Comment éviter vraiment l'avènement d'une société d'héritiers

Pour éviter l'avènement d'une société d'héritiers, il faut valoriser davantage les revenus du travail. Par Thomas Rone, conseiller en gestion de patrimoine et associé du cabinet d’expertise-Comptable Exco Nexiom

Revoir la fiscalité des successions pour réduire les inégalités entre les ménages, telle est la proposition de France Stratégie dans le cadre de son programme « 2017/2027 », qui analyse les enjeux de la prochaine décennie à l'heure de la présidentielle. Un véritable enjeu quand depuis une vingtaine d'années le patrimoine des Français augmente plus vite que leurs revenus et que dans le même temps l'augmentation de l'espérance de vie retarde de plus en plus le moment de la transmission de ce patrimoine.

 Pourtant, l'organisme de réflexion ne pousse pas assez loin la réflexion. S'il alerte sur le risque d'avènement d'une société d'héritiers, ses solutions pour s'en prémunir se concentrent exclusivement sur l'alourdissement de la taxation du patrimoine. Or, il est également déterminant que les pouvoirs publics s'attachent à valoriser les revenus issus du travail.

 Des mesures à faible impact sur les inégalités

 Pour réduire les inégalités intergénérationnelles et entre les ménages d'une même génération, France Stratégie propose des pistes de réflexion, visant à inciter les générations les plus aisées à faire des donations de plus en plus tôt. Mais ses deux mesures phares ne s'adressent qu'aux 10% de ménages les plus riches et n'auront donc aucun impact sur les classes moyennes ni sur les inégalités entre « héritiers » et « non-héritiers ».

 La première vise à rendre le système de donation et legs actuel plus incitatif, en gardant le même régime fiscal. Cette mesure propose d'abaisser l'abattement des droits de succession pour les classes moyennes, les incitant à la donation. Si cela va dans le bon sens, cette proposition n'aura aucun effet sur les inégalités entre les ménages « héritiers » et « non-héritiers » d'une même génération.

 La seconde mesure propose de « reconstruire la fiscalité des transmissions du point de vue des héritiers ». Ici, les taux de taxation des transmissions dépendraient du montant du patrimoine déjà perçu par l'héritier. Cette proposition a l'avantage de faciliter et favoriser les donations aux petits-enfants, grâce à un taux d'imposition plus faible, et une réduction d'impôt additionnelle en fonction de l'âge de l'héritier.

Cependant, en réalité, cette optimisation du patrimoine familial n'a rien de nouveau. Les grands-parents donnent déjà à leurs petits-enfants pour éviter une double taxation du patrimoine. De plus, cette mesure prévoit une révision de la fiscalité des transmissions d'entreprises qui, en plus d'être stérile, pourrait s'avérer catastrophique pour ces dernières. Aujourd'hui, dans le cadre de la loi Dutreil, ce n'est pas la transmission mais la conservation de l'entreprise qui est avantagée. Les entreprises se transmettent avec un abattement de 75%, car les entreprises sont des capitaux « non-liquides ». La loi Dutreuil vise à éviter la dissolution d'entreprises par les héritiers pour pouvoir payer les droits de transmission. Une mesure visant à préserver notre tissu économique se verrait ainsi remise en cause.

 Financer une baisse du coût du travail par l'imposition des successions

 La réflexion de France Stratégie va pourtant dans le bon sens : regarder l'imposition en fonction de l'héritier, et non plus du testateur. A l'heure actuelle, un héritier payera moins d'impôts qu'un entrepreneur à âge et fortune équivalents. Avec un capital total de 2 000 000€, l'individu ayant acquis ce patrimoine par héritage sera taxé sur un taux de 20% quand l'entrepreneur aura été taxé sur son entreprise et sur ses revenus. Dès lors, il est parfaitement concevable de vouloir une équité entre la taxation de l'enrichissement par héritage et la taxation de l'enrichissement par le travail. Mais augmenter la fiscalité sur les successions ne peut être une solution pérenne. Le rééquilibrage doit aussi porter sur une fiscalité allégée sur le travail, pour le revaloriser.

 Mais pour que ce rééquilibrage puisse aboutir, une attention particulière devra être portée aux ascendants, qui auront construit leur patrimoine et été imposés sur celui-ci toute leur vie. L'augmentation des coûts de transmissions pourrait être vue comme une « double peine ». Des mesures de compensation devront leur être proposées, comme une baisse ou une suppression de l'ISF, à titre d'exemple.

 Encourageons nos forces vives, entrepreneurs, dans leur développement économique, en valorisant davantage les revenus du travail. Rendons le travail plus rémunérateur et plus productif en instaurant des baisses de charges sur le travail et l'entreprise. Pour éviter une France d'héritiers, bâtissons une France d'entrepreneurs.

Thomas Rone, associé en gestion de Patrimoine du cabinet Exco Paris Nexiom

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.