Construire plus, rapidement et sobrement ou comment éviter la prochaine crise du logement

OPINION. La crise COVID a modifié le rapport des Français à leur logement. Le logement est un déterminant majeur du pouvoir d’achat des Français (20% du budget des ménages), de leur santé, de l’équilibre vie professionnelle et vie privée. Par Julie Demaille, 
Directrice, EY Consulting, Responsable du Logement Social, France et 
Fabrice Reynaud, 
Directeur Associé, EY Consulting, Responsable Immobilier, France.
(Crédits : DR)

62% des Français estiment qu'il n'y a pas assez de logements. Pourtant, avec 553 logements pour 1.000 habitants (1), la France est un des pays européens dont le parc est le plus développé. Il est aussi devenu l'un de ceux qui pèse le moins sur les revenus des ménages si on le compare à l'Allemagne ou à l'Italie, pays dans lesquels ce sujet a été au cœur des campagnes électorales récentes.

Il n'en demeure pas moins que la baisse de la construction constatée en 2020 s'est poursuivie en 2021. On construit 100.000 à 150.000 logements de moins que ce qu'il faudrait, ce qui pèse sur le coût du logement.

Notre conviction est que la feuille de route du prochain Gouvernement devra se concentrer sur comment redynamiser l'offre de logements abordables et faiblement énergivores. Il pourra le faire en agissant sur quatre leviers qui mobiliseront les acteurs du logement.

Le premier levier est d'alléger les contraintes administratives sur l'acte de construire. Il faut 6 ans de procédures administratives en France pour créer un logement alors qu'il en faut (2) dans les autres pays européens. C'est un facteur de coûts et de lenteur qu'il faut réduire drastiquement. Une piste serait de globaliser les procédures d'urbanisme (État, Mairie, EPCI, etc.) et faire confiance aux collectivités. Afin d'encourager les villes à construire, l'État pourrait conditionner une partie de la Dotation Globale de Fonctionnement à la dynamique de construction.

Un autre gisement de logements se trouve dans la mutation de l'immobilier tertiaire vers le résidentiel. C'est notre second levier. Le rapport annuel d'EY sur l'évolution du secteur immobilier tertiaire montre bien que les attentes des opérateurs pour un immobilier modulable se heurte à des normes qui ne sont pas compatibles avec les principes de la reconstruction de la ville sur elle-même. Cette relance ne nécessite pas de nouvelles dépenses et peut apporter des recettes fiscales nouvelles. Rappelons que le « logement », génère 79 milliards d'euros de recettes fiscales par an à l'État et aux collectivités.

Le vote de la Loi Climat met le logement aux avant-postes de la lutte contre le réchauffement climatique. 75% des Français ont à cœur d'avoir un logement respectueux de l'environnement (2). Le troisième levier est de profiter de la nécessaire rénovation énergétique des logements pour remettre sur le marché des logements qui en étaient exclus de facto. MaPrimRénov' est un succès à amplifier notamment auprès des copropriétés qui ont des difficultés à engager un certain nombre de travaux. Ce mécanisme permet aussi de remettre sur le marché des logements dont la caractéristique thermique était mauvaise. Associé à un faible loyer, ce que rend aujourd'hui viable le dispositif Loc'Avantages, une nouvelle offre de logements abordables, détenus par des bailleurs privés, peut voir le jour. Cette nouvelle offre est disruptive en ce qu'il permet d'engager des bailleurs privés à rendre ainsi les mêmes services que les bailleurs sociaux réglementés. Rappelons que le parc locatif privé est de la même taille que le parc HLM conventionné.

Dernier levier d'action : les bailleurs sociaux. Les nouveaux ensembles d'Organismes de Logement Social (OLS) issus de la consolidation du secteur HLM voulu par la Loi Elan, doivent maintenant s'organiser sereinement pour produire davantage et réduire leurs coûts. Une pause législative est donc nécessaire sauf sur 3 points : réduire les inégalités entre les organismes du secteur public et privé, leur permettre d'offrir de nouveaux services, notamment pour favoriser l'autonomie des personnes âgées à petites et moyennes retraites, et assouplir des règles de déconventionnement pour les aider à affronter une hausse des taux.

Les années à venir vont être dominées à la fois par une remontée de taux d'intérêts, une raréfaction du foncier et un surenchérissement des coûts pour se loger. Nul doute que l'État ne pourra pas ignorer ce qui constitue la quatrième préoccupation des Français. Sa feuille de route est donc claire : s'appuyer sur un secteur privé et public, dynamisé par un allègement des contraintes réglementaires sinon il ne parviendra pas à ses objectifs.

____

(1) INSEE : Focus n°254 (novembre 2021).

(2) 6e Panorama de l'immobilier et de la ville, Croissance et recrutement face à l'exigence climatique (février 2022).

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 17/03/2022 à 12:17
Signaler
Tout ce qui est écrit dans cet article est plein de bon sens. Pourquoi alors depuis si longtemps ça ne bouge pas ? Il serait judicieux que cet article soit envoyé à tout député, tout sénateur, tout maire, tout homme politique, tout fonctionnair...

à écrit le 17/03/2022 à 7:55
Signaler
Si on aide les acteurs de la spéculation immobilière on ne fera qu'alimenter cette spéculation immobilière, le gouvernement Macron aura été délirant dans ce sens et on voit que tout le lobby financier s'est engouffré derrière ses patrons nous imposan...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.