« Slow Growth is the New Growth », pourquoi la Tech doit changer de paradigme pour survivre

OPINION. Dans un contexte de marché plus tendu, avec des investisseurs plus exigeants et refroidis par la dégradation de la situation économique, la feuille de route des entreprises a changé. Après la course à l'hyper-croissance, la recherche de rentabilité devient désormais un impératif. Par Robbie O'Connor, General Manager EMEA chez Notion.Décryptage.
(Crédits : DR)

Avec 358 tours de table et un montant record de 11,9 milliards d'euros investis en 2022, en augmentation de 19% par rapport à 2021, les levées de fonds des startups françaises de la Tech ont été conséquents l'année dernière. Ces chiffres, compilés par KPMG, soulignent cependant un ralentissement majeur au cours du second semestre 2022.

En effet, les vents sur les marchés financiers ont changé de direction, et nombre de valeurs technologiques ont subi une forte correction, allant parfois jusqu'à perdre plus de la moitié de leur valorisation boursière. Conséquence directe : les investissements et, par ricochet, les recrutements, ont connu un fort ralentissement. Il ne se passe plus une semaine sans que l'on puisse lire un gros titre sur une baisse du cours d'une action, un gel des embauches voire un plan de licenciements, dans une société de la Tech.

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis 5 ans, les taux des banques étaient si bas que l'argent était presque gratuit. Pire, dans certains cas, les entreprises pouvaient subir des intérêts négatifs : payer la banque pour qu'elle conserve les excédents de trésorerie. Dans ces conditions, les investisseurs investissaient facilement et massivement dans de nombreuses entreprises, de la startup à des organisations de taille plus importantes. Les business modèles des entrepreneurs se sont très vite adaptés à cette manne financière, et des critères comme la rentabilité sont passés au second plan, au profit de l'hyper-croissance.

L'objectif était de faire rapidement émerger de futur leader, en suivant l'adage « winner takes all ». Cette théorie part du principe que l'entreprise qui réussit à avoir le plus d'utilisateurs sur un nouveau marché, peu importe la rentabilité à ce stade, remportera l'ensemble du marché en devenant son leader. Il fallait donc privilégier la croissance à tout prix pour arriver le premier en nombre d'utilisateurs. Uber est un très bon exemple de cette stratégie

Mais 2022 a sonné le glas de l'argent gratuit. Avec le spectre de l'inflation, les tensions énergétiques, les différentes banques centrales ont frappé fort en remontant leurs taux d'intérêt à court terme pour endiguer cette surchauffe. L'argent coûte désormais plus cher aux entreprises. Dans ce contexte, les investisseurs se montrent plus prudents et plus sélectifs, les délais pour boucler une levée de fonds s'allongent, les valorisations sont revues à la baisse et les sommes investies dans les dossiers de levées de fonds sont moins importantes. Et la notion de rentabilité redevient essentielle, au détriment de l'hyper-croissance.

Opportunité pour certains, menace pour d'autres... Ce changement de contexte tend à rééquilibrer les rapports de force et incite les entreprises à revoir leur boussole stratégique pour rester dans la course. A nouvelle réalité, nouveau paradigme : il est temps d'adopter une approche de la réussite construite sur le plus long terme.

Passer du sprint au marathon

C'est l'occasion de s'apercevoir que toutes les startups n'ont pas cédé aux charmes de l'hyper-croissance et de l'argent facile. Certaines entreprises ont privilégié la croissance « lente », c'est-à-dire une croissance normale avec une vision plus « long-termiste ». Celles-ci prennent toujours en compte le nombre d'utilisateurs, mais aussi la rentabilité, en surveillant des métriques importantes comme le revenu moyen par utilisateur (average revenue per user, ARPU) et en s'assurant d'avoir une trésorerie saine qui ne dépende plus à 100% des investisseurs.

Ces startups, autrefois jugées comme peu intéressantes par les investisseurs, deviennent les nouvelles références et ont une longueur d'avance. Leurs dirigeants sont des visionnaires, qui ont pris soin de protéger leur organisation des éventuelles tempêtes en adoptant une conduite plus mesurée et moins risquée. Et cela paye lorsqu'une crise telle que celle que nous traversons actuellement arrive.

Les dirigeants qui ont évolué depuis des années dans le monde de l'hyper-croissance vont devoir être suffisamment agiles pour s'adapter rapidement au nouveau contexte économique. Ils vont devoir passer du sprint au marathon.

Le secteur de la Tech est d'ailleurs déjà en train d'évoluer vers ce mouvement axé sur une croissance plus lente, mais plus rentable, qui va révolutionner les stratégies des entreprises en matière d'objectifs et de gestion financière mesurée et mesurable. A l'image des enfants stars qui ont été propulsés sous les feux de la rampe pour ensuite sombrer dans une spirale infernale quelques années plus tard, rien ne sert de courir, il faut partir à point et se poser les bonnes questions.

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