L'essor des banques éthiques questionne l'écosystème financier

OPINION. La Nef en France, GLS en Allemagne, The Cooperative Bank en Grande-Bretagne, la Cassa Centrale en Italie ou encore Triodos en Hollande et Belgique… ces acteurs du secteur bancaire ont tous un point commun : ce sont des banques éthiques, spécialisées dans la finance verte et l’économie solidaire. Toutes, sans exception, voient leur croissance exploser. Bien sûr, ces institutions sont encore à une échelle qui ne leur permet pas d’inquiéter ces grands groupes bancaires. Toutefois, leur influence croissante en fait aujourd’hui des acteurs financiers qui dessinent les contours d’une finance plus responsable et montrent la voie. Par Stéphane Olmi, vice-président de la banque d'affaires Gimar&Co.
Pour Stéphane Olmi, vice-président de la banque d'affaires Gimar&Co, la finance éthique envoie un signal clair à l'ensemble des banques.
Pour Stéphane Olmi, vice-président de la banque d'affaires Gimar&Co, la finance éthique envoie un signal clair à l'ensemble des banques. (Crédits : DR)

Selon un rapport de l'association Oxfam, l'empreinte carbone des six principales banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE, La Banque Postale, Crédit Mutuel AF), issue de leurs activités de financement, représente, cumulée, près de huit fois les émissions de gaz à effet de serre de la France (1).

Un constat qui conduit un nombre toujours plus important d'épargnants à se détourner du système bancaire traditionnel pour leurs investissements. Plus question pour eux, aujourd'hui, de financer les énergies fossiles ou des activités peu éthiques. Ils préfèrent placer leurs économies dans des fonds dont ils sont sûrs qu'ils financent l'Économie Sociale et Solidaire (ESS) ou les projets « bas carbone ».

En France, l'épargne solidaire a ainsi doublé entre 2015 et 2020, notamment à travers les produits labellisés Finansol (2). Un mouvement suivi dans toute l'Europe, où les banques éthiques affichent des taux de croissance records (3).

Adossée pour le moment au Crédit Coopératif (filiale ESS de BPCE), la Nef est la banque française qui connaît la croissance organique de son bilan la plus forte d'Europe, dépassant 28% par an - la palme de la croissance externe revenant à l'italienne Cassa Centrale. Ainsi, en 2021, son nouveau livret bancaire comptabilisait 799 millions d'euros, soit 20% de parts de marché sur les produits ESS. À titre comparatif, la Société Générale, elle, détenait seulement 6% de parts de marché sur ces mêmes produits.

Un contexte doublement favorable

Si les volumes restent aujourd'hui confidentiels, l'épargne solidaire ne représentant que 0,4% de l'épargne totale des Français (2), les banques éthiques se font désormais entendre. Nées dans les années 1970-80, pour la plupart, elles ont été fondées, à l'origine, pour financer les projets alternatifs d'une poignée de militants, échaudés par les refus des grands établissements bancaires.

Mais depuis, la crise des subprimes en 2008, puis celle de la pandémie de Covid en 2020 et 2021, sont passées par là.

Si la première a porté atteinte à la crédibilité des banques traditionnelles, la seconde a stimulé l'engouement pour la finance verte. En France, la Nef touche aujourd'hui de nouveaux publics : les CSP+, trentenaires, mais aussi la génération « climat », ces jeunes de moins de 30 ans attirés par les offres bancaires liées à l'écologie. 49% des projets que cette banque finance, se situent d'ailleurs dans le développement durable, dont 53,1% se développent dans les filières bio (4).

Réunies au sein de la FEBEA (5), qui regroupe 33 institutions financières de 15 pays d'Europe, ces banques éthiques ont, par ailleurs, développé pour la plupart une offre complète : paiement, épargne, finance, assurance. Elles sont non seulement encouragées par un contexte médiatique porteur, mais aussi favorisées par l'évolution des taux, redevenus positifs depuis septembre : une aubaine, qui leur permet de voir leurs dépôts à la Banque de France désormais rémunérés.

Finance verte : poids plume mais grand pouvoir d'influence

Aujourd'hui, tous les signaux sont donc au vert pour que ces banques continuent de faire entendre leur différence sur le marché. Si bien sûr, en volume, elles restent dans la catégorie « poids plume », leur véritable force est dans l'influence qu'elle exerce sur tout l'écosystème financier.

Dans leur lignée, apparaissent ainsi une multitude d'acteurs, comme la française Hélios, née en 2019, ou les startups Green-hot et OnlyOne ; des structures agiles et digital natives, mais qui n'ont pas encore un statut bancaire propre. Elles conduisent également les grandes banques à accélérer sur le développement de fonds « verts ». Un cercle vertueux que le régulateur doit encourager.

En effet, certains de ces établissements historiques cherchent désormais à s'affranchir de la tutelle des institutions auxquelles ils sont adossés. C'est le cas de la Nef qui souhaite notamment s'émanciper du Crédit Coopératif.

Une chose est sûre : l'émergence d'acteurs indépendants de la finance verte est un signal fort envoyé à l'ensemble de l'écosystème. Et il se pourrait bien, aussi étrange et paradoxal que cela puisse paraître, que l'élan vers un monde plus éthique et responsable soit demain porté, non pas par des politiques, mais bien par la finance !

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NOTES

(1) Rapport d'Oxfam publié en novembre 2020 sur les 6 plus grandes banques françaises : BNP Paribas, Crédit agricole, Société Générale, BPCE, Crédit Mutuel et Banque Postale.

(2) Economie.gouv.fr - L'économie sociale et solidaire - novembre 2021, Insee.fr - Les comptes de la Nation en 2021- Mai 2022.

(3) Orbis, Capital IQ

(4) Rapport annuel 2021 de la Nef

(5) Fédération Européenne des Banques et financeurs Éthiques et Alternatifs

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Commentaires 2
à écrit le 15/02/2023 à 14:13
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J’ai lu avec attention votre article et nous voulions vous signaler que le Crédit Coopératif n’est pas une filiale de BPCE. En effet, il s'agit d'une banque coopérative qui appartient à 100% à ses clients-sociétaires. En revanche, elle est membre du ...

à écrit le 14/02/2023 à 9:35
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encore une invention bien francaise les banques regional allemande ne suivent pas cette vision absurde et son toujours proches le leur industrie

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