Dépoussiérer la décentralisation

OPINION. Pour bien gouverner la France, il faut voir loin, mais il faut surtout la regarder de près. Par François Sauvadet, Ancien ministre, Président de l'Assemblée des Départements de France et Président du Département de la Côte-d'Or.
(Crédits : DR)

La proximité avec le terrain, le contact direct avec les populations, la connaissance fine des spécificités propres à chaque village, chaque ville, chaque département, sont l'une des clés de l'efficacité publique. Les élus départementaux, désignés au suffrage universel direct, le mesurent chaque jour, au plus près des Français, car ils exercent leurs compétences « à hauteur d'homme ».

Ces dix dernières années, la décentralisation est revenue dans les débats, à mesure que se multipliaient les décisions verticales, vécues par les Départements comme un retour en arrière, à l'encontre de l'esprit de la loi du 2 mars 1982 promulguée il y a 40 ans. Cette loi - dont l'intitulé « droits et libertés des communes, des départements et des régions », qui ne laissait planer aucun doute sur sa portée- fut une petite révolution dans le paysage administratif ultra-centralisé de l'époque : elle entendait rapprocher les centres de décisions de nos concitoyens, afin d'agir plus vite et plus efficacement. Cet acte I de la décentralisation a permis de maintenir l'équilibre de nos institutions comme de notre démocratie, plaçant la confiance et la responsabilité au cœur de la relation entre l'État et les collectivités.

En 2022, ces aspirations décentralisatrices sont d'une criante actualité : tout ne peut se régler uniformément depuis Paris ! Aujourd'hui, dans un contexte de crise sociale et économique inédite, ce n'est pas d'une énième loi de réorganisation des compétences territoriales dont la France a besoin. L'obsession qui doit être la nôtre, c'est de pouvoir répondre à cette question essentielle : comment mieux agir pour les Français ? Pour cela, plusieurs priorités doivent s'incarner à travers toutes nos politiques publiques : la proximité, la simplification, l'efficacité et l'innovation, que nous voulons renforcer dans le cadre de « l'Agenda territorial », programme de travail commun engagé avec la Première ministre et le gouvernement, pour co-construire les politiques publiques de demain.

Il faut sortir des sentiers battus pour imaginer que le Département puisse, pour certaines compétences phares, tenir le rôle de chef de file, sans pour autant remettre en question la répartition des compétences entre les échelons territoriaux. Pour certains enjeux majeurs, dont l'urgence n'est plus à démontrer (l'insertion, la protection de l'enfance, le grand âge, le handicap ou la lutte contre les déserts médicaux), une réponse territoriale à 360 degrés, pilotée par le Département, peut être pertinente et efficace : il faut abolir les lourdeurs et les cloisons administratives, en mettant autour de la table l'ensemble des professionnels concernés, afin de trouver des solutions adaptées aux besoins des territoires, car les problèmes ne se résolvent pas de la même manière dans la Creuse ou la Seine-St-Denis.

Il est nécessaire d'éprouver concrètement le pouvoir d'expérimentation et d'adaptation des normes, en fonction des singularités locales et des réalités vécues par les Français. Lors des crises sanitaires, les Départements, au carrefour des politiques de proximité, ont vraiment démontré leurs capacités de coordinations et leur grande réactivité. Ils ont aussi prouvé qu'il est préférable d'avoir une règle locale adaptée et simplifiée, plutôt qu'une norme nationale complexe, et donc inapplicable dans les faits. Nombre de décisions nationales ont conduit à des impasses locales : l'État demande par exemple aux services départementaux de contrôler les EHPAD publics, sans leur donner une autorité fonctionnelle - réelle et effective - sur les directeurs d'établissements !

Aujourd'hui, de profondes inégalités persistent entre les territoires et les Français en souffrent, en même temps qu'ils éprouvent un sentiment de défiance sur la capacité des pouvoirs publics à régler leurs problèmes. En matière d'accès aux soins par exemple, les carences sont criantes dans les zones rurales. Pour reconstruire une société de la confiance, il faut être capable de comprendre les Français et de partager leurs difficultés, comme leurs aspirations. Pour cela, les Départements, incarnés par 340.000 agents territoriaux exerçant plus de 140 métiers différents et 4.500 conseillers départementaux, sont la bonne maille pour agir : suffisamment proches pour connaître les problématiques locales et suffisamment présents sur le terrain pour assurer, jusqu'aux derniers kilomètres, des services efficaces à la population.

Il est temps de mettre en cohérence l'action publique et les aspirations réelles de nos concitoyens. Pour construire la France de demain, la réponse viendra du terrain et du couple Département-Commune, deux collectivités du « faire », que rien ne remplace pour agir mieux et en proximité, au service de nos compatriotes.

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Commentaire 1
à écrit le 23/11/2022 à 9:53
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L'hypocrisie vient de la soi-disant "décentralisation" des responsabilités avec la centralisation des moyens financier ce qui construit un lien de dépendance, un peu comme celle que l'on construit dans l'UE de Bruxelles vis à vis des Etats ! ;-)

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