Indonésie : un nouveau gouvernement pour jouer la carte de la mondialisation ?

Les démocraties d'Asie du Sud Est peinent à porter au pouvoir des leaders efficaces, aptes à obtenir des résultats économiques probants. L'Indonésie pourrait bientôt faire figure d'exception. Par Quentin Gollier, consultant

Avec un corps électoral de 190 millions d'individus répartis inégalement sur une myriade d'îles et d'archipels, organiser des élections en Indonésie tient véritablement du défi logistique. Depuis la première élection présidentielle au suffrage populaire direct en 2004, cette gigantesque nation apprivoise lentement son code électoral complexe, conçu pour limiter la capacité des partis régionaux ou confessionnels à présenter des candidats. Alors que la présidence volontariste mais profondément inefficace de Mr. Yudhoyono s'achève, tous les regards sont maintenant tournés vers un candidat exceptionnel, adoubé tant par le peuple que les multinationales : Joko Widowo, affectueusement surnommé Jokowi.

 Un entrepreneur à succès

Né en 1961, Jokowi est pour la plus grande partie de sa vie un simple entrepreneur, ayant un certain un succès dans la vente de meubles. Elu maire du Surakarta (500 000 habitants) en 2005, il met à profit son expérience à l'international (ayant été amené à beaucoup voyager, notamment en Europe) pour réinventer un modèle de gouvernance local, mettant en avant une approche très directe des problèmes et une extrême proximité avec la population locale qu'il n'hésite pas à côtoyer de façon régulière. Cette culture du « blusukan », insistant sur la nécessité d'être au contact avec les administrés fait au départ froncer les sourcils à de nombreux responsables locaux, y voyant une forme éhontée de populisme, mais les succès rapides des politiques du maire font rapidement taire les critiques.

Empêchant ses proches de se porter candidat pour les appels d'offres publics et mettant en place des projets ambitieux en termes de transport en commun par exemple, Jokowi parvient en quelques années à se construire une réputation nationale de maire « de choc », proche du peuple et capable de mobiliser l'ensemble de son administration pour résoudre des problèmes urgents dans la vie quotidienne de son électorat.

 Maire de Djakarta

Surfant sur ce succès foudroyant, Jokowi se porte candidat à la mairie de Jakarta en 2012. Beaucoup doutent alors de sa capacité à transposer son succès de sa ville de province à la capitale tentaculaire du pays, avec ses 30 millions d'habitants. Organisant une campagne énergique, centrée à nouveau sur les problèmes quotidiens des classes moyennes et des immenses masses misérables s'entassant dans des bidonvilles souvent inondés, Jokowi s'impose finalement au terme d'un second tour ayant tenu l'ensemble du pays en haleine, avec 54% des suffrages exprimés (33% d'abstention). M. Widowo dispose désormais d'un véritable statut d'icône populaire, alors que ses visites dans les quartiers pauvres de la capitale indonésienne fascinent les médias nationaux.

Les marchés s'envolent lors de sa désignation

Surfant sur l'impopularité grandissante du président actuel, M. Yudhoyono, le principal parti d'opposition (PDI-P pour Parti démocratique indonésien de lutte) s'intéresse de plus en plus à Jokowi à l'approche de l'échéance présidentielle de 2014. Las, les ambitions présidentielles de sa secrétaire, Mme Sukarnoputri, fille de Soekarno (l'architecte de l'indépendance du pays) instaurent une ambiance tendue dans ce qui parait pourtant être une alliance logique entre un individu charismatique et extrêmement populaire, et un parti plébiscité par les sondages. Ce n'est donc qu'il y a quelques mois, le 14 mars, que Mme. Sukarnoputri finit par se résigner à laisser sa place de candidat officiel à Jokowi. Les marchés locaux bondissent alors qu'une atmosphère euphorique règne à Java. Pour The Economist, « l'élu » commence sa marche vers une victoire historique.

Des contraintes électorales complexes

Pourtant le nouveau candidat, désigné très tard, doit composer avec des contraintes électorales complexes. Le 9 avril, les élections législatives qui se sont tenues ne donneront pas à priori au PDI-P les 25% des voix (ou 20% des sièges) nécessaires à la constitution d'une liste autonome pour la présidentielle du 9 juillet (les résultats définitifs ne sont pas encore connus). Dès lors, Jokowi devra composer une coalition avec un autre parti d'opposition, et ne pourra donc pas choisir son colistier au poste de vice-président. D'aucuns y voient une surprise bienvenue, tempérant une campagne déséquilibrée et forçant Mr. Widowo à s'attacher à un politicien plus expérimenté au fait des questions de politique étrangère (le point faible récurrent de Jokowi). D'autres y voient une déception monumentale qui pèsera sur la totalité de son mandat. Ayant causé des dissensions inutiles, les résistances institutionnelles du PDI-P à ce candidat de bon sens sont blâmées partout pour cet échec.

Une élection probablement remportée dès le premier tour

Toujours est-il que - sauf nouvelle surprise - Jokowi gagnera l'élection de juillet dès le premier tour, sa popularité au niveau national frôlant les 50%, et son plus proche rival, M. Prabowo Subianto (un ancien paramilitaire) se trainant douloureusement autour de 10%. Si les législatives restent un problème avec lequel M. Widowo et le PDI-P devront lutter cet été, elles n'obèrent en rien les chances de ce candidat exceptionnel à l'emporter durant la présidentielle.

Un pays qui peine à exploiter ses potentialités

La question est donc de savoir si le « style Widowo » pourra se transposer avec efficacité dans la gouvernance d'un pays divisé, aux considérables différences régionales. Résumée par le Financial Times en 5 points relativement génériques  - terre-à-terre, centré sur les résultats, bien entouré, bon sens des médias et manque d'alternative crédible- cette dynamique individuelle semble être considérée à tous les niveaux comme une véritable aubaine pour un pays qui a toujours de grandes difficultés à exploiter ses potentialités. Widowo, souvent comparé à Barack Obama, apparaît donc comme un homme providentiel capable de ramener un certain degré d'unité en centrant le débat sur les problématiques économiques (plutôt que nationalistes) et se décrivant comme un îlot d'incorruptibilité dans un univers politique national contesté.

Des démocraties dotées de leaders efficaces? La question qui taraude en Asie

Une fois élu, l'observation du mandat de M. Widowo permettra sans doute de répondre à la question qui continue de hanter de nombreux émergents asiatiques quant à la capacité de leurs démocraties à porter au pouvoir des leaders efficaces alors que les exemples de Deng Xiaoping en Chine, de Park Chung-Hee en République de Corée ou de Lee Kuan Yew à Singapour (tous autoritaires) restent les décideurs mythiques de la région. Ayant connu une ascension météorique dans l'imaginaire indonésien, Mr. Widowo aura face à lui un défi bien plus grave que celui de remettre en marche l'économie nationale.

Au cœur de la mondialisation

Il lui reviendra en effet de défendre au sein des pays émergents les couleurs ternies des systèmes démocratiques, souvent peu aptes à générer la croissance et la cohésion nécessaire au développement. A la croisée des modèles asiatique (insistant en premier lieu sur les bons standards de gouvernance) et occidental (mettant l'accent sur la nature politiquement libérale des régimes), Jokowi pourrait bien réaliser la synthèse de ces deux écoles et placer son pays de 250 millions d'habitants au cœur des circuits de la mondialisation.

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Commentaires 5
à écrit le 30/11/2014 à 18:01
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elue en juillet, prise de position fin octobre...le 18 Novembre au retour du G20 sur le réchauffement climatique Jokowi augmente le prix du carburant a la pompe de 35 pour cent revue de presse pour ceux que ça interesse sur google + google.com/+fran...

à écrit le 30/11/2014 à 18:01
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elue en juillet, prise de position fin octobre...le 18 Novembre au retour du G20 sur le réchauffement climatique Jokowi augmente le prix du carburant a la pompe de 35 pour cent revue de presse pour ceux que ça interesse sur google + google.com/+fran...

à écrit le 11/05/2014 à 13:46
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Joko Widodo*

à écrit le 23/04/2014 à 17:25
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Je reviens d'Indonesie " Jokowi" est effectivement tres populaire il a tres rapidement accédé aux pouvoirs , il est donc détesté d'une certaine classe politique et des corrupteurs , cela evoque pour moi un autre fait historique qui s'est mal terminé ...

à écrit le 23/04/2014 à 16:35
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Oui, un vent nouveau souffle, espérons qu'il portera les graines si nécessaires au pays.

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