Le trop plein de liquidités

L'injection de liquidités pour renforcer le système financier crée un nouveau déséquilibre potentiel Par François Leclerc @fdleclerc

Jamais les marchés financiers n'ont été scrutés avec une telle attention, forts de la conviction - implicitement admise et parfois théorisée - que des rebondissements de la crise en cours sont inévitables. Mais où, quand et comment cela va-t-il survenir ? La faible volatilité (ampleur des variations des cours) enregistrée sur les marchés interroge d'ailleurs des analystes qui la compare au calme qui précède la tempête.

Des signes de surchauffe

Des signes manifestes de surchauffe sont décelés et soupesés et le coupable n'est pas difficile à trouver : l'appétit au risque est revenu et les liquidités à très faible taux continuent d'être disponibles aux guichets des banques centrales. Le volume des l'immense marché des « repos » (repurchase agreements, pensions livrées, en français) était avant la crise de 4.200 milliards de dollars et a depuis rétréci. Désormais identifié comme source de tous les dangers, il n'est plus le lieu de prédilection des banques (qui se financent dorénavant à moins court terme, pour des raisons réglementaires), mais il, est devenu celui des hedge fund, fonds de pension et autres Real estate funds (ou Reits, les sociétés d'investissements immobilier cotées).

Tout aussi significativement, le marché des CLO (Collateralized Loan Obligations) reprend ses couleurs, ce qui se manifeste par une demande grandissante pour leurs tranches les plus risquées et à plus fort rendement. Sur le marché obligataire, le carry-trade se poursuit. En raison du faible taux général du crédit, son rendement reste attractif en dépit de la baisse des taux obligataires. Mais ce n'est pas sans risque, car si les taux obligataires se sont détendus à la faveur de ces achats spéculatifs - en dépit des incertitudes qui demeurent - un retournement soudain est possible, qui pourrait se traduire par une baisse soudaine de la valeur des titres.

Les banques se financent par des obligations convertibles, un pari sur leur bonne santé

Un autre point de faiblesse est en train de se cristalliser, à l'instigation des banques. Soumises à de fortes obligations de renforcement de leurs fonds propres, elles trouvent dans l'émission d'obligations contingentes convertibles (CoCos) un appoint non négligeable à leurs augmentations de capital. Ces titres rencontrent une forte demande en raison de leur rendement élevé, sans plus se soucier de l'éventualité de leur conversion en actions en cas de malheur, puisque tel est leur principe. Après avoir hésité, les investisseurs se sont à ce point manifestés que le taux moyen des CoCos a baissé sur le marché lors de leurs émissions, tout en restant des plus attractifs. Les émetteurs européens y ont trouvé leur compte et matière à encouragement. N'allant pas se démentir de sitôt, la mode des CoCos est lancée, formidable pari sur la bonne santé des banques.

Redonner des forces au système financier et... créer les conditions d'un nouveau déséquilibre

Les paris se multiplient, qu'ils reposent sur la capacité des banques et des États à procéder à leur désendettement et à retomber sur leurs pieds, ou bien sur la faculté de l'économie à connaître une relance. C'est ce qu'il ressort clairement de l'engouement enregistré sur les marchés des CoCos, des obligations souveraines et des actions.

Mais il faut bien investir quelque part ! Tout se passe comme si la potion magique destinée à redonner ses forces au système financier créait les conditions d'un nouveau déséquilibre. Tout se résumant aux masses de liquidités déversées par les banques centrales, cette réponse inadéquate à la crise de solvabilité générale qui produit aujourd'hui ses effets délétères, et dont nul ne sait quand et comment elles pourront être drainées.

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Commentaire 1
à écrit le 17/06/2014 à 9:23
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Il suffira d'une allumette pour déclencher la panique financière dans cette poudrière financière, mais quand ? That is the question

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