du Français Bernard Arnault l'homme le plus riche du monde, au coude-à-coude avec Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon ; l'assureur mutualiste Covéa avec la conquête de Partner Re après son échec dans sa tentative d'OPA hostile sur Scor... Les entreprises françaises brillent depuis quelques mois par des opérations de fusions et acquisitions d'envergure, qui les positionnent non plus seulement comme des champions européens mais carrément mondiaux. Cette recherche de l'effet de taille à la mesure d'une économie mondialisée vient de connaître une nouvelle illustration frappante avec le rachat par Alstom, l'inventeur du TGV, de son concurrent canadien Bombardier Transport pour 6 milliards d'euros.
Créant ainsi le numéro 2 mondial du ferroviaire dans un deal qui fait oublier l'échec de la fusion entre Alstom et Siemens pour cause de rigorisme des autorités européennes de la concurrence. Il apporte aussi un démenti à l'idée un temps défendue par Henri Poupart-Lafarge, son PDG, d'un Alstom « stand alone ». En doublant de taille, le nouveau groupe devient un concurrent direct du chinois CRRC, qui fabrique notamment le «TGV» chinois, et qui vient de prendre pied en Europe en rachetant les locomotives de l'allemand Vossloh, l'été dernier. Alors que l'accélération de la lutte contre le changement climatique va donner une prime au train (électrique ou à hydrogène), voir Alstom, un groupe technologiquement à la pointe, numéro 2 mondial, mais longtemps fragile face à la puissance de Siemens, se rapprocher du numéro 4 qu'est Bombardier Transport, est une excellente nouvelle... même si elle ne va pas sans poser quelques questions en termes de concurrence que la Commission européenne tranchera, espérons-le, avec plus d'intelligence cette fois.
La vocation industrielle de la France subsiste encore
Pour le groupe canadien de transport, né dans un garage au Québec dans les années 1930, c'est la fin d'une lente descente aux enfers entre le ferroviaire et l'aviation commerciale. Il ne reste d'ailleurs plus guère qu'un peu d'aviation d'affaires pour l'entreprise devenue une « penny stock » à la Bourse de Toronto. C'est la Caisse de dépôt et placement du Québec, lointaine cousine de la CDC française, qui réalise une potentielle très bonne affaire, puisque, en mettant 4 milliards de dollars sur la table pour financer l'opération d'Alstom, elle devient le premier actionnaire avec 18 % du capital du nouveau groupe, devant Bouygues.
Un choix raisonnable en ces temps de transition énergétique. Mais, qui l'eût cru, en 2004, lorsque Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Économie, avait dû se rendre à Bruxelles pour imposer de force l'entrée, provisoire, de l'État français au capital de l'entreprise de transport, à l'époque plombée par les Chantiers de l'Atlantique et abandonnée par les banques... françaises. Bref, pour tous les défaitistes-déclinistes qui ont plaidé pour l'abandon de la vocation industrielle de la France, cette opération Alstom-Bombardier dans les transports apporte un désaveu sans appel.
Même si la bataille de l'industrie n'est pas gagnée, notamment dans l'automobile où la transition écologique risque de provoquer des suppressions d'emplois, même si les secteurs de la grande distribution et de la banque sont bouleversés par le choc du numérique, ce deal dans le ferroviaire est une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron qui doit présenter en avril son pacte productif « vert » destiné à « construire un nouveau modèle français respectueux de l'environnement pour atteindre le plein-emploi ». Une offensive destinée à donner un nouveau souffle à la deuxième partie de quinquennat, pour l'instant embourbée dans un invraisemblable « zizigate », la contestation de la réforme des retraites et la probable déconvenue des candidats marcheurs aux municipales de mars
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