« Fonds vert » : la négociation locale au cœur du changement

OPINION. L'enveloppe de 1,5 milliard d'euros, accordée aux territoires pour les aider à lutter contre le dérèglement climatique, est une bonne nouvelle. Mais les changements nécessaires impliquent des acteurs défiants les uns par rapport aux autres et sans vision claire de leurs intérêts partagés. C'est une des raisons majeures de la lenteur des réactions face à la menace climatique, à échelle locale comme à échelle internationale. Arriver, au sein de chaque territoire, à négocier efficacement, est aujourd'hui un enjeu clé pour parvenir à tirer parti des subventions de l'Etat. Par Irena Descubes, chercheure à Rennes School of Business
(Crédits : DR)

La question de la valorisation des déchets agricoles et alimentaires est emblématique. Correctement traités par les collectivités, ces déchets peuvent fournir dans les zones rurales de l'énergie pour le chauffage, des engrais pour les terres, du biogaz pour la cuisine, du biofuel pour le transport, diminuant ainsi les émissions polluantes tout en stimulant l'économie locale.

Nos recherches de terrain, menées en centre Bretagne, dans la communauté de communes de Locminé, pionnière dans le domaine, montrent comment ces technologies ont été introduites et progressivement acceptées alors qu'elles suscitaient de la défiance au départ.

Les élus n'ont pas décidé seuls, ou avec quelques experts. Des informations claires et transparentes ont été fournies aux différentes parties prenantes, avec une analyse des coûts et bénéfices pour chacune d'elles. Les porteurs du projet sont ensuite intervenus devant des regroupements de ces acteurs, en résolvant les problèmes un à un, de manière itérative, avant, finalement, de s'exprimer devant l'ensemble des citoyens concernés.

La plupart des projets « verts » -mobilité décarbonée, limitation de l'étalement urbain, parkings relais, verdissement des villes, circuits alimentaires courts- nécessitent ainsi des négociations multipartenaires complexes pour trouver des compromis acceptables, afin que les acteurs se les approprient et finalement les soutiennent.

Les pseudo concertations où des avis sont demandés sur des projets quasi bouclés ont montré leurs limites. Avant de communiquer de manière descendante, il faut comprendre les enjeux de chacun, que ceux-ci soient clairement exprimés et collectés. L'ensemble des parties prenantes - y compris celles qui dérangent- doivent être impliquées dans ces démarches de cocréation de solutions.

Face aux signaux faibles d'opposition, repérés le plus précocement possible, des stratégies deviennent possibles, avec la construction de plusieurs scénarii, porteurs d'avantages et d'inconvénients, qui permettent d'avancer en évitant l'émergence d'oppositions frontales.

Des outils numériques existent pour mettre en musique de telles démarches

Ils permettent de visualiser les intérêts et réticences de chacun des partenaires de manière dynamique, et de trouver des manières innovantes de les articuler. Créés aux États-Unis dans les années 1990, les étudiants des universités les plus prestigieuses ont été formés à leur utilisation. Les grandes entreprises et les administrations y ont recours. Mais ces outils sont encore très rarement utilisés de ce côté de l'Atlantique, tout particulièrement dans le secteur public.

Grâce à l'intelligence artificielle, il est pourtant possible aujourd'hui de scanner l'ensemble des échanges pour en garder une trace, que les informations importantes ne se perdent pas au fil des mois, que des oppositions de faible intensité ne passent pas sous les radars et soient correctement prises en compte.

Ces outils technologiques permettent par ailleurs de partager l'information de manière visuelle, beaucoup plus percutante que d'indigestes synthèses. Une manière de susciter plus facilement l'adhésion. Au vu des enjeux actuels, investir pour construire des outils adaptés et professionnaliser ainsi les négociations n'est pas un luxe.

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