Contexte économique : la Tech européenne doit être sûre de ses forces

OPINION. Le contexte économique actuel difficile incite peu à la prise de risque mais les entreprises européennes de la Tech ont de nombreux atouts à faire valoir. Par Jérôme Tomasini, responsable de l'activité Startup partnerships de Stripe France.
Aujourd'hui, le continent abrite des leaders globaux dans leur catégorie comme Wise ou Spotify, tandis que la France peut s'enorgueillir de porte-drapeaux connus internationalement tels que ManoMano ou Sorare (photo).
Aujourd'hui, le continent abrite des leaders globaux dans leur catégorie comme Wise ou Spotify, tandis que la France peut s'enorgueillir de porte-drapeaux connus internationalement tels que ManoMano ou Sorare (photo). (Crédits : Reuters)

Inflation tenace, taux d'intérêt à court terme plus élevés et crise énergétique persistante : les défis que doivent affronter les entreprises technologiques européennes sont nombreux. On peut bien sûr ajouter à cette liste la raréfaction des levées de fonds dans un contexte plus général de ralentissement économique.

Cependant, tout n'est pas si sombre. De nombreuses startups en Europe ont su rapidement s'adapter à cette nouvelle donne: des entreprises telles que Alma, Doctolib, Alan et Sorare continuent d'enregistrer une croissance rapide. La plupart des fondateurs et des investisseurs restent positifs quant à l'avenir. Rappelons qu'en 2022, les startups en Europe ont levé la somme record de 94 milliards de dollars en cumulé. Une étude d'Atomico révèle que plus des trois quarts des acteurs de la Tech européenne sont au moins autant optimistes que l'année dernière à la même époque. Je ne peux que partager leur avis. Des pans entiers de l'économie européenne n'en sont qu'aux prémices de leur numérisation. Du secteur de la santé à la construction, en passant par l'agriculture, le potentiel reste encore immense. En parallèle, de nouveaux paradigmes comme le metaverse, la crypto et l'intelligence artificielle repoussent sans cesse les limites du possible.

La France peut s'enorgueillir de porte-drapeaux connus

Autrefois, l'Europe déplorait l'absence de géants mondiaux de la Tech en son sein ; aujourd'hui, le continent abrite des leaders globaux dans leur catégorie comme Wise ou Spotify, tandis que la France peut s'enorgueillir de porte-drapeaux connus internationalement tels que ManoMano ou Sorare.

Notre pays n'a d'ailleurs plus à rougir face à ses voisins européens : l'alliance d'un cadre politique favorable, d'un écosystème d'investisseurs mêlant fonds locaux et étrangers et d'entrepreneurs aux ambitions globales ont changé la donne.

Plus généralement, l'Europe dispose d'atouts majeurs. Son écosystème de capital-risque est désormais bien structuré pour accompagner les entrepreneurs à chaque étape de la vie de leur startup. Des sociétés comme Atomico, Eurazeo, Kima et bien d'autres soutiennent et encouragent les entrepreneurs européens dans leurs ambitions globales. L'arrivée des VCs internationaux, comme Sequoia ou a16z sur le continent, et leurs investissements croissants auprès d'entreprises européennes, témoigne de l'attractivité de nos startups à l'échelle mondiale.

Les législateurs européens jouent également un rôle majeur dans la propagation de l'innovation. La DSP2 et le régime de passeport financier font désormais de l'Europe l'endroit le plus propice au monde pour créer une fintech. Sous l'effet de campagnes telles que "Not Optional", le régime de taxation des stock-options a été revu pour permettre aux startups européennes de rivaliser plus facilement dans la course aux meilleurs talents.

Beaucoup reste à accomplir

Toutefois, sur ce point comme sur bien d'autres, beaucoup reste encore à accomplir. Si, chaque année, des dizaines de milliers de développeurs sont formés en Europe, c'est malheureusement encore loin d'être suffisant pour répondre aux besoins des entreprises tech en forte croissance. Quatre millions de développeurs supplémentaires sont nécessaires d'ici 2025 à travers le monde. Et si l'Europe est mieux positionnée que les États-Unis à cet égard, la Chine et l'Inde peuvent compter sur un nombre bien supérieur de développeurs pour répondre à cette demande.

Tout n'est pas qu'une question de chiffres : l'expérience et la compétence sont également déterminantes. De nouvelles approches, telles que les cours de l'Université de Limerick, proposant des expériences rémunérées dans les principales entreprises tech, visent à encourager davantage d'étudiants à s'orienter vers des carrières dans le secteur des logiciels, stimuler l'offre de talents locaux et renforcer l'ambition visant à lancer de nouvelles entreprises dans la Tech. Elles gagneraient à être généralisées. En France, l'alternance est largement plébiscitée par les pouvoirs publics pour améliorer la formation et l'insertion des talents dans le monde du travail. Ainsi, les partenariats entre les établissements d'enseignement et les entreprises tech se multiplient pour favoriser l'accueil d'alternants et faire face à la pénurie de main-d'œuvre dans le secteur.

La complexité réglementaire demeure également un problème persistant. La mise à disposition des startups de guides de conformité faciles d'utilisation, ainsi que la mise en place d'un processus facilitant l'information entre les fondateurs et les législateurs rendrait la réglementation plus accessible et plus favorable aux startups. Les startups se développeraient plus rapidement si les règles étaient harmonisées entre les pays européens et si le passeport, si déterminant pour le développement des fintechs, était étendu à d'autres secteurs fortement réglementés. La directive DSP2 a donné au continent une longueur d'avance, il faut continuer dans ce sens. Cela signifie franchir les prochaines étapes de l'Open Banking et de l'Open Finance, permettant aux structures non bancaires d'accéder à l'infrastructure des banques centrales, et utiliser l'idée de l'Euro numérique pour moderniser l'infrastructure de paiement sous-jacente à l'économie européenne.

Imaginer des règles plus souples

Enfin, pour donner aux startups européennes climatiques le coup de pouce dont elles ont besoin, pourquoi ne pas imaginer des règles plus souples, comme les bacs à sable réglementaires (sandbox) qui ont si bien fonctionné pour les fintech, et un fléchage du financement, notamment public, pour aider les startups à se lancer plus rapidement sur le marché ?

Si le ralentissement économique actuel aiguise mécaniquement notre aversion au risque, enterrer le secteur européen de la tech serait une grave erreur. L'Histoire nous a montré à maintes reprises que les entreprises les plus emblématiques émergent souvent du chaudron des crises économiques, du groupe Bouygues créé dans les années 50 en contexte d'après-guerre à Google fondé au moment de la bulle internet des années 2000. Plutôt que de débattre ad nauseam de la fin de l'âge d'or de la tech, et si nous aidions plutôt la prochaine génération de fondateurs européens à viser encore plus haut ?

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.