On aurait pu imaginer que la réussite du fondateur du premier groupe de luxe au monde qu'est LVMH aurait inspiré quelques commentaires flatteurs et un sentiment de fierté pour de nombreux Français.
Dans un monde ultra-concurrentiel, à très forte valeur ajoutée, bâtir un champion n'était pas si simple lorsque l'on voit nombre de marques de luxe dont certaines furent fondées par des artistes singuliers et qui sont désormais autant de pépites faisant briller l'élégance française. Et que dire de ces œnophiles fin gastronomes défenseurs du terroir, de la spécificité des cépages devenir thuriféraires du grand soir anticapitaliste aussitôt que l'on évoque Moët et Chandon ?
La France reste ingrate avec ses champions, préférant - c'est la théorie Poulidor (1)- peut-être toujours les perdants. Il faut dire que Bernard Arnault a tout pour être vilipendé. Si l'on oublie sa naissance à Roubaix qui aurait pu lui donner ce côté sympathique qu'ont désormais tous les Ch'ti, il est le produit de l'excellence avec son passage à Polytechnique. Heureusement pour lui, il n'a pas fait l'ENA, ce qui aurait achevé d'en faire un monstre.
Son seul crime est d'afficher une fortune professionnelle dépassant les 100 milliards. Ce qui aurait pu faire rêver et motiver quelques fâchés avec les études d'y regarder de plus près est finalement l'objet d'une détestation. Nos amis américains n'éprouvent pas ce genre de sentiment quand l'on voit les dernières tribunes consacrées à Elon Musk dont l'Amérique a fait un exemple au point d'avoir inspiré le personnage de Tony Stark (2). Pourtant, Elon Musk que l'on dit bien plus rude que le très courtois Bernard Arnault, n'a pas la réussite du français quand l'on sait que la pérennité de ses sociétés dépend du bon vouloir de certains de ses financeurs.
Il faut tout de même reconnaître que la balance commerciale de la France, qui n'est pas toujours flamboyante, doit aux exportations LVMH, qui fait travailler des dizaines de milliers de salariés et supporte de lourdes impositions. Il aurait été aisé de transférer son siège social pour bénéficier de notables allègements. Pourtant, ce fleuron représente toujours la France, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Emmanuel Macron avait débuté son mandat en exprimant l'idée qu'il serait bon que notre jeunesse soit davantage tendue vers l'idée de devenir milliardaire que vers celle de s'arque-bouter sur la défense de supposés droits acquis.
Dans cette France idéale, Bernard Arnault aurait assurément joué un rôle de figure de proue.
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1 - Théorème de Poulidor ou la théorie de l'immobilité immobilisante
2 - Iron Man
(*) Hervé Guyader est Docteur en droit, Avocat au barreau de Paris, Président du comité français pour le droit du commerce international, et coresponsable de la commission ouverte commerce international du barreau de Paris.
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