Bombe à la Bourse

« Cette bombe qui menace les marchés boursiers ». C'est le grand titre, ce matin, de « la Tribune », un titre énigmatique, inquiétant aussi. Cette bombe, c'est quoi, Erik Izraelewicz ?

C'est une bombe comptable, un peu compliqué à comprendre, essentiel pourtant pour analyser ce qui se passe en ce moment sur les marchés boursiers.

Regardez, depuis des semaines, les Etats s'agitent pour remettre l'économie en ordre, pour calmer la déprime des marchés. Des plans de sauvetage des banques - massifs, des plans de relance comme on n'en a jamais vus. Et bien, malgré tout cela, les marchés restent très nerveux, la Bourse continue de plonger. Celle de Paris par exemple a encore perdu 10% depuis le début de l'année - après une chute de 45% déjà l'an dernier. Alors, qu'est ce qui explique cette déprime, persistante, des marchés. Eh bien, ce sont les normes comptables !

Comment ça, le système comptable peut aggraver la crise ?

Oui, c'est bien là où on en est. De quoi s'agit-il ? Eh bien, depuis 2005, les sociétés cotées doivent respecter partout dans le monde des normes comptables communes. Elles doivent inscrire dans leur bilan leurs actifs à leur valeur de marché, pas à leur valeur d'achat, ni à leur valeur d'usage, non à leur valeur sur le marché. C'est catastrophique. Ca n'a aucun sens économique. Ca oblige beaucoup d'entreprises à enregistrer la dépréciation de leurs actifs, à accuser une perte, fictive, comptable, dans leur compte.

Exemple. Une entreprise a acheté, il y a trois ans, un immeuble - pour ses bureaux. Elle l'avait acheté pour 10 millions. La crise est passée par là. Son immeuble ne vaut plus que 5 millions. Eh bien, pas question d'étaler cette perte de 5 millions, une perte comptable, dans le temps. Non, l'entreprise doit l'enregistrer tout de suite, cette année. Ca va plomber ses comptes, ses résultats, son bilan. Ca va affecter la valeur de l'entreprise elle-même !

C'est cela qui inquiète les marchés...

Oui, parce que beaucoup de sociétés avaient acheté ces dernières années des actifs - de l'immobilier, des entreprises aussi, au plus haut de la bulle. Elles les avaient payé très cher. Elles vont devoir les déprécier très vite. On s'attend dans les mois à venir à des annonces douloureuses. Ces dépréciations d'actifs, ça pourrait représenter plus de 350 milliards d'euros pour les 120 plus grosses boîtes européennes, une année de profits, c'est énorme...

Il faut changer ces normes comptables, non ?

Il faudrait. Bien sûr. Ces normes, elles ont été imposées à l'époque par l'Amérique ; elles sont profondément malsaines. Il faudrait au moins autoriser un assouplissement dans leur application. Le problème, c'est que pour l'instant, les régulateurs ne bougent pas, les comptables non plus. Voilà pourquoi la bourse déprime. Si vous voulez savoir qui est menacée, quelles sont les sociétés les plus exposées - je vous recommande d'aller voir aujourd'hui notre dossier, très complet, dans « La Tribune ».

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.